“Rita Cournoyer” — Labo

 

 

Aux participants.es du Labo 230Z – intitulé
Laboratoire de pratique théâtrale :
Rita Cournoyer jouait Phèdre

 

 

Messieurs-dames, salutations.

 

 

Voici donc l’envoi inaugural de notre cours, envoi dans lequel je m’attacherai à vous fournir le plus d’éclaircissements qu’il me sera possible en peu de mots sur le travail que nous allons entreprendre à compter du 26 février.

Les éléments de présentation, d’information et d’incitation à la réflexion énumérés ici sont de deux ordres :

Ils portent d’abord sur le texte : texte-même de la pièce à l’étude, rapide historique de son écriture, documentation annexe.

Ensuite sur le labo lui-même : ses objectifs, son mode de fonctionnement.

Bonne(s) lecture(s) à vous.

N’hésitez pas à prendre contact avec moi si vous souhaitez davantage de détails, ou si certains de ceux présentés ici vous paraissent manquer de clarté.

J’apprécierais que chacun/chacune accuse réception de ce message.

Très très hâte de vous voir (à nouveau, dans plusieurs cas)

RD

 

*

 

Note : je publie ici ce texte sans l’accompagner du texte de Rita, que vous recevrez par courriel. Jusqu’à avis contraire, merci de NE PAS le faire circuler.

 

*****

LE TEXTE

 

Intro

 

Rita Cournoyer jouait Phèdre est une pièce quasi-achevée, en alexandrins et en québécois, dont l’essentiel de l’écriture remonte à 1986.

Le coup d’envoi en remonte cependant un peu plus loin encore. À l’année scolaire 83-84, pour être précis.

Cette année-là, j’avais été invité à « conseiller » ou à « superviser », je ne sais plus trop comment la chose avait été appelée, une création collective dans laquelle se lançaient les finissants en interprétation de l’École nationale de Théâtre.[1] Le travail s’avéra, si j’en crois mon souvenir, appartenir très nettement à la catégorie des entreprises « laborieuses » – peut-être même « ardues ». J’avais d’entrée de jeu prévenu la Direction de l’ÉNT de ce que je ne suis vraiment pas très porté sur cette forme de pratique, qui débouche presque nécessairement sur un étalement de la responsabilité éditoriale alors que ce qui m’intéressait déjà passionnément à l’époque – je n’avais pas 30 ans – était la responsabilité créatrice individuelle, mais en vain : « Allez, allez, viens donc ! Je suis certaine que tu vas faire un boulot du tonnerre ! »

Je fis de mon mieux. Mais ce fut loin de suffire. J’étais sans cesse déchiré entre mon engagement contractuel à l’endroit du groupe d’une part, et ma responsabilité éthique à l’endroit des individus de l’autre. L’ensemble, ce n’est rien de le dire, s’en ressentit.

Toutefois, si l’atmosphère en salle de répets tendait à osciller entre « lourde » et « très très lourde », mes rapports avec les étudiants, eux, étaient fort chaleureux et enjoués, et les difficultés que nous affrontions n’empêchèrent en rien que nous ayons ce qu’il est convenu d’appeler un « fun noir ».

Ainsi, un soir, nous retrouvâmes-nous, une demi-douzaine d’étudiants et moi, à manger une bouchée et à prendre une (suivie de quelques autres) bière sur la terrasse arrière du Saint-Sulpice, rue Saint-Denis. Après avoir bouffé, une étudiante – il me semble bien qu’il s’agissait de Dominique Pétin – évoqua un jeu de société qui était traditionnel dans sa famille – un concours d’alexandrins – et, portés par son engouement, entreprîmes sur-le-champ de nous livrer à lui. Nous rîmes comme des fous. Et ce fût ainsi que, d’un thème obligé à l’autre, parvenus à celui qui nous réunissait là, le théâtre, bien entendu, je me retrouverai soudain à accoucher de ces vers, qui (la bière aidant, sans doute) nous fit hurler de rire un long moment : une paraphrase du climax de la célèbre envolée de la Phèdre de Racine avouant son amour coupable à Hippolyte : « Ah, cruel ! Tu m’as trop entendu.»[2]

 

Chez Racine, la tirade culmine en :

Ou si d’un sang trop vil ta main serait trempée,

Au défaut de ton bras prête-moi ton épée.

Chez moi, cela devint :

Quand on veut pas qu’ tout l’ monde cherche à nous pogner l’ cul

On n’a rien qu’à pas faire comm’ si c’ tait not’ seul but !

 

Et la chose en resta là.

Si ce n’est que… une graine avait été semée.

 

*

 

Les débuts de l’écriture

 

Dans les mois qui suivirent, je me mis à être chicoté, et de plus en plus, par une évidence qui ce soir-là m’avait soudain sauté aux yeux : dits avec l’accent québécois, ou plus encore construits en québécois, les alexandrins font rire. La chose est presque inévitable.

À force de ressasser mes premiers vers, auxquels de nouveaux s’ajoutèrent bien vite, je me mis à me demander pourquoi il en était ainsi, avant de, poussé par ma fascination pour la langue et pour les outils qu’elle offre, décider d’aller voir s’il n’y aurait pas moyen de changer quelque chose à cette réalité qui me paraissait rien moins que regrettable. Autrement dit, je me mis à me demander s’il n’y aurait pas moyen, en alexandrins et en québécois, de susciter une autre réaction que l’amusement ?

Il me sembla que oui. Et qu’il suffisait peut-être pour ça de commencer une pièce en utilisant à fond la caisse l’effet comique, mais pour peu à peu renoncer ensuite à lui et s’approcher alors autant que possible de la tragédie.[4]

C’est dans ce but que j’entrepris l’écriture de Rita.

 

*

 

Le projet initial

 

Toutefois, comme souvent en écriture, d’assez formidables surprises m’attendaient.

J’avais décidé de, grosso modo, suivre le plan suivant :

  1. On fait rire à l’os
  2. Profitant du rire, on installe les enjeux de ce qui va suivre
  3. On commence à développer le thème tragique
  4. On retire peu à peu le prétexte comique
  5. On se retrouve dans la tragédie et elle seule.

Le rire devait donc en somme servir d’enrobage pour faire passer la pilule. Si ce n’est que je décidai – et j’ai oublié depuis un sacré bail ce qui, précisément, m’y incita – de me servir comme thème comique – par opposition au thème tragique qui était le but véritable – de la situation du théâtre à l’époque, telle que je la percevais et la vivais[5].

 

*

 

« Tragédie »

 

Un mot sur la tragédie selon la conception que je m’en fais : « transgression ».

Le héros ou l’héroïne tragique décide, de son plein gré, délibérément, de s’en prendre à une directive venue d’en haut – le plus souvent un en haut absolu (divin) – au nom d’un principe qu’il ou elle perçoit comme ne laissant place à aucune exception, auquel l’Autorité elle-même est donc soumise selon lui ou elle, mais que ladite Autorité bafoue par ses actions.

Autrement dit, le héros se plante devant les dieux et leur lance au visage : « Il y a une Vérité à laquelle même Vous – ou Toi – êtes soumis. Et au nom de cette Vérité que tu foules au pied, je m’oppose à toi. » C’est la première partie de son énoncé : avec elle nous ne sommes pas encore dans la tragédie, rien que dans sa mise en place.

Le cœur de la tragédie s’installe lorsque le héros complète sa prise de position : « Je ne te vaincrai pas. Et je le sais. Mais je me dresse tout de même sur ta route. Tu vas m’écraser. Ce n’est pas ce que je recherche. Mais la chose est inévitable. Et le principe au nom duquel je te barre le chemin m’est plus essentiel que mon propre sort. »

Prométhée enchaîné par Vulcain, de Jean-Charles Frontier

Entendons-nous donc déjà sur une rapide première définition des termes :

Contrairement à ce que l’on entend si souvent, la tragédie n’est pas un événement fâcheux ou terriblement désolant, pas à sa source en tout cas, mais un événement causé par une prise de position délibérée qui ne peut pas connaître une autre issue que la destruction de son initiateur. Cet initiateur est conscient du caractère inéluctable de sa défaite, et va tout de même de l’avant au nom d’un principe que bafoue l’être supérieur auquel il s’oppose et qui d’une manière ou d’une autre le réduira en bouillie.

Un événement fâcheux, même déchirant au possible, mais accidentel (et donc, par nature, non délibéré), n’est pas une tragédie mais un drame.

[Note complémentaire]

 

*

 

Revenons à l’écriture de Rita.

 

Je me rendis rapidement compte que je ne pouvais pas espérer me rendre réellement jusqu’à une tragédie selon la conception que je m’en faisais – et m’en fais toujours. Il me manquait pour ça le temps, la culture, la profondeur de réflexion, il me manquait en fait presque tout (hormis le désir)… mais je pouvais en tout cas me mettre en route dans la bonne direction. Et c’est ce que je tentai.

Cela donna le texte « quasi-achevé, en alexandrins et en québécois » que je vous envoie aujourd’hui, trente-trois ans plus tard.

J’expliquerai rapidement, un peu plus loin, pourquoi c’est lui que je vous envoie. Finissons-en d’abord avec l’entreprise porteuse de cette pièce.

Puisqu’une tragédie est un récit dans le cadre duquel un individu fait face à une Autorité, sans espoir de la vaincre et se sachant même destiné à être écrasé par elle en réaction au défi lancé, il me fallait deux éléments de départ primordiaux : une Autorité, et une Figure, face à cette autorité, qui décide de lui résister.

C’est ainsi que j’en vins à imaginer…

Une troupe de théâtre, réunie dans l’intention de dénoncer la manière dont on pratique cet art chez nous, se préparant à se lancer dans une parodie de Phèdre… mais dont l’interprète principale se rebiffe, et choisit plutôt de parler de passion. La Troupe est furieuse : « Ah bon ?! Madame aime ça, se morfondre et souffrir ?! » La comédienne répond : « Non ! Mais si c’est la seule manière de parler de beauté… oui ! » « Parfait ma pitoune, arrive ! On va t’arranger ça !», répond le second Coryphée. Et Rita s’élance vers sa perte. Ou vers sa victoire. Ou vers sa douleur. Sur le chemin de sa vie, en tout cas.

 

On n’a pas aucun droit à parler d’ tragédie

Tant que l’on n’est pas prêt à y mettre le prix.

*

 

Les deux Obstacles – ou étaient-ce des Prétextes ?

 

Parmi les nombreux obstacles auxquels j’ai fait référence un peu plus haut et que je savais constituer des empêchements majeurs à l’entreprise amorcée, s’en trouvait un premier, fort considérable : le besoin, pour moi, d’entendre le texte, de le vérifier, d’en sonder les points d’appui, les axes, les détours, les rebondissements, non pas au terme de l’écriture, mais durant l’écriture, tout au long d’elle.

C’est la seule fois – pour autant que je me souvienne – que ce besoin se fit sentir chez moi au fil de mes décennies de pratique d’auteur, mais il était impérieux : celui d’avoir très littéralement sous la main, en permanence, 24 heures par jour, des mois durant, une troupe d’acteurs et d’actrices qui sur un claquement de doigts de ma part matérialiserait mon texte au fur à mesure de mes avancées, de mes reculs, de mes tentatives, de mes coups de tête. Je fantasmais une troupe disponible en permanence, tels des pompiers jouant aux dames entre les alertes, dans une grande pièce adjacente à mon bureau, et que je pourrais à n’importe quel moment réveiller et mettre au boulot.

Écrire, très littéralement, une pièce sur des acteurs.

Inutile de dire que la chose était parfaitement irréalisable. L’eût-elle été, réalisable, qu’il ne fait de toute façon pas de doute dans mon esprit que je serais mort en moins de deux jours, réduit en charpie par une meute de tragédiens en furie.

Je fis ce que je pus en leur absence.

Le deuxième obstacle était encore plus considérable – et de beaucoup, même si à l’époque j’étais fort loin de me douter à quel point.

Il consistait en ceci – et c’est tout particulièrement à lui que je faisais référence tout à l’heure en écrivant « Comme souvent en écriture, d’assez formidables surprises m’attendaient ».

Voici :

L’Autorité à laquelle mon Héroïne se confrontait, en tentant d’écrire son texte je me rendis très rapidement compte que non seulement je ne la trouvais pas dérisoire, ni elle ni son propos, mais que j’étais même parfaitement d’accord avec elle : son entreprise m’apparaissait juste, fondée, légitime !

Et ça, je ne l’avais absolument pas vu venir !

Autrement dit, je n’avais pas vu venir ce qui est au cœur même de la tragédie, et qui doit y être pour qu’elle ait un sens : ce n’est pas parce qu’elle a tort, que l’Autorité doit être affrontée par le Héros tragique ! Si tel était le cas, ce ne serait pas de tragédie qu’il s’agirait. Le Héros ne lui dit pas : « Tu te trompes – ton raisonnement est faux ! » Non. Il lui dit : « Tu as raison ! Parfaitement, raison ! Sauf… sur UN point, mais un point qui se situe en dehors de ton raisonnement, et qui fait toute la différence ! Tu as raison : ceci ou cela doit être interdit, ou doit être condamné ! MAIS… il y autre chose ! Une autre chose, appartenant à un autre plan de nos existences, et qui m’empêche absolument d’abonder dans ton sens ! Qui m’oblige à te hurler NON ! »

Il allait me falloir encore la bagatelle de trois décennies avant que j’aie – pour le moment ? – fait le tour de la question.

Si vous avez une couple de mois de libres pour la contempler à votre tour et vous pencher sur elle, vous trouverez ici (La guerre perdue) la meilleure évocation d’elle que je sois parvenu à formuler.

Quoi qu’il en soit, l’écriture de Rita, quasi achevée, s’interrompit donc pour de multiples raisons… à quelques pieds à peine – voire à quelques pouces – de sa cible.

 

*

 

La quasi-création de Rita.

 

Très rapidement, une possibilité de tout de même mener à bien l’entreprise allait pourtant se présenter – pour tout aussi vite s’échapper.

Durant l’écriture de Rita, l’une des très rares personnes que j’avais tenue au courant des avancées de la pièce était mon ami Robert Lalonde, entre autres au fil de la saga qui allait mener à la création de ma pièce Le printemps, monsieur Deslauriers à la Compagnie Jean Duceppe, création à laquelle il participerait bientôt.

Le printemps, monsieur Deslauriers, 1987, Cie Jean Duceppe (De g à d: Robert Lalonde, Guy Nadon, Raymond Legault, Jean-Louis Millette, Louise St-Pierre, Mireille Thibault (au lointain) et Gérard Poirier)

 

Un beau jour, alors que je suis en train de m’éloigner de Rita dont je crois l’écriture résolument impossible à mener à bien, Robert m’appelle et m’annonce qu’il veut me voir – rapidement !

Nous nous voyons donc. Et il m’annonce carrément qu’il vient d’obtenir le poste de Directeur artistique du Théâtre d’Aujourd’hui et qu’il nous faut réfléchir sur le champ à une manière de créer la pièce !

Je suis… comment dire ?… estomaqué (restons simples).

Dans le temps qu’il faut pour l’écrire, nous formulons ce projet de fou :

Je vais faire une lecture du texte (activité qui de toute façon, à mon sens, fait partie intégrante du processus d’écriture au théâtre), mais une lecture destinée exclusivement aux actrices et acteurs d’ici âgés de 50 ans et plus[6]. A cette occasion, Robert et moi leur expliquerons ceci :

Ils et elles sont le théâtre québécois du moment – ils sont ceux qui lui ont préparé le terrain, qui ont sarclé le sol, l’ont arrosé, irrigué, travaillé, et ils sont encore ceux qui continuent de le défendre, de le promouvoir, de le faire exister, chaque jour, chaque soir, sur scène et partout et où ils posent les pieds, ne serait-ce que du fait de leur aura. Dans la pièce qui va vous être lue, il est justement question du théâtre. Et de ses difficultés. Mais aussi de ses rêves. Et des nôtres. Nous aimerions monter la pièce avec vous tous ! Comme nous savons que vous êtes tous très occupés, nous allons préparer un horaire de répétition qui sera celui de ceux et de celles d’entre vous qui pourront y être. Et les représentations seront à l’avenant : chaque soir, ceux/celles qui le pourront se pointeront au théâtre. Nous pigerons alors dans un chapeau qui jouera quoi. Et nous nous lancerons. La distribution sera donc entièrement différente chaque soir – et chacun/chacune d’entre vous aura répété juste ce qu’il aura fallu pour que nous soyons tous d’accord sur les grandes lignes, afin que n’importe qui d’entre vous puisse jouer/lire n’importe quel rôle. Nous avons envie que ce ne soit pas cet acteur-ci ou cette actrice-là qui participe à la création, mais Les Acteurs et les Actrices du Québec – vous ! Alors, écoutez la lecture, elle est pour vous. La pièce, est pour vous. Et ensuite, dites-nous si vous avez envie d’en être.

La lecture eut lieu – mais mon trac était tellement colossal que je n’en conserve à peu près aucun souvenir. Sauf celui de bravos qui fusèrent à la fin, et celui d’une actrice qui vint me trouver pour prendre mes mains dans les siennes, me regarder avec sur les traits un air d’être une amoureuse de 20 ans et me lancer « Il faut que je joue ça ! » Elle s’appelait Juliette Huot.

 

Juliette Huot dans le rôle de Maman Plouffe (Les Plouffe, Gilles Carle, 1981)  au bras d’Émile Genest dans celui de son époux Théophile, tous les deux suivis par leurs fils Guillaume (Serge Dupire) et Napoléon (Pierre Curzi)

Elle me le répétera d’ailleurs, un matin, quelque temps plus tard, à l’issue d’une autre lecture, que j’aurai donnée, cette fois, à la Maison de la Culture de Longueuil, à l’invitation de sa directrice, l’auteure Lise Vaillancourt.

Cette première bataille est donc remportée : il y aura des acteurs et des actrices enthousiastes pour être de la partie. Et je pourrai donc, oui, bel et bien travailler sur mesures ce qui aura à l’être.

Reste à trouver les sous.

Et ils nous sont refusés.

Avec la distance, je dirais même « Ils nous sont bien entendu refusés ».

Il fallait être fous comme Robert et moi savons l’être à nos heures pour nous imaginer que des organismes subventionneurs accepteraient d’appuyer une pièce pareille.

 

*

 

Quoi qu’il soit…

 

Ayant à présent, en 2019, terminé les travaux qui m’ont occupé durant plus de 30 ans, le moment est venu, je pense, de ressortir la pièce.

Sauf qu’avec l’état de dégradation qu’il a atteint, il ne me traverserait pas l’esprit, aujourd’hui, de réunir ce qu’il reste de monde à faire du théâtre chez nous pour la proposer.

Mais !

J’ai immensément envie de voir ce que cela donnerait si je pouvais la travailler avec ceux et celles qui feront demain le théâtre de chez nous si on leur en laisse la chance : vous !

 

*

 

30 et quelque années plus tard dans les Maritimes

 

Mon projet est donc double.

Réfléchir, et faire réfléchir, à la pièce, à ses enjeux et aux possibilités qu’elle offre – ou pas.

Puis la monter.

En deux temps bien distincts, donc.

Le premier, lors de notre labo.

Le second l’automne prochain, lors de la production remix que je dirigerai à l’École supérieure.

 

*****

LE LABO

 

Son but ?

Étudier la pièce dans l’état où elle existe aujourd’hui, et à partir de ce que l’on en a compris et choisi de privilégier, déterminer quels choix doivent être faits pour que les enjeux sur lesquels on s’est entendus soient clairs – lisibles dans le cadre d’une production.

Comment ?

En séparant le groupe (de 11 participants, pour le moment) en 4 équipes – trois de trois, une de deux. Chacune des équipes décide elle-même de la répartition des mandats en son sein : dramaturge, metteur en scène, directeur.trice de conception (dans le cas de la 4e équipe, les rôles de metteur en scène et de directeur de conception seront fondus).

Ensemble, les membres de chacune des équipes décident de leur projet : par exemple, dans quelle salle de Montréal, existante ou rêvée, faudrait-il monter la pièce pour que le projet donne sa pleine mesure ? Avec quel type de distribution ? Rien que des hommes ? Rien que des femmes ? Rien que des enfants ? Rien que des jeunes, rien que des vieux ? En marionnettes ? Y a-t-il lieu de songer à commander de la musique ? À quel type de compositeur ? Quels seront les termes de la commande ? Musique d’époque ? Laquelle ? Rock ? Pourquoi ? Traditionnelle ? Baroque ? Que faire des références historiques dont certains passages du texte regorgent ? Tenter de convaincre l’auteur de les mettre à jour ? Illustrer les références par des projections d’images d’archives ? Quel type de jeu conviendrait-il de susciter chez les interprètes ? Et ainsi de suite.

Dans ce but, chacune des équipes est seule maîtresse de sa barque – unique règle d’or, à deux volets : viser à une totale cohérence du projet, et se montrer apte à présenter et à défendre ses choix, bec et ongles s’il le faut.

L’auteur ne sera pas présent en classe – jamais. Si des questions surgissent qui lui sont destinées, le prof, qui le connait bien, les lui transmettra et, éventuellement, fera part de ses réponses aux intéressés.

Son rôle, au prof : agir à titre de producteur ou de producteur délégué. C’est lui qui, dans un avenir tout hypothétique, aurait la charge de dénicher les moyens physiques de mener à bien les différents projets. Il est donc au premier chef celui de qui l’ont doit se faire comprendre.

Voilà.

C’est ça, le labo.

 

*

 

Le Journal

 

Au cœur de toute l’entreprise, un élément clé : le journal tenu par tous et chacun des participants.

Il ne s’agit pas simplement de faire des choix, mais de se souvenir de ce qui les a inspirés à l’origine, puis des cheminements qui ont mené à tel ou tel autre  – c’est la seule manière de pouvoir espérer éventuellement s’y retrouver à mesure que les décisions se feront plus complexes et enchevêtrées.

Donc ?

Donc il faut commencer à prendre des notes immédiatement, dès la lecture de cette lettre inaugurale. Quelles images vous inspire-t-elle ? Pourquoi ? Quels éléments d’elle vont dans le sens de ces images, quels éléments vont à l’encontre, et ainsi de suite.

Même chose lors de votre toute première lecture de la pièce. Puis de la seconde. De la troisième, et ainsi de suite.

Ce sera de ces images premières que découleront celles qui viendront plus tard – il s’agit donc d’immédiatement leur prêter attention, de les cerner au mieux, et de les noter.

 

Mesdames-messieurs…

Au plaisir de vous rencontrer.

 

*****

Note sur le texte

 

Je vous l’envoie tel que je l’ai dans mes archives, mise en page et tout.

Nous verrons en salle de cours, s’il y a lieu, ce qui devrait/pourrait advenir des passages répétés, ou des notes pour une écriture ultérieure (que j’ai elles aussi laissées telles quelles).

 

*****

Lectures de départ recommandées

 

Phèdre, de Jean Racine 

Phèdre, de Sénèque

Phèdre, d’Euripide

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https://sceneweb.fr/portrait-florence-dupont-la-voix-de-seneque/?fbclid=IwAR0hMfvJBaGf-gLE8TWlHL01ywgqwz3Hur_gYrKcdOt8mdhAe3ijzTrQzXY – noter en particulier, dans le 5e paragraphe du corps du texte,  l’importance que la professeure Dupont accorde à « l’esthétique de la langue » – et au théâtre « d’avant la séparation du théâtre et de l’opéra ».

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Extrait audio (images fixes) de la prestation de Silvia Montfort en Phèdre (vers 1961) – acte II

*

Sur la Phèdre de Racine, voir aussi :

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1320360r/f1  (1960 ?)

*

Sur Silvia Montfort :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Silvia_Monfort#Th%C3%A9%C3%A2tre

et https://data.bnf.fr/fr/12056666/silvia_monfort/ 

 

 

(15-29 janvier 2019)

 


 

Mise à jour (22 avril 2019)

 

Vous trouverez…

 

… ici, le texte de la pièce dans l’état où il se trouvait au moment du Labo :

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Cliquez pour accéder au texte de départ 

 

… ici, la présentation combinée et du Labo lui-même et de la production (de type remix) à venir :

Ruines 01c
Cliquez pour accéder au texte de présentation combinée

 

… et, ici, un très bref retour, tout personnel, sur le déroulement du Labo, rédigé tout de suite après sa conclusion :

2019-04-22 - Retour sur le Labo - en-tête 02
Cliquez pour accéder aux notes

 

 

 


 

[1] Ceux de cette cohorte, donc, qui étudiaient en interprétation : https://ww2.ent-nts.ca/fr/diplomes-et-finissants/1984/?not-mobile=yes

[2] Jean Racine, Phèdre, Acte 2, scène v.

[4] La difficulté d’approcher la tragédie dans le monde moderne ou contemporain est un sujet que nous aborderons sans doute au cours de notre travail.

[5] … et telle que je la perçois toujours, si ce n’est qu’elle s’est depuis encore mauditement détériorée.

[6] Ou bien était-ce 55 ?