« Rita Cournoyer » — Labo et Remix

 

 

 

Rita Cournoyer jouait Phèdre
Notes et réflexions
sur les liens entre
le labo 230Z (hiver 2019) et
la production remix (automne 2019)

 

 

 

Texte-survol
en vue de la conception de la production

 

I – Présentation générale

 

Les deux cours

Ce court texte est destiné à présenter les liens unissant deux cours portant sur le même texte inédit, et donnés successivement aux sessions hiver et automne 2019.

Le premier, le Labo 230Z, permettra de se pencher sur la mise en branle d’une création et sur le travail de réflexion préalable auquel elle oblige.

Le second consistera en une Production de type « remix » – c’est-à-dire disposant de moyens techniques et scénographiques réduits – de ce texte paraclassique [1].

 


 

Le Labo 3230Z 

En quelques mots – étudier :

De quoi parle le texte ?

Comment, et pourquoi, choisir entre ses sens possibles ?

Comment rendre le plus lisible possible le(s) sens que l’on a choisi(s) de privilégier ?

 

On trouvera ICI le texte de la lettre inaugurale qui a été envoyée aux participant.e.s au Labo.

ICI, le texte de la pièce, dans la version étudiée.

[Et ICI de brèves notes publiées juste après la conclusion du Labo (mise à jour du 22 avril 2019)].

 


 

La Production remix – paramètres techniques 

L’équipe dispose d’un budget de 2000$.

La représentation dure 1h30 environ.

 

Postes tenus par des étudiant.e.s :

Direction technique / de production [2],

Assistanat,

Conseiller.e.s  dramaturgiques [3].

 

Par ailleurs, trois concepteur.trice.s [4] finissant.e.s récent.e.s de l’ÉST ou professionnel.le.s sans attaches spécifiques à l’ÉST [5] se partagent :

Vidéo / sono

Éclairage / espace

Costumes [6], etc

 

 


 

Le lien entre les deux cours 

Les participant.e.s au Labo ne SERONT PAS les mêmes personnes que celles qui seront appelées à concevoir et à réaliser la production. [Voir la mise à jour 1, au bas de cette page]

Il va cependant de soi que, lors des représentations, il sera fait mention explicite de la tenue du laboratoire, et que le plein crédit sera rendu à ses participant.e.s pour leur contribution essentielle à la préparation théorique du spectacle.

Par ailleurs, il serait certainement souhaitable que les concepteur.trice.s retenu.e.s pour les différents postes du remix puissent autant que possible assister au travail qui se fera dans le cadre du laboratoire.

Une invitation de même teneur sera adressée aux interprètes, aussitôt que leur sélection aura été effectuée. [Voir la mise à jour 2, au bas de cette page]

*

Éléments pouvant servir lors de la production et qui POURRAIENT ou qui SERONT d’abord vraisemblablement abordés au cours du labo :

Les sens possibles du texte

Choix esthétiques découlant des lectures qui ont été privilégiées

.

Paramètres de la production et qui NE SERONT vraisemblablement PAS abordés lors du labo :

Durée-limite de la représentation

Restriction de moyens

Affectation des tâches [7].

 


 

II – Le projet global

Pour bien saisir l’intention qui sous-tend ma décision de lier ces deux cours, on gagnera à lire attentivement le texte de présentation de candidature au poste de Professeur invité à l’École supérieure de Théâtre que j’ai soumis en octobre 2017.

On en trouvera ICI et ICI les deux parties, la mise en contexte et l’explication, ainsi qu’une rapide synthèse de la conception que je me fais du fonctionnement de l’imaginaire, conception à laquelle il sera sans nul doute fait abondamment référence lors des deux cours.

 


Énoncé de principe

En ce qui a trait à la pratique de l’art théâtral au Québec, et tout particulièrement à ce qu’il est convenu d’appeler le « théâtre de création », d’un point de vue d’auteur deux tendances dominantes se sont faites sentir au fil des dernières décennies qui, conjointement, ont contribué à la rendre sans cesse plus difficile – et, même, à mon sens, (généralement) quasi rebutante.

Soyons le plus clair possible : mon amour du théâtre n’a pas décru d’un poil en plus de 40 années de fréquentation active – si quoi que ce soit il a plutôt sensiblement augmenté, au même rythme d’ailleurs que l’acuité de ma perception de sa nécessité.

Pourtant la simple idée de me lancer désormais dans les sparages et les exercices « de souplesse dorsale », comme dit Cyrano [8], nécessaires à la création d’une pièce chez nous suffit à me faire nettement préférer une écriture dramatique en solitaire – et destinée à rester privée (dans le meilleur des cas).

À titre d’exemple : l’hiver dernier (début 2018, donc), j’ai écrit une pièce entière, juste pour le plaisir. Elle était quasi terminée – il n’y manquait sans doute plus que quelques heures de peaufinage. Mais, plutôt que de me livrer à ce travail, j’ai décidé de purement et simplement effacer le texte de mon ordinateur et de mes disques de sauvegarde pour n’avoir pas, quand j’en verrais passer le fichier, à entendre la question me surgir spontanément dans le crâne, fois après fois : « Est-ce que je ne devrais pas m’essayer auprès de… ? » pour, m’étant aussitôt bien malgré moi imaginé la réaction à laquelle j’aurais sans doute droit, être saisi par une fureur qui me gâcherait une semaine entière (au moins).

Je résume généralement la situation que j’évoque ici par une image qui pour être simplette n’en a pas moins le mérite de la clarté : le théâtre est LA passion de ma vie… mais lui et moi traversons depuis un bail une très sévère crise de couple.

*

Les deux phénomènes regrettables et convergents auxquels je fais référence sont :

D’une part, une spécialisation « fermée » de plus en plus grande des intervenants – ou, si vous préférez cette formulation : le règne absolu de gestionnaires dépourvus dans la grande majorité des cas de tout sens commun, de toute culture, de toute curiosité et de toute imagination (ou qui, s’ils en possèdent, cachent sacrément bien leur jeu).

D’autre part la sempiternelle insuffisance des moyens.

La conjugaison des deux en est venue à donner un art dont la pratique est d’une invraisemblable lourdeur, sans pour autant en bout de course être plus satisfaisante que jadis, une fois que l’on est parvenu à traverser les champs de mines successifs pour se rendre jusque sur une scène.

*

Histoire de (tenter de) faire court, j’illustrerai chacun de ces phénomènes par de courts exemples concrets tirés de mon expérience :

Au cours des années 80, après leur avoir envoyé de mes pièces, il m’est arrivé au moins deux fois de recevoir de producteurs, en moins d’une semaine, non pas un simple accusé de réception mais bel et bien une lettre d’intention ferme de production dès la saison suivante ! L’une des deux fois, la réponse est même venue en à peine plus de 12 heures ! S’il pouvait bien entendu arriver souvent qu’un théâtre mette plus longtemps que ça à donner signe de vie, et même si nombre d’auteurs trouvaient déjà pénibles à l’époque les rapports avec les producteurs, règle générale envoyer une pièce inédite dans un théâtre ne vous donnait en tout cas pas l’impression de faire de la figuration dans un récit de Kafka, ni d’entreprendre, les deux pieds attachés ensemble, une course de 76 étapes-obstacles surgissant du brouillard l’une à la suite de l’autre.

Désormais, si j’en crois les nombreux témoignages qui me sont faits année après année et qui continuent d’aller en empirant, un auteur qui envoie un texte dans un théâtre québécois pourra se compter chanceux ou privilégié s’il est lu en moins de six mois, pour être éventuellement créé deux ans plus tard – si tant est qu’il le soit jamais.

Pour les heureux.ses élu.e.s, commencera alors un parcours du combattant souvent digne des récits épiques : choix d’un metteur en scène, quelle que soit sa compréhension ou son appréciation de la pièce mais dont le nom assurera (prétend-on) la visibilité de la production et aidera au choix des interprètes, identification des rôles « payants » pouvant justifier le recrutement de noms de la télé, etc

Au total, hier comme aujourd’hui, et pour citer de mémoire la superbe formule de Paul Lefebvre : « La différence entre un succès d’estime et un hit, c’est 21 représentations dans le premier cas, et 26 dans le deuxième. »

Autrement dit : le processus s’est alourdi et complexifié jusqu’à l’absurde, alors que l’aboutissement, lui, n’a pas bougé (ou, en tout cas, pas pour le mieux).

Pendant ce temps, dans l’ensemble, le théâtre, de lieu de parole privilégié qu’il a déjà constitué dans notre société, se déplaçait tout doucement vers la marge… puis s’y enfonçait en silence.

*

Je n’écris pas ceci pour mâchonner mes souvenirs en fumant une pipe et en me berçant – C’ tait tellement mieux dans l’ temps… –, c’est le contraire qui est vrai :

Mon objectif est d’aider, à la mesure de mes moyens, à fournir aux futurs artistes de notre théâtre les moyens de faire des choix quant à ce qu’ils souhaitent voir advenir dans la pratique de leur art et à quoi ils ont envie de participer. Un professeur ne peut guère viser autre chose : ouvrir à ses étudiant.e.s des avenues, de réflexion, de projection, permettant à ceux et celles qui s’en prévaudront les choix délibérés les plus fertiles possibles.

L’espoir que les choses puissent éventuellement bouger pour le mieux ne se différenciera d’un fantasme stérile que dans la mesure où les tentatives qui seront faites en ce sens reposeront sur une appréciation juste et fondée des causes de la situation actuelle.

*

En trois phrases plus une comme en cent :

Nous vivons actuellement les suites d’une défaite capitale pour les artistes [9] : l’évincement de la question du sens de sur la place publique.

Cette défaite n’est pas encore entièrement consumée, mais nous approchons à très grands pas du moment où l’éradication sera accomplie – sans doute pour longtemps.

Que répondons-nous ?

Face à cette question, la réflexion en deux temps qui est proposée ici fera appel aux participants D’ABORD à titre d’ARTISTES-CITOYENS, et ensuite seulement à titre d’étudiant.e.s.

 

 

(Février 2019)

 


 

Écoute et lecture suggérées

La lecture du texte de CETTE PAGE vous donnera une idée de mes positions à l’égard de nombre de sujets dont nous aurons sans doute à tenir compte.

Il fait essentiellement référence au dernier épisode de la série d’émissions (No. 14), intitulé « L’Urgence (de l’avenir) », que je vous recommande fortement de visionner.

 


 

Mise à jour (22 avril 2019)

1- L’un des participants au Labo agira à titre d’assistant metteur en scène lors de la production. Il s’agit de Jean-Philippe Bourgeois.

2- La distribution pour la première lecture, et quelques notes/directives aux interprètes en prévision d’elle sont accessibles ICI.

 


 

Notes

[1] Paraclassique : peu ou prou inspiré d’un classique.

[2] Assurés par la même personne.

[3] Au nombre de deux. Voient à la rédaction du cahier dramaturgique et du matériel de communications.

[4] Sans la supervision d’un coach.

[5] Le mandat en rouge est celui qui sera vraisemblablement privilégié.

[6] Achats et emprunts au costumier de l’École.

[7] Par exemple : sono live ou vidéo vs musique préenregistrée.

[8] Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac, théâtre. Acte II, scène VIII. Texte complet : https://www.atramenta.net/lire/cyrano-de-bergerac/3576

[9] En particulier ceux qui font appel à la parole.