“Rita Cournoyer” – Le texte

 

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RITA COURNOYER JOUAIT PHÈDRE

‑ VERSION CONCERT ‑

Non-définitive

 

de René‑Daniel Dubois

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                                                          « La bureaucratie n’a qu’un seul pouvoir.

Celui de dire non. »

 

 

PERSONNAGES

 

LE CORYPHÉE

LE CHŒUR

CORYPHÉE II

ALDÉRIC BOUCHER (THÉSÉE)…………………………..chanteur d’opéra, basse

CHŒUR‑DE‑CEUX‑QUI‑SAVENT………………………(représentant, conjointement avec CORYPHÉE II, les « quatre murs »)

RITA COURNOYER (MARIE) (PHÈDRE)……………ancienne chanteuse d’opéra; épouse en secondes noces d’Aldéric Boucher

SÉBASTIEN BOUCHER (HIPPOLYTE)………………..ténor et culturiste, fils d’Aldéric Boucher, beau‑fils de Rita Cournoyer

IRÉNÉE (THÉRAMÈNE)………………………………………..tuteur de Sébastien

PAULINE (ŒNONE)………………………………………………suivante de madame Cournoyer

JEANNE ARBOUR (ARICIE)………………………………….chanteuse populaire, sœur d’Alcide

ANGÈLE (ISMÈNE)…………………………………………………suivante de Jeanne

ALCIDE……………………………………………………………………..Amant de Sébastien, frère de Jeanne Arbour.

Les CHUMS à Sébastien

Il y a deux chœurs et deux coryphées : LE CHŒUR et LE CORYPHÉE de toute la pièce, et CORYPHÉE II, qui est celui du CHŒUR DE CEUX‑QUI‑SAVENT.

 

 

LIEU ET JEU

 

Orchestre d’actrices et d’acteurs.

 


ACTE PREMIER : LES PETITS DIEUX
SCÈNE PREMIÈRE : PROLOGUE

 

Salle et plateau allumés

 

LE CORYPHÉE :

On n’a pas aucun droit à la moindre mémoire

Si on a pas l’ courage de se pencher et d’ voir

Ce qui, sous nos succès, vient des combats passés

Et du courage de ceux qui ont osé affronter.

 

LE CHŒUR :

Nous ne sommes que les mots d’un très quelconqu’ poète,

Et nous parlons du temps d’une douleur secrète.

Jadis. Ou bien demain. Ou serait‑ce aujourd’hui.

Règnant sans qu’on la voit, mais règnant sans répit.

Où aurait‑il vécu ? De quand parlerait‑il ?

D’un temps et d’une terre a’a destinée futile.

 

CHŒUR DE‑CEUX‑QUI‑SAVENT :

Elle a osé braver et refuser aux dieux

Ce qui, de tous les temps, a été cru à eux :

Le respect absolu, la prière même sans foi

Mais qui leur accordait l’exclusif de l’émoi.

 

LE CHŒUR :

Et aux hommes, ses semblables, elle a osé donner

La mémoire d’un courage trop souvent oublié.

 

CHŒUR DE‑CEUX‑QUI‑SAVENT :

Parfois les dieux s’éclipsent ou bien ils changent de formes.

Mais toujours ils reviennent lorsque les hommes dorment.

Elle leur a refusé ce qu’ils lui demandaient.

Ils étaient revenus pour ceux qui les priaient.

 

LE CHŒUR :

Elle, elle a eu l’audace de se tenir tout’ seule

Contre ceux que le ciel appuyait de sa gueule.

 

CHŒUR DE‑CEUX‑QUI‑SAVENT :

Ils avaient pris la forme de la foi de ce temps :

Ils hurlaient de partout l’immense ressentiment.

Elle a osé braver et refuser aux dieux

Qui, en son temps vivaient, c’ qui leur rev’nait, à eux.

 

LE CHŒUR :

Elle a osé braver et remettre aux humains

Ce qui leur revenait : le droit à un destin.

 

CHŒUR DE‑CEUX‑QUI‑SAVENT :

Ils œuvraient pour le bien : ils venaient condamner

Et fair’ bien voir à tous la voie déjà tracée.

C’était simple : il fallait bien regarder autour

Et hurler sa terreur renouv’lée tous les jours.

 

LE CHŒUR :

Elle, a eu le courage de dire que la joie s’ peut.

Et qu’on peut tout au moins tenter de rend’ heureux.

 

HIPPOLYTE :

Il fallait que je meure. Que mon père me condamne.

Qu’I m’ renvoye de chez eux parc’ qu’a m’ traitait d’infâme.

Tout c’ qu’a l’avait à faire c’était de refuser

De forcer. De se batt’ cont’ un amour sacré.

De dire « Non, je veux pas », mais petit à petit

De pus avoir la force de lutter cont’ sa vie.

Là, de s’ laisser aller. Et pis de m’avouer

Que j’étais l’être aimé. Pis d’ me scandaliser.

Là, mon père s’rait r’venu. Elle lui aurait menti.

M’aurait, moi, accusé. Pis moi je s’rais parti.

Mon père, tout démonté, aurait souhaité ma mort.

En route, j’ me s’rais fait’ tuer. C’est ça qui était mon sort.

Tout était décidé. Y avait rien à changer.

Jus’ dire ça dans nos mots. Y a rien pour s’énarver.

 

ŒNONE :

Moi, j’ devais la tenter. Y faire faire des erreurs.

La pousser en avant quant’ a l’avait trop peur.

Mon destin ‘tait tracé : j’ devais jus’ faire en sorte

Que ce soye moi qu’on blâme quand elle a serait morte.

A l’avait rien à faire. Jus’ un peu résister.

Pis, petit à petit, finir par me céder.

Mais. A s’est comme choquée. J’ sais pas qu’est‑ce qui y a pris.

A tout’ envoyé chier. Pis là, est comme partie.

A place de jouer ses lignes pis de jus’ laisser faire

À Thésée tout’ l’horreur qui lui r’venait comme père

A l’a tout’ pris su elle pis a tout’ fait’ tu‑seule

En laissant rien aux aut’, quoi qu’y pensent, quoi qu’y veulent.

 

CORYPHÉE II :

Tout’ c’ qui y était d’mandé, c’était d’ suiv’ son destin.

Mais a l’a préféré ‘sayer de l’ prend’ en main.

C’était super‑facile. Tout’ était décidé.

A l’ava rien qu’à l’ faire. C’ pas ben ben compliqué.

Les seules ‘tites différences ‘taient dans l’encadrement

Parc’ si tu changes le cad’, tu changes qu’est‑ce qu’on voit d’dans.

C’était pas d’ ses oignons. Mais qu’est‑cé qui y a pris ?

Moi, j’tais là au début, en tant que Coryphée.

Pis à tout’ fin d’ la pièce, je r’venais en Thésée.

 

THÉRAMÈNE :

Moi, j’étais là surtout pour la mort d’Hippolyte :

Conter qu’y était rentré dans ‘un arb’ ben ben vite

Parce qu’y avait pas mal bu, lui qui buvait jamais.

Qu’Aricie l’avait vu. Y avait dit qu’a l’aimait.

 

CORYPHÉE II :

Les seules vraies différences devaient êt’ dans la forme :

Dans les noms pis l’accent. C’est pas ben ben énorme.

Y s’agissait seul’ment de viv’ ça dans nos mots.

Y a jamais ‘té question d’écrire un nouveau show.

Jus’ prend’ la même histoire mais la rend’ exemplaire

Pour démontrer qu’on vit un temps plat’ en calvaire.

 

Changement d’atmosphère :

La salle et le plateau s’éteignent.

Pause.

Le plateau se rallume.

 

 

SCÈNE SECONDE : POURQUOI FAIRE PHÈDRE ?

 

CORYPHÉE II :

Mesdames et messieurs, vous allez assister

À un’ pièc’ en un acte et vers de douze pieds.

Le titre, un peu baroque, de RITA COURNOYER

Est tout à fait gratuit et en rien justifié;

Son auteur, cependant, vous le remarquerez,

C’est, d’un de nos grands classiques, largement inspiré.

C’est, en effet, de PHÈDRE que cette histoire‑ci,

Par une nuit d’hiver et de lecture naquit.

Un hiver pour les corps, mais surtout les esprits,

Qui n’étaient si heureux qu’après avoir bien ri.

C’était cett’ époque folle, durant laquell’ règnait,

Sur villes et villag’, un rir’ gras et épais.

Ce n’était pas, en fait, par pur’ débilité

Qu’on demandait sans trêv’ à pouvoir rigoler,

Mais un dicton d’alors voulait que les malheurs

Puissent être oubliés sous les rires en pleurs.

Il faut bien dire ici que ce proverbe‑là

Faisait fort bien l’affair’ de quelques fac’‑de‑rats

Qui se trouvaient par lui, sans avoir à penser,

Bien en place, ma foi, pour sans peine régner.

C’était, souvenez‑vous, cett’ époque lointaine

Où le peuple alangui savourait les fredaines :

On y improvisait à bouche‑que‑veux‑tu.

Tout était pour l’effet : tant de gags pour un but.

C’était le temps encor de mil hilar’ soirées

Qui plus étaient keutaines et plus étaient prisées

Et de mil autr’ encore dites très visuelles

Où tout discours pensé allait droit aux poubelles.

Quiconque, en ces temps‑là, tâtait de l’écriture

Se retrouvait sitôt coincé entre quat’ murs :

À dextre dominait un “réseau officiel”,

Ainsi qu’on l’appelait, pour qui la vie est belle;

Là, à senestre allaient, aspirants virtuels,

Ceux dont les dents poussaient jusqu’à fleur de semelles;

Dans le septentrion, les critiques tout en rangs

Jouaient à la police, le sabre entre les dents

Et au midi s’ tenait, vaguement ennuyée

L’armée du grand public, furieus’ d’avoir payé.

Alors que ce mur‑là criait son désespoir

De ne trouver ici que des auteurs trop noirs,

Les ténors à volume, sur les créneaux d’en‑face,

Se battaient à grands coups de bâtons en plein’ face.

Il s’agissait en gros, et quel qu’en fut le prix,

De réduire l’adversaire à tous coups en bouillie.

Les dirigeants d’alors tardant trop à mourir

On voyait la jeunesse amputée d’avenir

Trop tôt, déjà, vieillie dans tous ses jugements

Encore que juvénile dans ses comportements,

Quand pour chaque abandon donnant un pas de plus

Aux prétendants restants vers leur si noble but,

Surgissaient de partout cent tigres affamés

Aux forces toutes fraîches et pas encor’ cernés,

Tandis que du grand nord les grands plumes s’agitaient

Prétendant dire au Sud c’ qui était digne d’intérêt

Mais dans réalité n’s’agitant que pour soi,

Désignant les champions sans jamais dire de quoi,

Jetant l’huile sur le feu et s’ prétendant arbit’

Mais s’ poussant en avant, fières de leux réussites;

Publiant ses avis sur tout ce qu’elle voyait

Déplorant les victimes sans parler d’ c’ qu’i ‘es causait.

C’est en cet hiver, donc, que notre jeune vieillard

Perdit le goût d’écrire, même celui d’y croire.

S’il ne voulait sombrer, il devenait bien clair…

 

Entre Rita

 

RITA :

Cou‑don, toi, achèv’s‑tu ?! ‘N as‑tu ben d’aut’ à faire ?

 

CORYPHÉE II :

Encore trois pages au moins. Mais là, chus t’arrêté.

 

RITA :

Ça fa un’ heure chus prêt’ — pourrais‑tu abréger ?

 

CORYPHÉE II :

Si ça vous dérang’ pas, laissez‑moi fair’ mon bout’

Pis vous rentrerez quant’ j’aurai fini, c’est tout’.

A’ez‑vous d’jà vu ça ? : ‘a même pas commencé

Et pis est déjà là à vouloir tout’ runner.

Mesdames et messieurs, vous allez assister…

Bon, ça y est : chus mêlé.

 

RITA :

………………………………………..Tu vas pas r’commencer ?!

 

CORYPHÉE II :

Voulez‑vous, si‑vous‑plait, me câlicer patience

Pis attend’ en coulisses. J’ai un grand bout’ su’a France.

 

RITA :

M’a vous dire comme on dit : c’est pas que j’ veux kicker

Mais moi, ces grands‑yeules‑là, moi I m’ font bad‑tripper.

 

CORYPHÉE II :

Vous allez m’ fair’ voir bleu.

 

RITA :

………………………………………..Tu veux p’t’êt’ me sortir ?

 

CORYPHÉE II :

Y en a un ent’ nous deux…

 

RITA :

………………………………………..I commenc’ à rougir !

Croyez‑moi su parole : ça c’est un ben bon signe.

Chus rentrée, j’tais tannée : j’ trouvais qu’ ça manquait d’ swigne.

Mais là, si l’ coryphée s’en va vers l’émotion

Ça me laiss’ supposer qu’il a pogné l’ moton.

Donc, ayant fait’ ma job, je retourn’ en coulisses

Et vous laiss’ entr’ amis…

 

CORYPHÉE II :

………………………………………..Vas‑tu sortir, câlice ?!

 

Exit Rita

 

CORYPHÉE II :

Où c’est qu’ j’étais rendu ? Ah oui : les intentions.

Y a deux points principaux pour répond’ aux questions

“Pourquoi fair’ PHÈDRE ici ?”, “Pourquoi rien qu’ des garçons ?”

“Pourquoi l’alexandrin ?” et “Qu’est‑ce que la passion ?”

Vous avez p’t’êt’ noté qu’il arriv’ très souvent

Que le sexe dit faible serve de paravent

À l’émotion des hommes qui plutôt que d’ crier

“C’est moi là, qui r’sens ça”, préfèrent s’en excuser.

Vous allez donc entend’, on va donc vous fair’ voir,

Un tout p’tit bout de rien, un morceau du miroir

Du petit mond’ d’un gars qui plutôt qu’ s’éventrer,

S’ouvrir les vein’ en quat’ ou se défénestrer,

S’approprie des grands bout’ d’une pièc’ digérée,

Pour parler de fureur, d’amour et d’amitié.

Ça, c’était l’ premier point, destiné aux critiques :

Pour leu donner queuk chos’ à mett’ dans leux chroniques.

D’ailleurs. Parlant d’eux‑aut’. On a un p’tit cadeau

Qu’y pourront prend’ à porte avec leurs kits‑photos.

 

CHŒUR‑DE‑CEUX‑QUI‑SAVENT :

La sagesse des Hindous professe dans ses sermons

Que là où y a cent moines, il y a cent religions,

Voulant montrer par là que chaque humain vivant

Interprète l’Univers au fond comme il l’entend.

Pourtant, semblerait fort, quand on lit “nos” critiques

Qu’eux ils constitueraient un genre de cas unique,

À voir jusqu’à quel point, d’un média à l’aut’,

Leux commentaires se r’semb’ comme une goutt’ d’eau à l’aut’.

Nus aut’, on ‘taient tannés d’ toujours lire la même chose

A croire qu’y s’ copient tout’, ou qu’y ont tout’ la même prose,

Tell’ment que l’ seul barbu qui a un genre bien à lui

C’est qu’ la r’mise des Oscars est l’ seul trip de sa vie.

C’est un trip genre Sisyphe : “Qui c’ qu’y est meilleur qu’ les aut’ ?”,

Jus’ pour le fun vicieux d’y faire descend’ la côte.

Tous les soirs dans son lit il s’endort bienheureux

Et fier de ses succès, lui le grand chez les gueux.

On s’est dit qu’ce s’rait fin, qu’ ça mett’rait du piment

Si on leur indiquait d’aut’ formes pour leux jug’ments.

On a donc préparé trois ou quatre versions

D’ c’ qu’on est sûrs qu’I vont dire, mais d’ différentes façons.

Par souci d’ réalisme, on a tout respecté

Et autant le spectacle a été répété

Comme il est de coutume le plus longtemps possib’,

Les critiques sont écrites dans une langue invincib’

En moins de dix menutes sur un petit coin d’ tab’

Ou au fond d’un taxi et tout’ en pattes de crabes.

Non, non, on se moque pas. On est respectueux

Du travail de tout l’ monde, pis au moins autant qu’eux.

Le talent est un don que l’on reçoit du ciel

Pis faut jamais s’moquer des êt’ moins fonctionnels.

On a tout’ ben tripé d’ découvrir à not’ tour

Les joies d’ la science infuse, du jug’ment sans recours

A jouer les Zorro toujours prêts à proscrire

Sans même tenter d’ comprend’ c’ qu’on cherchait à vous dire.

D’une fois toutes les trente gaffes accepter d’ s’êt’ trompé

Pis d’ rien qu’ fesser plus fort pour tenter de l’ cacher.

De parler d’ deux cents shows en moins d’une seule année

Mais au fond rien qu’ de soi et de ses préjugés.

De plaquer sur les aut’ la moind’ de nos lubies.

De faire payer vingt troupes pour un amant parti.

De descend’ tout un cast à part le jeune premier

Parc’ c’est la seule façon qu’on a pour le cruiser.

De s’arroger le droit de décerner des prix

Puis de déconcrisser ceux qui disent pas merci.

De garder un silence bien près de la censure

Sur le travail de ceux qu’on veut coller au mur.

Et y a ben du plaisir, dans un style d’y a cent ans

A dire d’une création qu’a vit pas a’c son temps.

Si dans ces messieurs‑dames, y en a qui sont pressés

Qui ont un aut’ show à voir, ou doivent aller souper

On rallume les lumières pour ne pas qui s’enfargent

En dérangeant tout l’ monde pis sortent d’ici en viarge.

Après ça, I diront qu’on fait pas tout c’ qui faut

Pour leu dire qu’on les aime pis s’ mette à leu niveau.

 

CORYPHÉE II :

Voici le second point qui, beaucoup plus coton,

S’approche davantage d’un gouffre plus profond :

PHÈDRE est une tragédie, où un humain nous dit

Êt’ fourré par les dieux, le prend pas, chiale et crie

Jusqu’à temps qu’ se présente c’ qui était à côté d’elle

Qu’a voudrait, pas r’marquer, mais est son rêv’ réel.

A décid’ de foncer et de dire pour un’ fois,

Jus’ une fois dans sa vie, le fond de son émoi

Mêm’ si a doit risquer, en mettant l’ pied dans l’ vide

De s’ rend’ compte tout d’un coup qu’a l’a rien qu’ ça : le vide.

On s’est r’trouvés pognés a’ec l’envie de dire ça.

Mais dans nos mots à nous. Pis advienne que pourra.

 

CHŒUR‑DE‑CEUX‑QUI‑SAVENT :

Oui, mais là : attention ! Surtout n’allez pas croire

Qu’on fait du québécois sans penser ni prévoir.

Dans les tous premiers temps on s’était plutôt dit :

“Montons donc une grande pièce, pas d’un auteur d’ici

Un Shakespeare, un Molière, ou alors un Genet”.

On fa p’t’êt’ du lôcal, m’on l’ fait pas éxiprès.

Fa qu’on a fait’ le tour de tous les directeurs

Qui mènent les gros bateaux et sont tout’ morts de peur

En leur disant : “Voilà. On veux faire un gros show

C’est vous qui avez l’argent. On est‑tu assez beaux ?”

Nous avons été r’çus à bras très grands ouverts

Mais malheureusement y ava pas rien à faire.

Les budgets pour grands thèmes très très universels

Étant tout’ ben à plat’ pour la saison actuelle

Ayant été pillés par la Guerre d’Algérie.

Fa qu’on s’est r’viré d’bord et pis on leux a dit :

“Essayons donc William”. On propose Roméo

Et on se fait répond’ qu’elle est pour Guillermo.

On r’vire encore un coup pis on crie : “Un Molière ?

Peut‑être LE TARTUFFE, aussi grande là qu’hier ?”

Mais Tartuffe au pouvoir nous a r’gardé en riant

En disant : “Si a s’monte, c’est par moi, les enfants”.

 

CHORISTE I :

“C’était p’t’êt’ pas la peine de vous donner tant d’ troub’

Pour réécrir’ une pièce qui a pas besoin d’un doub’.”

 

CHORISTE II :

“Ç’ara p’t’êt’ été mieux de monter la “vraie” pièce

Que d’ vous évertuer à r’inventer l’espèce ?”

 

CHORISTE III :

“Au fond, là, tout’ c’ qu’y ont fait’, c’est d’ gaspiller leux heures.

Puisque de tout’ façons, la première est meilleure.”

 

CORYPHÉE II :

Jus’ au cas où, mettons, vous penseriez à ça,

Ce petit prolog’‑ci vous répond. Jus’ : “en cas”.

Ah, bien sûr, y a des gens pour qui fair’ du théât’

C’est vraiment pas d’aut’ chose que d’ fair’ des statues d’plât’.

Peut‑êt’. Mais y en a d’aut’ qui pens’ que les humains

Méritent bien le troub’ d’ leu donner un coup d’main

Pis qu’on perd pas grand’chose en cherchant à fair’ sien

Ce qui, de par l’histoire, déjà nous appartient.

C’est un’ chose de savoir qu’ailleurs queuk chose existe

Mais, disons, dans ‘vraie vie, pas pour les archivistes,

Mais quand, tout comme nous, on t’obligé d’ se batt’

Jus’ pour surviv’ un peu, cont’ les aristocrates,

Faut bien s’approprier à la face du monde

Ce qui nous appartient. Quoi que l’on nous répond’.

Or donc, résumons‑nous : Quoi que vous en pensiez,

C’te pièc’‑là, si’on la fait, c’est qu’on s’ sent obligés.

Pis on a choisi PHÈD’ parc’ que vous la savez

Y a toujours ben un bout’ a tout’ réinventer.

Moi, c’te viarge de pièce‑là ça s’adonne que je l’aime

Pis qu’a l’appartient pas seulement qu’au T.N.M. !

Racine l’a pas pondue, a l’existait déjà

Mais si les producteurs qui vivaient dans c’ temps‑là

Avaient eu tout l’ courage de ceux qu’on a icitte

J’aime autant rien qu’ vous dire qu’ ce s’rait plate en beubitte

Parce qu’y aurait pas ni PHÈD’ écrite par un Français

Ni aucune des pièces dont raffolent les palais

Un peu trop délicats pour la vie d’aujourd’hui,

Qui la trouvent ben trop chère étant donnés ses fruits.

Escusez‑moi. J’me calm’. Non mais c’est vrai, cibole !

Y a toujours ben un bout’ a’ êt’ pogné dan’ un sous‑sol

Parce qu’y a trois‑quat’ muppets qui ont peur de vous fourrer

En créant des auteurs qui charchent comment parler.

I r’fusent de nous produir’ parce qu’on sait pas comment

Faut écrire pour leux viarg’ de gros cubes en ciment.

I peuvent passer trois jours à rouler des yeux ronds

Pis à s’ mord’ les babines : sont trop lâch’ pour dir’ non.

Pis y en a pas un viarg’ qui s’adonne à penser

Qu’y a pas tell’ment d’aut’ salles où on peut s’essayer.

Oh, moi, ça m’ dérange pas. Mais sans vous offenser

Vous avez beau êt’ fins, vous êt’ courts à compter.

A’ez‑vous d’jà essayé dans une salle de cent places

D’écrire pour mil parsonnes ? Dites oui sans m’ rire dans face.

Ceci dit, faut avouer, que ça concerne pas tout’

Ceux qui décident les shows par saisons bout’‑à‑bout’

Mais c’ qu’il y a d’ surprenant, c’est d’ s’rend’ compte à l’usage

Qu’y en a qui s’ font des masqu’ a’c c’ qu’y appellent leu jeune âge

Pis qui a toute une belle gang qui depuis — bof — vingt ans ?,

A décidé qu’ c’tait elle qui m’nait dorénavant

Qui semb’ seule responsab’ pour l’incapacité

D’ tout’ une génération qu’a prétendait former.

Parce que nos boss d’asteur, ceux qui disent qu’on sait pas

Eux‑aut’ y sont capab’– ou sinon, on l’ dit pas —

Alors comment s’ fait‑il qu’ ceux qui ‘es ont formés, eux,

Pis qui z’ont mis ‘à porte, parc’ qu’y étaient “monstrueux”

Ont pu leur fair’ apprend’ comment monter des shows,

Qui en on fait’ un’ carrière. Pis qu’ nous, on est nonos ?

Ah !, qu’ si j’ me r’tenais pas j’ f’ra l’ show à moi tu seul.

Mais c’est une command’. Pis c’est pas ça qu’”I” veulent.

Le show qu’ vous allez voir n’est pas une satire,

C’est plutôt un hommage à ceux, celles qu’ le désir

De viv’ enfin leur vie, remplit du bout des ch’feux

À la point’ des orteils. Ne parlons don’ pas d’eux

Comme de quelqu’un d’autre. Parlons plutôt de nous.

Quitte à nous faire traiter une autre fois de fous.

 

Fausse sortie. Il revient.

 

Ah. J’allais oublier. Jus’ pour pas vous mêler :

Tu suit’ quant’ m’a sortir, tout un chœur va entrer.

En gros, I constituent le‑chœur‑de‑ceux‑qui‑savent

Et qui toujours, en gangs, sont sûrs d’êt’ toujours braves.

Mais trompez‑vous‑y pas, chus pas leur coryphée.

C’est jus’ arrivé d’ mêm’ : y a fallu recruter

On a pris les acteurs qui étaient disponib’

Mais moi, c’est différent : chus t’un coryphée lib’.

 

 

SCÈNE TROISIÈME : LE PREMIER ESSAI

 

Éclairage par zones

 

LE CHŒUR‑DE‑CEUX‑QUI‑SAVENT :

Et le rideau se lève, se lève, se lève, se lève

Sur un très beau salon donnant sur une grève,

Pendant qu’au premier plan pass’ une gang de garçons

Tout’ aimables et riants, chantant à l’unisson,

Qui traversent le stage de cour jusqu’à jardin

A’ec des pattes d’hommes grenouilles et en costume de bain.

 

SÉBASTIEN :

Oui, mais j’ vous ai prév’nu : jus’ une petite trempette.

 

CHUM SÉBASTIEN I :

Pour ça, tu peux êt’ sûr.

 

CHUM SÉBASTIEN II :

………………………………………..Hier, l’eau ‘tait assez frette.

 

CHŒUR‑DE‑CEUX‑QUI‑SAVENT :

Nous sommes quelque part sur le bord de la mer

Dans une grand’ maison avec des murs en verre.

C’est celle d’un grand chanteur, une basse, une star

Qui vient de disparait’, une nuit, entre deux bars :

Il est sorti de l’un en disant “J’ va à l’aut’.”

On l’a pus jamais r’vu. Pis c’était ben d’ sa faute.

Enfin, toujours est‑il que c’ t’individu‑là

Avait fondé ici, dans sa propre villa,

Au sommet des falaises de cette île déserte

Une espèce de camps, comme un genre de retrait’

Pour chanteurs populaires rêvant d’ chanter pour vrai.

Ici, I est rééduque, à grand renfort de frais

D’ la mêm’ façon, d’ailleurs, qu’il y accueille des filles,

Leur apprend dans l’ détail comment polir leux trilles,

Leur apprend la vraie voix et pis la vraie diction

Pis à pus avoir l’air de chauffeurs de camions.

Il est intéressant qu’ ces efforts magnanimes

Et qu’il se gêne jamais pour qualifier d’ minimes

N’empêchent pas du tout que, tout au fond d’ son cœur,

Viv’ un profond dégoût pour ces âmes de boxeurs.

 

THÉSÉE :

C’ pas des mauvaises parsonnes. C’est jus’ qu’I ont pas d’ culture.

J’ai rien cont’ les bûch’rons. M’un opéra su’a sciure ?

 

CHŒUR DE‑CEUX‑QUI‑SAVENT :

À côté de ces gens, qu’il méprise secrèt’ment

Viv’nt sa nouvelle épouse et puis son seul enfant.

Elle c’est un’ vraie chanteuse, un’ ancienne grand’ vedette

Qui a profité d’ sa chance pour prendre sa retraite

Et lui c’est un jeune homme qui ne pense qu’à son corps

À sa p’tit’ gang de chums et pis à tous les sports.

Mais enfin, coupons court : ça on vous le r’dira,

Et expliquons plutôt ce que nous voyons là :

Cette gang de garçons, pour ainsi dir’ tout nus

Partant aller s’ baigner.

………………………………………..Oups. Un vieillard chenu

Vient d’entrer sur la scène, hagard et haletant.

Les jeun’ z’hommes l’ont pas vus, I est dépass’, se met d’vant,

Il lève un doigt sévère sur le plus grand d’ la gang

Qui se ceint d’ sa serviette et s’en fait comme un pagne,

Se sépare du groupe, et regard’ le vieil homme

D’un regard qui veut dire : “Fais un pas d’plus’ pis j’cogne”.

 

SÉBASTIEN :

Irénée, j’te préviens : si t’essayes d’ me r’tenir

Ou j’te dévisse la tête ou j’te fesse dans l’av’nir.

À ses chums :

Allez m’attend’ su’a plage, c’ s’ra pas long m’a vous r’joind’.

Exeunt les chums à Sébastien

Pourquoi c’ tu m’ coures après ? Pas b’soin d’ parson’ me plaind’.

 

IRÉNÉE :

C’ pas ça que j’ veux non plus. J’ veux savoir qu’est‑cé qu’ t’as.

Pis pourquoi qu’ tes valises…

 

SÉBASTIEN :

………………………………………..Toi, mêles‑toi pas de t’ ça.

C’ fa ‘ssez longtemps qu’ tu m’dis qu’y est temps que j’ fasse queuk chose

Ben ça y est : j’ sac’ mon camps. Mais j’ suppose

Qu’ là tout l’monde va crier : “C’est pas ça qu’ t’as à faire” ?

Mais moi j’ m’en va pareil : icitte, c’est un calvaire.

Chus t’écœuré, chus fatiqué, j’ veux m’en aller :

J’ n’ai trop passées de grands‑journées à m’ fair’ bronzer.

Chus t’un chanteur. Chus t’un solist’. Chus t’un ténor.

J’en ai plein l’ cass’ d’ jamais d’ carrière : toujours su l’bord.

D’ me fair’ promet’ par mon cher père des ben belles plogues

Pis d’y en qu’ sécher su’in île désert’ de catalogue.

Moi, mon seul rêve, et pis I l’ sait, c’est d’ fair’ carrière.

Lui I dit oui. I chriss’ son camps. Pis I cuv’ sa bière.

C’est pas moi qui est la star et pis qui sait c’est qui

Qui peut peut‑êt’ m’aider pour l’Opéra d’ Paris.

I est parti d’puis trois s’maines qu’on n’entend pus parler

Et pis c’est encor’ moi qui va perd’ un année.

 

IRÉNÉE :

Arrêt’ don d’ me niaiser. Tu veux pas êt’ chanteur,

Tu veux virer su l’ top une bell’ fille qui t’ fait peur.

Ça fa pas des années qu’ tu fas d’toi un’ statue :

Tout l’ temps y en qu’ les push‑ups, pour êt’ parfa tout nu,

Qu’ tu dis “oui” à ton père qui veux se r’voir en toi,

Qui veux t’ voir à Garnier, y en qu’ pour avoir la paix,

Pour du jour au lend’main t’attend’ à c’ qu’on t’ croye tout’

Parce que d’in coup monsieur veut virer bout’ pour bout’.

J’essaye pas d’ te r’tenir : sac’ ton camps si ça t’ tente.

Vas‑t’en où c’est qu’tu veux, j’ m’en sac’ comm’ d’ l’an quarant’ !

Mais fa au moins l’effort de pas jouer à l’autruche.

Chus capab’ de comprend’. Dis‑toi qu’ chus pas un’ cruche.

T’arriv’ras pas à rien en t’ contant des balounes.

C’ pas l’Opéra qu’ tu veux, c’est une pousseuse de tounes.

Tu dors pus d’puis trois mois parc’ que t’es t’en amour

Pas avec l’Opéra mais avec Jeanne Arbour.

Pis où c’ tu veux aller c’est pas à la Scala,

C’est tout droit’ dans ta chamb’ avec elle dans tes bras.

Tu f’ras qu’est‑cé qu’ tu veux, mais moi j’ pense que tu t’ trompes

Si, plutôt qu’ rien qu’y dire — Arrête de m’interromp’ ! —

Tu décid’ de fronter et pis d’ partir en guerre

Jus’ pour l’impressionner en faisant un’ carrière.

C’est pas un’ cantatric’, c’ t’une chanteus’ populaire.

C’est pas en d’v’nant une star en poussant des “grands” airs

Qu’ tu vas t’approcher d’elle pis pouvoir I parler.

Tout c’ que tu riss’ de faire, c’est d’ plus’ vous éloigner.

A veut pas d’ la Scala elle, a veut l’émotion.

Pis chus sûr qu’est trop prime pour les salles en vestons.

Fa qu’ fends‑toi pas en huit pis, voulant la séduire,

Fas pas y en qu’ tout c’qui faut pour êt’ sûr qu’a va fuir.

 

SÉBASTIEN :

C’est ça qu’ tu penses de moi ?

 

IRÉNÉE :

………………………………………..Mais y a pas d’ mal à ça.

 

SÉBASTIEN :

Tu m’ connais d’puis vingt ans pour qu’on en arrive là ?

Pour toi, j’ pense rien qu’au cul ? Pour toi, chus comm’ mon père ?

Pis ça s’ pourrait mêm’ pas que j’ veuille êt’ jus’ son frère ?

 

IRÉNÉE :

J’ t’ai pas traité d’cochon, j’ t’ai dit qu’ t’as envie d’elle.

Y a pas d’ péché là‑d’dans : moi aussi, j’ la trouv’ belle.

 

CHŒUR‑DE‑CEUX‑QUI‑SAVENT :

Mais Sébastien s’élanc’ en cachant son visage

Quésiment au pas d’ course, en direction d’ la plage.

Entre une vieille dame au visag’ tout frippé

Et dont les yeux rougis donnent à croir’ qu’a pleuré.

Elle reste un long moment debout dans la p’tite porte

A r’garder Irénée, de dos, à moitié morte.

Un long silenc’ s’étend sur le plateau figé.

Puis Pauline s’avanc’ vers le vieux fatiqué.

 

IRÉNÉEPAULINE :

Y a toujours ben un bout’ à pouvoir e’rien faire.

À voir les gens qu’on aime s’enfoncer dans ‘misère

À rien que constater qu’on peut pas les aider,

Pis qu’ tout’ nos tentatives font rien qu’ les empirer.

 

PAULINE :

J’avais mis un cad’nas sur la p’tite pharmacie

Ma’ l’a pogné les bleus. L’a arraché c’te nuit.

Une chance j’ l’avais vidée et pis qu’ j’avais tout’ j’té.

Chus pas pour contunuer à tout l’temps la tchecker.

 

IRÉNÉEPAULINE :

Y a toujours ben un bout’ à pouvoir e’rien faire.

Pis à jus’ contunuer à pleurer leux misères.

On peut pas les laisser tu‑seuls, pas deux menutes.

 

IRÉNÉE :

On dirait qu’y ont pus d’ joie, qu’y z’ont pus rien qu’ la lutte.

 

PAULINE :

A marché tout’ la nuit su les falaises d’en bas

Et pis je l’entendais qui criait pour des bras.

Pis je l’ai entendue : a criait “pus d’av’nir”.

Pis l’écho répondait en criant “en finir”.

Pendant des grands bouts d’ temps, a r’gardait les rochers

Pis moi j’ pouvais rien faire à part de la watcher.

 

IRÉNÉEPAULINE :

Y a toujours ben un bout’ à rien qu’ pouvoir gémir.

 

CHOEUR‑DE‑CEUX‑QUI‑SAVENT :

Entre le rôle‑titre, qui peut à pein’ se t’nir.

Les deux vieux l’ont pas vue : est debout derrièr’ eux.

Et pis a l’a pas l’air des trouver ben joyeux.

 

IRÉNÉE :

J’ai passé vingt‑cinq ans à le r’garder grandir

Et pis à prend’ soin d’ lui plus’ que d’ mon prop’ av’nir.

Presqu’ la moitié d’ ma vie à rêver avec lui,

I donner mon meilleur, toujours êt’ son appui,

Je sais de quoi I est fait’ plus’ que son propre père

Pis j’ connais ses secrets comme si j’étais son frère.

Mon dieu, qu’ j’étais aveug’, j’ me contais des histoires.

J’ pensais : c’est toujours toi, dans mard’, qu’I va v’nir voir.

Pis d’un coup j’ me rends compte que comme on arrivait

Jus’, ben jus’ au moment d’êt’ un adult’ pour vrai,

I choisit d ’se cacher et pis de refuser

De seulement rien qu’ nommer ce qui pourrait l’aider.

I s’met à avoir peur de c’ que la vie lui off’

Pis se met à s’ blinder et pis à jouer au tough.

 

PAULINE :

J’ai passé proch’ trente ans à êt’ à côté d’elle

Pis à la voir dev’nir chaque jour un peu plus belle.

J’ me souviens de matins où était écœurée

Pis qu’ ça m’prenait des heures ‘a’a convainc’ de se l’ver.

“Non. En’oye, tiens‑toi d’bout’. Faut contunuer pareil

Mêm’ quant’ ça nous prend tout’ pour affronter l’ soleil.”

J’ai passé proche trente ans… Et pis là, tout d’un coup,

Jus’, ben jus’ au moment où on arrive au bout

Là, ça y est : a l’a tout’, ça y est : est arrivée.

Ben, non, madame débarque pis nous envoye tout’ chier,

Pis y a même pas moyen, en plus’ d’y fair’ sortir

Qu’est‑cé qu’y est arrivé pour qu’a veuille tant mourir.

C’ toujours pas Aldéric, à pouvait pus l’ sentir,

C’tait rendu du Tremblay, I y’a faisait proche vomir.

 

MARIE :

Ça vous dérang’rait‑tu d’ vous mêler d’ vos oignons

Pis d’ me laisser dealer avec mes prop’ frissons ?

C’est quoi, là, l’ gros problème ? Vous trouvez j’ fais pitié ?

Pis qu’ c’est vraiment pas fin d’ charcher à s’ suicider ?

Câlicez‑moi patienc’ a’ec vos bonnes intentions

Pis tout’ va‑t‑êt’ plus simp’ dans nos conversations.

 

IRÉNÉE :

J’ voulais pas déranger. J’ pense que chus mieux d’ partir.

On se r’voit tout à l’heure.

 

Exit Irénée

 

MARIE :

………………………………………..T’avais queuk chos’ à m’ dire ?

 

PAULINE :

Ah. Mais voyons patronne. Mais où c’est qu’ vous étiez ?

Je. Ça, c’est vraiment pas fin, de même, de vous cacher.

 

RITA :

Je l’ sais qu’ c’est pas d’ ta faut’, qu’ t’es obligée d’ les dire

Mais pourrais‑tu au moins fair’ l’effort de pas rire ?

 

MARIE :

Ça fa depuis huit heures que j’ cours après la mort

Dans tous les maudits coins et pis de tous les bords.

 

 

SCÈNE QUATRIÈME : L’INTERRUPTION

 

RITA :

Ah non, ça sert à rien, moi j’ peux pus contunuer.

J’ me sens comm’ un’ vraie folle, chus t’obligée d’ compter

Les rimes ont pas d’ bon sens et et et et et et.

J’ai beau savoir mon tex’ j’ pense toujours j’ n’ai sauté.

J’ sais pas comment vous fait’, mais moi chus pas capab’

De raconter ma vie en comptant les syllab’.

 

Tout le plateau éclairé.

 

CHŒUR‑DE‑CEUX‑QUI‑SAVENT :

Bon, ça y est ! Je l’ savais ! C’est toujours la mêm’ chose !

I vous amènent icit’ en promettant queuk chose

Pis au bout’ d’ deux menutes t’apprend qu’ c’t’un aut’ affaire

Parc’ c’ qu’I t’avaient promis sont pas capab’ de l’ faire !

C’est ben bon pour se plaind’ pis parfa pour brailler

Mais j’ te dis qu’ c’est pas gros quant’ y s’agit d’y aller !

Hen ?! C’est ben beau les promesses pis les bonnes intentions

Mais j’ te dis qu’ c’est pas long qu’ t’es ramasse en caneçons !

Hen ?! C’est là qu’ ça voudrait tout’ sur un plateau d’argent

Mais rien qu’à condition qu’ ça d’mande pas trop d’ talent !

Hen ?! Ça voudrait des théât’ pis des artic’ grands d’ mêm’

Pis c’est ben jus’ capab’ d’ dir’ deux mots sans blasphèm’ !

Hen ?! On l’a changé, nous aut’, c’ qui marchait pas dans vie

On a pas attendu que tout’ nous soye permis !

Arrêtez don d’ chialer pis d’ croir’ qu’ tout’ vous est dû !

Ça été un’ belle guerre même si on a perdu !

Pis au moins on l’a fait’. On a eu du courage !

Vous auriez dû voir ça, quand on ava votre âge !

On est parti de rien, y avait pas un’ seule salle

Pis en d’dans d’ trent’ ans : boum ! On a deux festivals !

Hen ?! Qu’est‑cé qu’ vous dites de t’ça ?! Maudite gang de braillards !

Si c’était pas d’ nous aut’ y n’arait y en qu’ pas : d’art !

Y a toujours ben un bout’ a s’ fair’ crier des noms

À fair’ rir’ de nous aut’. On est pas des torchons.

Vous aut’ vous pensez p’t’êt’ qu’on est icitte par choix ?!

Si Reichenbach voulait, c’est pas icitte que j’ s’rais !

Pis écoutez‑moi ben, moi j’ai d’aut’ chose à faire

Que d’ passer la veillée à deviner quoi faire!

Fa qu’ si vous l’ savez pas, où c’ vous vous en allez

Au moins dites‑le tu‑suite qu’on puisse aller s’ coucher.

On a des auditions, nous aut’, demain matin.

Y a pas rien qu’ le théât’ : y faut gagner son pain !

 

RITA :

Mon dieu, excusez‑moi, j’ voulais pas vous niaiser.

 

Entre Coryphée II

 

RITA :

Bazwel, c’est ça : le v’là. C’tait trop beau pour durer.

 

CORYPHÉE II :

“I faut jamais r’culer devant c’ qu’on a à faire :

Faut en passer par là”, comme disait mon vieux père.

Mesdames et messieurs, vous êt’ tout’ mes témoins :

J’ai au moins essayé de pas aller trop loin.

T’a l’heure j’avais envie d’aller au bout’ d’ la cord’

Mais j’ m’en suis empêché et pis là ça déborde.

Alors avant que l’ feu ne s’étend’ davantag’…

 

RITA :

On devrait peut‑êt’ tout’ s’en aller sur la plage

Parc’ que là, lui, I r’part. Pis y a queuk chose qui m’ dit

Qu’y a encore un’ coup’ d’heures avant qu’on r’voye nos lits.

 

CORYPHÉE II :

Arrêtez‑don’ d’ kicker et pis d’ nous faire accroir’

À vot’ bonne volonté en la défens’ de l’art.

C’est pas la pièce que t’aime, tu pens’ yen qu’à ton bout’

Tout l’ res’ tu t’en câlices…

 

RITA :

………………………………………..Ah, ça, moi, ça m’ dégoûte !

On travaille pour e’rien dans’ un théât’ de cent places

C’est ben jus’ si’on arrive par soir à faire trent’ piasses,

On répète comm’ des chiens pour défend’ c’ t’agra‑là

Pis première chose qu’on sait, on s’fa r’procher d’êt’ là ?!

Écoute‑moi ben, toi Chose : on est p’t’êt’ pas ‘sez purs

Pour défend’ ton cher tex’ et pis tes chères enflures

Mais t’apprendras, bonhomme que quant’ on a pas d’ foin

Pour payer ses vertus, on reste dans son coin.

Pis on fait pas chier l’monde à vouloir tout’ changer

Quant’ c’est jus’ si on arrive à payer son loyer.

 

CORYPHÉE II :

R’descends don d’ tes rideaux pis laisse‑moi don’ finir.

Y a en mass’ assez d’vers pour tout’ c’ qu’on a à dire.

 

RITA :

En tous cas j’ vous préviens : si I m’ traite d’hystérique…

 

CORYPHÉE II :

À place de t’énarver, laisse‑moi faire ma réplique,

Pis tu verras après pour tes raisons d’ gueuler.

 

CHŒUR‑DE‑CEUX‑QUI‑SAVENT :

Y a rien d’ plus énarvant qu’une pièce improvisée.

Tu sais jama c’ qui vient, su quoi tu vas tomber…

 

CORYPHÉE II :

Ça n’a peut‑êt’ pas l’air mais la pièce que vous jouez

Est censée, en principe, parler de la passion.

 

CHŒUR‑DE‑CEUX‑QUI‑SAVENT :

Mettons que pour l’instant, ce s’rait plutôt brouillon.

 

CORYPHÉE II :

Mais laissez‑moi parler !

 

RITA :

………………………………………..Ben oui, c’est effrayant…

 

CORYPHÉE II :

J’ai une proposition à faire pour le moment.

Bon. Bon, ça va‑tu, là ? Est‑ce que j’ peux contunuer ?

Pour des raisons diverses, trop long’ à espliquer

Il est très difficile de ne pas s’enfarger

Dans tout’ le processus de madame Cournoyer…

 

RITA :

Oups. Pardon. Escus’‑moi : peux‑tu répéter ça ?

 

CORYPHÉE II :

… Lorsque l’on est aux prises…

 

CHŒUR‑DE‑CEUX‑QUI‑SAVENT :

………………………………………..C’est pas fermé déjà ?

I on‑tu changé l’horair’ pour les derniers métros ?

 

CORYPHÉE II :

J’avais dit y en qu’ quat’ lignes, mais c’tait déjà trop beau.

Ce que je voulais dire c’est que c’est compliqué…

 

CHŒUR‑DE‑CEUX‑QUI‑SAVENT :

Ah ben, là, là, tu m’as : ça, j’avais pas r’marqué.

 

CORYPHÉE II :

Y a queuk’ chose qui marche pas. Y a queuk chose qui marche pas

On arriv’ra à rien en contunuant comme ça.

Ah ben cou‑don, ciboire, allons‑y carrément :

Mesdames et messieurs vous allez voir maint’nant

Sans plus de préambules ni autres ménag’ments

Ce qui de tout’ la pièc’ est le meilleur moment.

Pour des raisons trop longu’ à expliquer ici,

Il nous est plus possib’ de contunuer sans lui.

Pis pendant qu’on va y’êt’, essayons don comme ça :

Non seulement on reprend à grosse scène de Rita

Mais essayons aussi de voir a’c ce nom‑là.

Vous allez donc entend’ le gros bout’ de Rita

Qui invit’ Sébastien que ça intéresse pas.

 

RITA :

Es‑tu tombé su’a têt’ ? J’ peux pas jouer sous mon nom

On est au théât’, Chose, I faut faire “allusion”.

Et pis à part de t’ça, y manqu’ au moins vingt pages.

On peut pas l’ faire tu‑suite : y faut que j’ soye en rage.

 

CORYPHÉE II :

Nous nous retrouvons donc au moment dit crucial

Où madam’ Cournoyer prétend se trouver mal.

 

SÉBASTIEN (Entrant) :

Hen ?! J’ai‑tu ben compris ? Mais on saute ma gross’ scène…

 

CORYPHÉE II :

Y a pas ni ci ni ça, vous allez l’ faire de même.

Nous nous retrouvons donc au moment où Rita

Demande à Sébastien de la prend’ dans ses bras.

Le jeune homme la repouss’, feint de ne pas comprend’

Alors qu’ell’ le bouscule puis fait min’ de se r’prend’.

S’engag’ une discussion, à la fois froid’ et digne

Sur toutes les vertus que l’on prêt’ au camping.

Madame Cournoyer voudrait ben qu’I l’invit’

Mais, bien sûr, lui s’ défil’ pis cherch’ un’ excus’ vite.

(Pour ceux qu’ ça intéresse, la scène correspond

Au fameux “Ah, cruel” connu jusqu’au Japon.)

Un’ fois que ça s’ra fait’, on peut rien qu’espérer

Qu’on y verra plus clair su c’ qui peut débloquer.

 

 

SCÈNE CINQUIÈME : LE SECOND ESSAI

 

Éclairage par zones.

 

SÉBASTIEN :

Ben non, ma’ame Cournoyer, j’ vous trouv’ pas fatiquant’ !

J’ peux jus’ pas supporter d’ coucher à terre dans ‘une tente.

J’ viens les g’noux tout’ barrés pis j’ march’ comme un pingouin

A caus’ d’ l’humidité… Non, non : ôtez vot’ main.

Ouan. Fa. Qu’est‑cé j’ disais ?

 

RITA :

………………………………………..Tu m’ disais qu’ tu veux pas.

 

SÉBASTIEN :

J’ai dit qu’y fait trop frais. J’ai pas dit j’ voulais pas.

Moi, qu’est‑cé qu’vous voulez, chus t’un garçon douillet.

Chus ben prêt à essayer mais qu’est‑cé qu’ ça m’ donnerait ?

M’a êt’ raqué comm’ une barre et pis mon entraîneur

Va encor’ m’engueuler pis m’ crier des horreurs.

Attendez l’ mois d’ juillet. Là, c’est sûr : j’ vous l’ promets,

J’ vous emmène en camping un’ grand s’main’ au complet.

 

RITA :

Ben voyons don, cibole. Me vois‑tu, m’entends‑tu ?

Me prends‑tu pour une foll’ épardue de vertus ?

Moi j’y parl’ de baiser pis I comprend camper.

Faut‑tu t’faire un dessin ? Faut‑tu tout’ t’espliquer ?

Quant’ j’ te dis “Chus tou’ croche”, qu’est‑ce tu penses que j’ te dis ?

Penses‑tu qu’ j’ai pas d’aut’ trip que d’ faire d’la tragédie ?

La guedoune pis la folle on rien à voir là‑d’dans.

Chus t’en train d’ te d’mandé si tu veux ‘êt’ mon amant.

J’essaye de t’ fair’ comprend’ qu’ tu peux encor’ choisir

Ent’ c’ que t’as l’goût d’entend’ pis c’ que moi j’ai à t’ dire.

Je l’ fais pas éxiprès pour partir la bataille

Mais des fois on dirait, j’ sais pas, qu’y t’ manque des mailles.

C’ton père, à part de t’ça, qui m’a ch’té dans tes bras.

Qui, tou’es jours m’disait : “Dépêches‑toi, trouve un gars”.

Ton père, avant d’partir pour son voyage en Grèce,

Qui d’sait : “M’as te l’dire, même si faut j’me dépêche

A pogner mon avion : Ça s’ peut qu’tu me r’voyes pas.

Trouve‑toi un aut’ toton.” En s’ couchant dans mes bras.

Moi, ma vie ‘tait parfaite. J’avais même pus d’envies.

Y a voulu faire le smat et ben tant pis pour lui.

Tu sais comment c’qu’il est : toujours à courailler,

Dix affaires d’commencées et pis pas une d’ach’vée.

Moi, j’aime les homm’ vaillants qui ont pas peur de foncer.

Mais ça vient fatiquant, de toujours patienter.

J’ai envie d’un gars là, pas toujours en voyage.

Mais un gars a’ec des bras. Pis un gros héritage.

T’imagine‑tu vraiment qu’tu s’rais à côté d’moi

Si j’avais l’sentiment qu’tu s’ras jamais le Roi ?

Oui, j’t’ai crié des noms pis j’t’ai dit d’prend’ la porte.

J’ai tout’ fait’ pour tu partes. Bon yeu, fallait qu’tu sortes.

Moi j’voyais pus yen qu’toi, y était même pas parti.

Pis j’faisais rien qu’rouler. Rouler. Nuit après nuit.

Tu passes tes grands journées à t’prom’ner en bobettes,

Pis moi, chus supposée d’ rester ben cool, ben frette ?

Tu passes cinq heures par jour à t’pratiquer aux poids

Pour qu’quant’ j’t’ai su mon ch’min, j’ fass’ comme si t’es pas là ?

Quand tout’ c’qu’on veut dans vie c’est s’bâtir un body

Pour êt’ sûr que tout l’monde qu’on rencont’ vont pâmer,

Y faut pas êt’ surpris si, quand la noirceur vient

Y a des omb’ de tapies toué pieds su ton ch’min.

Quant’ on veut pas qu’tout l’mond’ charche à nous pogner l’cul

On a rien qu’à pas fair’ comm’ si c’tait not’ seul but.

 

 

SCÈNE SIXIÈME : LA TRANSFORMATION

 

Tout le plateau éclairé.

 

RITA :

Voyons don, simonak. Ça pas d’maudit bon sens.

Ben oui, mais. Qu’est‑ce que j’ai ? Fa ben chaud, ici d’dans.

 

CORYPHÉE II :

Attends. Nonon. Wowo. Nonon. Là, j’ pens’ qu’on l’a.

 

RITA :

Ouvririez‑vous un’ f’nêt’ ?

 

CORYPHÉE II :

………………………………………..Ben oui. C’est sûr. C’est ça.

Mon doux, c’est évident. Là, là, je l’ai trouvé :

A ‘fin du premier acte, faut des voix dédoublées.

On parl’ du Rideau‑Vert, et pis cont’ le Trident.

 

RITA :

Pis peut‑êt’ un p’tit bout’ cont’ le gouvernement ?

 

CORYPHÉE II :

T’es fine. Ben oui. Tu l’as.

 

RITA :

………………………………………..“Rouler. Nuit après nuit.”

 

CORYPHÉE II :

Thésée a un accent ! I vient de Gaspésie !

C’est un fils de notaire. Avec beaucoup d’av’nir.

 

RITA :

“Ent’ c’que t’as l’goût d’entend’. Pis c’que moi j’ai à t’dire.”

Fa ben frette, tout d’un coup. “Si tu veux ‘êt’ mon amant.”

“Tout’ un’ vie à rêver de tes bras, en me l’vant.”

 

CORYPHÉE II :

C’est pas un politique. C’est un aventurier.

Au fond, lui, tout c’qu’I veut…

 

RITA :

………………………………………..Peux‑tu ‘rrêter d’crirer ?

 

CORYPHÉE II :

Ben voyons, qu’est‑ce que t’as ?

 

RITA :

………………………………………..Et’ autant enragé.

Sébastien, viens ici.

 

SÉBASTIEN :

………………………………………..Oui, madame Cournoyer ?

 

RITA :

Bouge pas, jus’ un’ menute, que j’ te r’gard’ comme y faut.

Ferme les yeux, un’ seconde. J’ai pas rêvé. T’es beau.

M’a t’conter une histoire qu’ t’as jamais entendue.

Un’ histoire ben ben belle. On sait pas d’où c’ qu’est v’nue.

 

CORYPHÉE II :

Ben que j’te voyes donc, toi, I’ inventer in histoire.

 

SÉBASTIEN :

Voyons, ma’ame Cournoyer.

 

RITA :

………………………………………..Non, bouge pas. Tu vas voir.

À Coryphée II :

Pens’‑tu qu’la seule façon d’ dir’ l’amour impossib’

Ce soye en s’en moquant parce que c’est trop pénib’ ?

“Quant’ on veut pas qu’tout l’mond’ charche à nous pogner l’cul

On a rien qu’à pas fair’ comm’ si c’tait not’ seul but.” ?

Mettons qu’on essaierait d’ dire ça d’un aut’ façon ?

Mettons qu’la seule manière s’rait pas la dérision ?

Montrant Sébastien :

Tantôt, en y parlant, tout d’in coup j’l’ai comme vu.

Et pis tout’ mes excuses ont comm’ jus’ disparu.

 

CORYPHÉE II :

Gar‑moi don si c’est cute : aussitôt qu’a l’a vu

Toutes ses vieilles excuses ont comm’ jus’ disparu.

 

RITA :

“Thésée. I était ‘ssez pâle. I était tell’ment perdu.

I était encore plus beau qu’ je l’avais jamais vu.

Déjà depuis deux s’maines, depuis qu’y t’attendait,

C’en était effrayant, tell’ment y pâlissait.

Mais là, ça s’pouvait pus : Y osait pas me r’garder,

Pis y s’tordait les mains, pis je l’voyais trembler.”

 

CORYPHÉE II :

Arrêt’‑toi pas, pitoune. T’as l’crachoir, pour un’ fois.

Contunue. Sors‑nous‑lé. T’as pas entendu d ’voix ?

 

RITA :

Non.

 

CORYPHÉE II :

C’est tout c’que t’as eu ? Rien qu’une petite vision ?

T’es sûre ? T’es ben certaine ? Y ava pas un dragon ?

 

RITA :

Non.

 

CORYPHÉE II :

………………………………………..Ben cont’‑nous‑lé don. Gard’ pas ça rien qu’ pour toi.

Tu m’as envoyé chier. T’as tout’ le show à toi.

 

RITA :

“Ah, les murs, arrêtez. Jus’ une petite menute.

Arrêtez de tourner. Comme je tourne dans ma lutte.

Arrêtez de danser. Et d’me montrer sa face.

Et ses mains radieuses dont la vision me glace.

Ah, levez‑vous, oh vents. Emporte-moi, oh air.

Soufflez sur ce vieux corps transformé en désert.

Redonnez moi-le souff’, redonnez‑moi les mots

Pour lui, le retenir, m’accrocher à sa peau.

Je veux tous les talents, et les malédictions

Si le souffr’ de l’enfer me donne son affection.

Écoutez‑moi pâmer, et riez d’mon émoi

Si vos mines amusées peuvent le mener à moi.

Jetez sur nous les foud’ des plus noirs des démons

Si, grâce à eux, nos cris fusent à l’unisson.”

 

CHŒUR‑DE‑CEUX‑QUI‑SAVENT :

On attend.

 

CORYPHÉE II :

………………………………………..Contunue.

 

RITA :

………………………………………..………………………………………..J’ai rien à ajouter.

 

CORYPHÉE II :

Bon ben, dans c’ te cas‑là, on peut‑tu continuer ?

 

RITA :

Sébastien ? Viens ici.

 

SÉBASTIEN :

………………………………………..Oui, madam’ Cournoyer.

 

RITA :

Y a‑tu déjà queukun qui t’a parlé d’tes yeux ?

 

CORYPHÉE II :

Wolà. Wobec. Menute. Icit’, c’ t’un show sérieux.

C’est pas la place pantoute pour v’nir faire tes emplettes.

Les intellectuels sont pas forts su’a stepette.

“Ah mon dieu, quel bonheur, j’ai retrouvé la vie.

Ben gar’‑don. Coucou, toi. Viens‑tu ‘ssayer mon lit” ?

J’ te dis qu’ tu perds pas d’temps, toi, entre deux passions.

D’ la vengeance à l’hymen, j’te jure que c’est pas long.

 

RITA :

Vas‑tu farmer ta yeule, pis laisser parler l’ monde ?

 

CORYPHÉE II :

J’ai dû toucher l’ bobo. C’est tout c’t’as à répond’ ?

 

RITA :

Mettons qu’pour le moment…

 

CHŒUR‑DE‑CEUX‑QUI‑SAVENT :

………………………………………..Et pis pendant c’temps‑là,

Le Chœur, lui, perd son temps…

 

PAULINE :

Oenone se crois’ les bras.

 

IRÉNÉE :

………………………………………..Pis Théramène attend.

 

RITA :

Il était une fois, il y a très très longtemps,

La Reine d’un p’tit pays a’ec un Roi enrageant :

I était pas jamais là, i couraillait partout.

 

SÉBASTIEN :

J’la connais, c’t’histoire‑là.

 

RITA :

………………………………………..Laiss’‑moi m’rend’ jusqu’au bout.

Le Roi avait un fils qui était vraiment très beau.

Comm’ le Roi l’avait ‘té. Encore plus. Presque trop.

La Reine le r’gardait pas, a l’avait son mari.

Mais un jour, tout d’un coup, que le Roi ‘tait parti

Courailler fouille‑moi‑où et pis qu’a discutait

Tu‑seule avec le Prince, sur le temps qu’I faisait,

Ou ben su j’sais‑pas‑quoi, tout d’un coup, a l’a vu

Comm’ si’i v’nait d’apparait’. Là, a s’est aperçue

Qu’ça faisait des années qu’a vivait proche de lui

Sans jamais remarquer avant là, aujourd’hui,

À quel point I r’semblait au Roi qu’a avait connu

Dans l’temps qu’a l’était jeune. Pis est v’nue tout’ émue.

Là, a l’a bafouillé, ‘êtait ben mal à l’aise

A savait pus quoi dire, êtait rouge comme une fraise :

A v’nait d’s’apercevoir de tout’ c’qui avait d’changé

Ent’ l’homme qu’a’vait connu y a une trentaine d’années…

 

CORYPHÉE II :

Bon. Ça fa. Ça suffit. On est TOUT’ là pour ça.

Fa qu’joue don jus’ ton bout’.

 

CHŒUR DE‑CEUX‑QUI‑SAVENT :

………………………………………..Bon. Ok, on y va.

 

RITA :

A s’était tout l’temps dit que si êtait plus tiède

C’tait parc’ quand on vieillit, on croit pus aux remèdes.

On s’dit qu’ tout’ les affaires dont on rêvait dans l’temps

C’ parc’ qu’on comprenait pas : on était des enfants.

Mais là, là, tout d’un coup, remontant à l’air lib’,

A r’trouvait l’sentiment que tout’ était possib’.

Qu’y ava pas rien qu’ l’État, et pis les discussions…

 

CORYPHÉE II :

Si tu veux faire des cours, donne‑lé dans ton salon.

Mais avant d’ te l’ouvrir, lis don rien qu’un p’tit peu.

“Y ava pas rien qu’ l’État.” C’est‑tu assez niaiseux.

Commenc’ par faire ta job : joue ton rôle comme du monde

Et pis farme ta grand yeule. Écoute‑moi une seconde.

T’es t’icitte pour une job. Pis laisse‑moi travailler.

Dis tes lignes comm’ y faut. Moi, j’va les expliquer.

Comme si on ‘tait icitte pour conter in histoire.

C’est seul’ment qu’un “PRÉtex’”. C’est l’”CONtex’”, qu’y faut voir.

 

CHŒUR DE‑CEUX‑QUI‑SAVENT :

Laisse faire les spécialist’. Pis toi, fais ton métier.

On fa pas d’ théorie, on est icitte pour jouer.

 

CORYPHÉE II :

“Y ava pas rien qu’ l’État.” Non, mais pour qui s’tu t’prends ?

Qu’est‑c’ tu penses qu’on fait là ? Un p’tit show d’sentiments ?

On est là pour juger et pis pour enseigner

Pas pour conter l’histoire d’un’ pauv’ ‘tit’ Reine pognée.

J’m’en criss’‑tu, moi, des reines.

 

CHŒUR DE‑CEUX‑QUI‑SAVENT :

………………………………………..Du moment que c’est beau.

C’pas grav’ qu’est‑ce ça veut dire. Au fond, c’est jus’ des mots.

 

RITA :

C’est pas seul’ment des mots. A veut y dire queuk chose.

 

CORYPHÉE II :

Ben oui, c’est ben certain. Mais y faut qu’tu transposes.

 

RITA :

Mais oui mais faut qu’ j’y dise. Toi, tu veux tout’ ram’ner

A des genr’ de concep’. C’est pas rien qu’ des idées.

 

CORYPHÉE II :

Je l’sais mais dans c’show‑ci, c’qu’on met en évidence

C’est qu’ monter du Racine nous soumet à la France.

Qu’ la façon qu’c’est écrit ne parle pas de nous.

 

RITA :

Mais qu’est‑cé qu’tu dis là, voyons don, es‑tu fou ?

Je l’sais, qu’c’est pas une Reine, qu’a peut v’nir d’ n’importe où.

Qu’est pas d’ même parce qu’est riche, qu’y a du monde ben dans l’trou…

 

CORYPHÉE II :

Ça s’appelle “un symbole”. Ben oui, ben oui, je l’sais.

C’est moi, ici, qui est prof à l’Université.

 

RITA :

C’est une pièce su l’amour et pis su la passion.

A’c un’ femme qui capote parc’ qu’est folle d’un garçon.

J’ vois pas pantoute pourquoi t’as choisi c’te pièce‑là

Si tout c’que t’as l’goût d’dire a rien à voir a’c ça.

 

CORYPHÉE II :

Ah, parc’ tu t’imagines, toi, qu’ su’a rue Sainte‑Catherine

C’est pour parler de t’ ça qui jousent ton héroïne ?

 

CHŒUR DE‑CEUX‑QUI‑SAVENT :

Ben non, c’est pas pour ça. Y a pas d’droits à payer.

C’est dans l’domaine public. C’est moins cher à monter.

Nus aut’, on est pas cont’, faire des pièces passionnées.

Mais au moins du Racine, on l’ sait qu’ça va marcher.

Depuis la p’tite école qu’on l’a tout’ étudiée

Ca fa que le public se sent moins écarté.

 

RITA :

C’est pas parc’ qu’y font ça, qu’faut l’ faire nous aut’ aussi.

 

CORYPHÉE II :

I-faut-les-é-cra-ser ! Les mett’ au pilori !

C’est une gang d’écœurants qui détourn’ la culture.

C’est des fascis’ finis qu’I faut coller au mur !

 

RITA :

Le darnier qu’j’ai entendu crier d’ z’affaires de même

Là, y est à TVA. Pis y est riche en baptême.

 

CORYPHÉE II :

J’ m’en sac’ de qu’est‑ce tu penses.

 

CHŒUR DE‑CEUX‑QUI‑SAVENT :

………………………………………..Arrêt’ don de l’ niaiser.

 

CORYPHÉE II :

Vas‑tu suiv’ c’que j’ dis d’faire ? Ou si tu veux m’ choquer ?

 

RITA :

Mais qu’est‑cé qu’ vous voulez ?

 

CHŒUR DE‑CEUX‑QUI‑SAVENT :

………………………………………..Réponds à sa question.

 

RITA :

Moi, qu’est‑ce qui m’intéresse, c’est pas d’avoir raison.

Mais monter PHÈD’ de même, c’est sûr qu’ chus pas d’accord.

Non, non, ‘tendez menute. J’dis pas qu’vous avez tort.

Vous avez même raison : c’est vrai qu’c’est ben tentant

De s’trouver des excuses pour êt’ en sacrament.

Pus raisons d’écouter ou d’penser à quoi dire

T’as pus rien qu’à foncer, à hurler, à maudire,

A beugler des bêtises à la planète entière

En la t’nant responsab’ pour toutes tes misères.

C’est pas ben, ben sorcier.

À Coryphée II :

………………………………………..Et pis t’es pas l’ premier.

J’espère que tu penses pas c’t’un truc t’as inventé.

Si y a rien qu’ ça qui t’ tente, t’as ben beau : pars en grande,

Mais si ça t’déranges pas, fais don gueuler d’aut’ viande.

Parc’ qu’moi, en c’qui m’ concerne, le bad‑trip est fini

J’ viens d’prend’ la décision qu’mon horreur ramolli.

 

CHŒUR DE‑CEUX‑QUI‑SAVENT :

C’est ta dernière réponse ?

 

RITA :

………………………………………..Mais qu’est‑ce que j’ peux I dire ?

Chus t’en amour avec, j’  pas pour mourir de rire.

 

CORYPHÉE II :

O.K. Non. T’as raison.

 

CHŒUR‑DE‑CEUX‑QUI‑SAVENT :

………………………………………..C’est ça. Je l’ai l’idée.

 

CORYPHÉE II :

Ah, t’en veux, d’ la passion ? Ah, toi, t’aime ça brailler ?

C’ qui nous faut c’est des dieux.

 

CHŒUR‑DE‑CEUX‑QUI‑SAVENT :

………………………………………..Ben on est là pour ça.

 

CORYPHÉE :

“J’pas pour mourir de rire” ? Ça, ma fille, sûr’ment pas.

Les dieux c’était l’pouvoir ? Ceux qui décidaient tout’ ?

Pouvoir incontournab’ ? Qu’on peut pas mett’ en dout’ ?

 

CHŒUR DE‑CEUX‑QUI‑SAVENT :

Il faut faire a’c son temps ? I faut s’t’nir à mode ?

Faut en passer par là ? Y a pas trente‑six méthodes.

Do’‑moi jus’ une seconde.

 

RITA :

Qu’est‑cé qu’vous allez faire ?

 

CHŒUR‑DE‑CEUX‑QUI‑SAVENT :

Me concentrer un peu, et pis renifler l’air.

Comme un. Voir. Le. La. Comme. Jus’ trouver. Le bon ang’.

Trouver jus’ le bon trou. T’arais dû t’nir ta langue.

 

CORYPHÉE II :

Comme ça, on fa sa cute. Comme ça, on est coquette.

On trouve qu’ n’importe quoi : “Envoye shoot. Moi, chus prête” ?

 

CHŒUR‑DE‑CEUX‑QUI‑SAVENT :

Ok, ben allons‑y. E’ r’garde‑lé, ton beau p’tit

Et pis pour c’qui y est d’vous deux, écoute qu’est‑ce qui est écrit.

 

CORYPHÉE II :

La passion, d’après toi, vaut mieux qu’ l’intelligence ?

 

CHŒUR DE‑CEUX‑QUI‑SAVENT :

Pis rien te fait plus’ chier qu’ faire preuv’ d’obéissance ?

 

Changement d’atmosphère : éclairage par zones.

 

 

ACTE SECOND :
“RITA COURNOYER JOUE PHÈDRE”
SCÈNE PREMIÈRE : INTRO.

 

(Jusqu’à la fin : intercaler des interventions du Coryphée et du Chœur de Ceux-qui-savent. Ils racontent à quel point, pendant toutes ces scènes, le soleil brille et l’eau est douce pour les baigneurs qui jouent au ballon de plage. Le Chœur de Ceux-qui-savent veut démontrer que la vie est une salope : “IL N’Y A PAS D’ESPOIR, IL N’Y A QUE LA SURVIE : LE BEURRE SU LES TOASTS”. Pour Coryphée II : la joie d’avoir raison.)

 

CHŒUR‑DE‑CEUX‑QUI‑SAVENT :

“Mais là, là, tout d’un coup, remontant à l’air lib’,

A r’trouvait l’sentiment que tout’ était possib’.”

“Le Roi avait un fils qui était vraiment très beau.

Comm’ le Roi l’avait ‘té. Encore plus. Presque trop.”

 

Entrent Alcide et Hippolyte.

 

ALCIDE :

Des fois ça fait des heures que tes bras m’ont lâché

Mais j’les sens comme encore, comme encore imprimés.

Y a des fois, on dirait que mon corps se souvient

Encore mieux que mon cœur comment c’tu m’fais du bien.

Des fois, quand chus tu‑seul, ou même si y a queulqu’un

Y des fois c’est gênant : d’un coup j’sens ton parfum.

 

HIPPOLYTE :

Voyons don, j’en mets pas.

 

ALCIDE :

………………………………………..J’ parle de celui d’ ta peau.

Et pis là, ben ben fort, ça m’fait comme un étau

Comme si tu v’nais d’me prend’ ben ben vite dans tes bras

Pis j’me sens assez mal. Ça m’fait comm’. Ah, j’sais pas.

L’aut’ soir, ch’allé m’ prom’né, I d’vait êt’ comme onze heure

Et pis là, tout d’un coup, chus comm’ v’nu tout’ en sueur

Ça allait ben ben vite, tout’ des images de toi

Au soleil ou la nuit.

 

HIPPOLYTE :

………………………………………..On va‑tu manger d’quoi ?

 

Exeunt Alcide et Hippolyte.

 

CHŒUR DE‑CEUX‑QUI‑SAVENT :

Ça, peut‑êt’ que tu trouves que ça te r’donne espoir ?

Attends encore un peu, la Passion, tu vas voir.

 

CORYPHÉE II :

Au milieu d’une mer aux flots impétueux

S’élève une grande Ile au destin ambitieux.

Pendant que tout au loin, sur des plages dorées

Des vill’s entières s’effondr’ sur des peup’ calcinés,

Ici, on se raconte comment bien faire les choses

Et chacun s’initie à l’art des virtuoses.

Nous sommes quelque part très loin de toute terre

Dans une grand’ maison bâtie de murs en verre.

C’est celle d’un grand chanteur, une basse, une star

Toujours parti su’a brosse, toujours entre deux bars.

Au sommet des falaises, une espèce de retrait’

Où se trouve enseigné le secret des vedettes.

 

CHŒUR DE‑CEUX‑QUI‑SAVENT :

Ici, vit Hippolyte, le fils du grand Thésée.

Partout, dans tout’ les villes, sa beauté est enviée.

Sa photo est partout et partout y a des gars

Du matin jusqu’au soir qui suent à s’faire des bras

Convaincus qu’ travaillant autant qu’ lui su leu corps

Eux aussi vont ‘voir l’air d’êt’ des dieux aux ch’feux d’or.

On peut le voir partout, dans tout’ les grandes premières

Y a pas un’ seule revue où on le voit pas, fier

Descendant d’un d’ses chars avec les plus belles filles,

Semblant s’ faire une armure du satin qui l’habille.

I respire la richesse. Y est d’une telle élégance

Qu’I fait pas un seul ges’ sans faire penser qu’I danse.

I est toujours tout sourire. I a tout l’temps l’air heureux.

Mais sur l’Ile on peut l’voir, toujours ben silencieux.

 

CORYPHÉE II :

Et, dans ce même château, vit madame Cournoyer.

 

RITA :

Pourquoi j’ m’appelle pas Phèdr’ ?

 

CHŒUR DE‑CEUX‑QUI‑SAVENT :

………………………………………..Parc’ c’est l’prix à payer.

 

CORYPHÉE II :

Tu veux faire à ta tête ? Gên’‑toi pas, envoye fort.

Mais attends‑toi pas trop à c’qu’on braille su ton sort.

 

Entrent Aricie et Ismène.

 

ISMÈNE :

A s’promène dans toué classes, tout l’temps ben ben pressée

Comm’ si’a charchait quelqu’un. A l’a rien qu’à rentrer

Pour que tout l’ monde se lève comme quand on était p’tits

Qu’on allait au primaire. C’est pas ‘a Reine, hostie.

 

ARICIE :

Ismène, arrête‑toi don.

 

ISMÈNE :

………………………………………..Non, mais pour qui c’qu’a s’ prend ?!

A ‘rrête pas d’nous r’garder comm’ s’on ‘tait des enfants.

R’garde : ton frère p’Hippolyte. Ah, mon dieu qu’I sont beaux.

Mais toi, comm’ de raison.

 

ARICIE :

………………………………………..Est d’même, c’est pas nouveau.

Qu’est‑cé qu’tu veux j’te dise ? A l’sait qu’est la patronne.

Fa qu’quant’ le boss y est pas…

 

ISMÈNE :

………………………………………..A nous prend pour ses bonnes.

 

Entre Alcide.

 

ALCIDE :

Youpi. Allo, les filles.

À Aricie :

………………………………………..Tu sais‑tu la nouvelle ?

 

ARICIE :

T’as ben l’air énervé ?

 

ALCIDE :

………………………………………..Ma sœur, la vie est belle.

Je m’en vas en voyage. Hippolyte a dit oui.

I v’lait m’faire un’ surprise. Heye, j’m’en va à Paris !

 

ARICIE :

Ah ? Ben, mon doux. C’est l’fun.

 

ISMÈNE :

De même, c’est vrai, qu’I part.

Moi, j’tais sûre qu’I fakait.

 

ALCIDE :

Heye, à Paris, bâtard.

Le bateau ‘dans deux heures. I m’a dit d’rien am’ner.

Aussitôt qu’on arrive, I va tout’ m’habiller.

Si t’as l’contrat d’T.V.

 

ARICIE :

Voyons, parl’ pas si fort.

 

ALCIDE :

Tu vas‑tu v’nir nous voir ? Heye, tous les deux d’ laut’ bord.

 

ARICIE :

Attends. Attends, c’pas fait’. Ouan, c’est sûr qu’ j’aim’rais ça.

À Ismène :

On v’êt’ en r’tard au cours.

 

ALCIDE :

J’te dis qu’ça t’énerv’ pas.

 

ARICIE :

Alcide, chus ben contente. Mais qu’est‑c’ tu veux j’te dise ?

 

ALCIDE :

Nonon, c’correct. J’comprends. Au moins fais‑moi un’ bise ?

J’peux‑tu marcher a’c vous aut’ ? Je r’tourn’ dans l’bout’ du camps.

 

ARICIE :

Ça m’prend jus’ par surprise. Ben oui, c’est sûr.

 

ISMÈNE :

Viens‑t’en.

 

Exeunt Alcide, Aricie et Ismène.

 

 

SCÈNE SECONDE : HIPPOLYTE, ARICIE ET ALCIDE

 

Entre Hippolyte. Il reste un moment silencieux. Immobile.

Entre Théramène.

 

THÉRAMÈNE :

Oh, allo, Hippolyte. Oup, j’ t’ai‑tu dérangé ?

 

HIPPOLYTE :

Hen ? Non. Nonon, c’correct. J’ faisais jus e’r’garder.

 

CHŒUR DE‑CEUX‑QUI‑SAVENT :

Théramèn’ va ‘a f’nêt’.

 

THÉRAMÈNE :

Hé, qu’est belle Aricie.

T’es pas mal crapoussin ! Ben, voyons ?, tu rougis ?

 

HIPPOLYTE :

Pourquoi que j’ rougirais ? Bon, la belle‑mère. Pourquoi ?

 

Exit Hippolyte, vivement.

Entre Rita.

 

THÉRAMÈNE :

Bonjour, ma’ame Cournoyer. Hippolyte, attends‑moi.

 

(SCÈNE : RITA VOIT PASSER HIPPOLYTE, LE VOIT REGARDER ALCIDE ET ARICIE. CRISE DE RAGE DE RITA

SCÈNE : DESCRIPTION DE L’ARRIVÉE DE THÉSÉE QUE L’ON CROYAIT PERDU.

INTERVENTION DU CHŒUR DE‑CEUX‑QUI‑SAVENT : LA MER EST BELLE. I FAIT BEAU. UN MAUDIT BEAU TEMPS POUR FAIRE DU PÉDALO.)

 

Entre Thésée, vivement.

 

RITA :

Ah. Thésée. T’es rev’nu. Mais trop tard. Ben trop tard.

Pis rien qu’à temps, Amour, pour mon dernier regard.

 

THÉSÉE :

Rita, qu’est‑c’tu racontes ? Qu’est‑cé qu’y est arrivé ?

Théramèn’ vient d’me dire qu’Hippolyte s’est sauvé ?

 

RITA :

Qu’Hippolyte s’est sauvé ? C’est‑tu ça qu’I t’a dit ?

Non. C’est encore plus beau qu’ça. Ton fidèle t’a menti.

Oh mon dieu que c’est bon. Ah, mon dieu, quel bonheur

De pas mourir avant d’voir tes yeux dans l’malheur.

Je lis sur tout’ ta face que tu r’vires à l’envers

Et qu’pour au moins mil ans, sa mort s’ra ton enfer.

 

LE CHŒUR‑DE‑CEUX‑QUI‑SAVENT :

Une espèce de camps, oui, une espèce d’école

Pour chanteurs populaires rêvant de barcaroles.

Couchée su l’grand divan, y a madame Cournoyer

En train d’mourir dans ‘es bras d’son mari retrouvé.

 

RITA :

Je meurs content’ et s’rai la première à le suivre

Là d’où on n’revient pas, et n’a nulle raison d’viv’.

J’ai connu la passion et jusqu’à ses sommets.

Mais j’meurs de dérision, de fuites et de regrets.

Ton fils est mort, Thésée. Et je res’ la dernière

A l’avoir vu vivant, comme on voit la lumière.

 

THÉSÉE :

Mais pourquoi t’as fait’ ça ?

 

RITA :

Pour ne pas mourir vieille

Passer ma vie à m’batt’ et n’recevoir pour paye

Que les rires de dégoût de tous ceux que j’aim’rais.

Thésée, j’tai connu jeune, au temps où tu jurais

De te batt’ cont’ la vie comme un dieu se battrait.

Le malheur qu’aujourd’hui je peux lire dans tes yeux

Est la plus belle vengeance contre tout’ les lâch’tés

Oh, pas seulement les tiennes : de tous ceux qui ont lâché.

Moi non plus j’ai pas eu le courage de t’nir bon.

Mais j’ai au moins celui de pus m’conter d’sermons.

Mourir avec dans ‘es yeux, le soleil qui s’éteint

En plongeant dans le fleuve, y a‑tu plus beau destin ?

Écoute, Thésée, écoute comment est mort l’amour

Et dans quels mots j’ vous l’ laisse pour vous l’ rapp’ler toujours.

 

 

SCÈNE TROISIÈME : LE DÉPART D’HIPPOLYTE

 

Entrent Hippolyte et Théramène.

 

HIPPOLYTE :

Théramène, j’te préviens : essaye pas d’me r’tenir

Ou ben j’t’en descend une. Pis j’ai pas envie d’rire.

C’fa ‘ssez longtemps qu’tu m’dis qu’y est temps que j’fasse queuk chose

Ben ça y est : j’sac’ mon camps. Pis j’suppose

Qu’là tout l’monde va crier : “C’est pas ça qu’t’as à faire” ?

Mais moi j’m’en va pareil : icitte, c’est un calvaire.

Chus t’un chanteur. Chus t’un solist’. Chus t’un ténor.

J’en ai plein l’ cas’ d’ jamais d’carrière : toujours su l’ bord.

D’ me fair’ promet’ par mon cher père des ben belles plogues.

Pis d’ yenk sécher su’ in île désert’ de catalogue.

 

THÉRAMÈNE :

Arrêt’ don d’ me niaiser. Tu veux pas êt’ chanteur,

Tu veux virer su l’top une bell’ fille qui t’fais peur.

Ca fa pas des années qu’tu fas d’toi un’ statue :

Tout l’temps y en qu’les push‑ups, pour êt’ parfa tout nu,

Mais qu’tu t’sauv’ d’vant les femmes par peur qu’ton père les veuille

Que tu baises au gymnase avec tes l’veux d’orgueuil

Que d’vant lui, t’applatis, mais que tu vomirais

Plutôt que d’dire “Garnier” même si I t’l’ordonnait

Pour du jour au lend’main t’attend’ à c’qu’on t’croyes tout’

Parce que d’in coup monsieur veut virer bout’ pour bout’.

Tu dors pus d’puis trois mois parc’ qu’l’amour de ta vie

C’est pas tant l’Opéra que la p’tite Aricie.

Pis où c’tu veux aller c’est pas à la Scala,

C’est tout droit’ dans ta chamb’ avec elle dans tes bras.

A’en veut pas d’la Scala, elle, a veut l’émotion.

Pis c’est sûr qu’est trop prime pour les salles en vestons.

Fa qu’fends‑toi pas en huit pis, voulant la séduire,

Fas pas y en qu’tout c’qui faut pour êt’ sûr qu’a va fuir.

 

HIPPOLYTE :

C’est ça qu’tu penses de moi ?

 

THÉRAMÈNE :

Mais y a pas d’ mal à ça.

 

HIPPOLYTE :

Tu m’connais d’puis vingt ans pour qu’on en arrive là ?

Pour toi, j’penses rien qu’au cul ? Pour toi, chus comm’ mon père ?

Pis ça s’pourrait mêm’ pas que j’veuille êt’ jus’ son frère ?

 

THÉRAMÈNE :

J’t’ai pas traité d’cochon, j’t’ai dit qu’t’as envie d’elle.

Y a pas d’péché là‑d’dans : moi aussi, j’la trouv’ belle.

T’as trippé a’c Alcide. Mais ciboire, e’r’gard’‑toi.

Là, c’est pus l’frère que t’aimes. C’est la soeur, que tu voies.

 

HIPPOLYTE :

Heye toi, écoutes‑moi ben. Tu f’ras ben c’que tu peux

Toi, dans ta vie à toi, pour tâcher d’êt’ heureux

Mais ôte tes pieds d’ma vie. Occupe‑toi d’tes oignons.

Pis moi j’me mêl’rai pas d’tes histoires de cochon.

 

THÉRAMÈNE :

Arrête de jouer à ça. Tu vas t’péter la gueule.

Hippolyte écoute‑moi. J’me sac’ que tu m’en veules.

Penses‑tu que je l’sais pas avec qui c’que tu couches ?

Pis quant’ tu parl’ d’amour quel nom t’as à la bouche ?

Hippolyte, er’gard’‑moi. C’est comm’ si j’t’avais fait’.

Ch’pas en train d’rire de toi ou de d’traiter d’tapette.

Chus rien qu’en train d’te dire que t’es plus beau qu’ton corps.

Que j’te r’proch’rai jamais les bras dans ‘esquels tu dors

Parce que chus convaincu que qui qu’ce s’ra qu’t’aim’ras

Tu s’ras l’plus grand cadeau qu’c’te personn’‑là r’cevra.

Je l’sais qu’t’adores Alcide. Et de tout’ ta grandeur.

Mais c’que je sais aussi c’est qu’t’aimes aussi sa sœur.

Tu penses tout l’temps qu’la vie c’est rien qu’une chose à fois.

Tout c’que j’veux qu’tu comprennes c’est qu’c’pas vrai. Pis pourquoi.

Qu’tu peux aimer un gars sans qu’ça veuille e’rien qu’dire

Qu’t’aim’ras jamais une fille parce que ça f’rait qu’tu r’vires.

Si t’as peur d’êt’ niaiseux, t’sais, tu peux m’en parler.

Chus sûr qu’a peut comprend’. C’est pas ben ben sorcier.

Mais j’voudrais tell’ment pas.

 

HIPPOLYTE :

C’ fa cin’ menutes j’ me r’tiens.

Ou ben j’ t’écrase la face. Ou tu disparais. Loin.

 

Exit Théramène.

Entre Aricie.

 

ARICIE :

I parait qu’tu t’en vas ? Pis que c’est pour longtemps.

Qu’est‑cé qui est arrivé ? C’est‑tu les événements ?

 

HIPPOLYTE :

Qui c’est qui t’a dit ça. Encore la vieille, j’ suppose ?

 

ARICIE :

Appelle‑la pas comme ça.

 

HIPPOLYTE :

T’a connais pas, toi, Chose.

 

ARICIE :

A l’a pas ‘té ben fine avec moi, moi non plus.

Mais c’est pas une raison.

 

HIPPOLYTE :

Bon, a‑t’a convaincue ?

 

ARICIE :

Hippolyte, arrêt’ don.

 

HIPPOLYTE :

OK, qu’est‑cé qu’tu m’veux ?

Ca y est, là, là, je m’en va. Vous allez êt’ heureux.

 

ARICIE :

Mais t’es don ben à‑pic. Est‑que que j’ai fait’ de quouê ?

 

HIPPOLYTE :

Toi, t’es ben innocente, le fais‑tu éxiprès ?

 

ARICIE :

J’voulais jus’ dire bonjour. Pis te dire que j’ai hâte

Que tu reviennes nous voir. Pis. Bonne chance au théât’.

 

HIPPOLYTE :

I faut pas dire “bonne chance”, I faut dire “J’ te souhaite merd’”.

Mais c’est pas nécessaire. J’ai pas grand chose à perd’.

 

ARICIE :

J’ sais qu’ pour toi c’ t’important. Ce s’rait l’ fun , si jamais.

 

HIPPOLYTE :

Le bateau va arriver. Mes bagages sont pas prêts.

 

CHŒUR‑DE‑CEUX‑QUI‑SAVENT :

Comme Hippolyte s’élance, espérant êt’ ret’nu,

Aricie se détourne, regrettant d’êt’ venue.

Hippolyte, incapab’ d’trouver d’quoi d’fin à dire,

Cherchant en vain un mot qui pourrait la r’tenir

Préfère suiv’ son mouv’emnt et plutôt qu’perd’ la face

Il sort au grand galop, la laissant seule dans place.

 

Exit Hippolyte.

 

RITA :

Thésée, c’est incroyab’ : I savait pas parler.

I était même pas capab’ de dire c’ qu’y aurait aimé.

Tu peux‑tu te souv’nir à quoi r’semblaient ses yeux

Quant’ y essayait d’te dire qu’y s’sentait malheureux ?

I restait planté là, avec la bouche ouverte

Pis c’était tout son corps qui criait tout’ sa perte.

C’tait comme si l’impuissance à nommer son émoi

Rendait tout’ encore pire, quand y trouvait pas d’voix.

Des bout’ on aurait dit que y allait éclater

Tellement y arrivait pas à seulement murmurer.

Y avait tell’ment d’panique, qu’a suintait par sa peau.

Lui qui était magnifique, en v’nait encore plus beau.

 

(NOUVELLE INTERVENTION DU CHŒUR DE‑CEUX‑QUI‑SAVENT :

“LA MER S’EN FOUT. L’SOLEIL S’EN FOUT. LE VENT S’EN FOUT.”)

 

Entre Ismène.

 

ISMÈNE :

Mais t’as don ben l’air pâle. Qu’est‑cé qui est arrivé ?

 

ARICIE :

Hen ? Ah. Rien. La chaleur. Ton cours a ben été ?

 

ISMÈNE :

Tu s’rais pas mieux d’ t’assoir ? Tu veux‑tu un verre d’eau ?

 

ARICIE :

Non, non. Ca va ‘ller mieux. Une bouffée d’ soprano.

T’as‑tu vu Hippolyte ?

 

ISMÈNE :

I descendait la côte.

 

ARICIE :

Ah ? I t’as‑tu parlé ? I était‑tu a’ec les aut’ ?

 

ISMÈNE :

Nonon, I était tu‑seul. T’es sûre qu’y a rien à faire ?

Mais voyons, qu’est‑cé qu’t’as ? Dis‑moi queuk chose, calvaire.

 

ARICIE :

Laisse faire, ça va aller. Res’ ici, m’a r’venir.

 

ISMÈNE :

Toi, tu sors pas d’ici tant qu’j’aurai pas fait’ dire

Pourquoi tu pleures de même. Qu’est‑ce qu’ tu viens d’apprend’.

C’est encore le bonhomme ? I a‑tu r’fusé d’ te r’prend’ ?

 

ARICIE :

Ben non. Nonon. C’correct. Veux‑tu m’ laisser tranquille ?

 

ISMÈNE :

Pas tant qu’ tu m’diras pas pourquoi s’ tu t’ fais d’la bile.

 

ARICIE :

Ismène. Si j’te l’disais, tu t’mettrais à crier

Pis en plus d’avoir mal, là j’me f’rais engueuler.

Laisse faire, fais‑toi z’en pas. Tout’ va aller parfa.

Sacrez‑moi jus’ la paix, pis ça paraîtra pas.

 

ISMÈNE :

Mais j’t’ai jamais vue d’même.

 

ARICIE :

Pis tu me r’verras pus.

Do’‑moi jus’ cin’ menutes, jus’ le temps d’prend’ le t’sus.

 

Exit Ismène.

Entre ŒNONE.

 

ŒNONE :

Mad’moiselle Aricie, ma’ame Cournoyer s’en vient

A besoin du salon.

 

ARICIE :

………………………………………..J’m’enlève de d’dans son ch’min..

 

Exit Aricie.

 

ŒNONE :

Espèce de p’tite frais‑chiée. J’te dis qu’toi t’as d’la chance

Qu’ ce soye pas moi la boss.

Entre Rita.

Mon doux, à quoi tu penses ?

Voyons, relaxe, un peu. Là, va falloir tu dormes.

Ben oui, ben dis queuk chose. T’as don pas l’air en forme.

 

RITA :

Oenone, rends‑moi service ? Tais‑toi, ce s’rait ben fin.

Vas don prend’ une bonne marche. Pis perds‑toi jusqu’à d’main.

 

ŒNONE :

J’ peux pas t’laisser tu‑seule. Tu veux rien m’ dire pantoute ?

 

RITA :

Non seulement j’veux rien t’dire, mais j’veux même qu’tu t’en foutes.

Er’garde‑moi en pleine face : Là, tu vas d’détourner

Tu vas ‘ller prend’ la porte, et pis tu vas t’calmer.

 

ŒNONE :

Tu passes ben proche trent’ ans à viv’ à côté d’ça.

A la voir se bâtir à seule force de ses bras.

Tu r’gard’ ça travailler et pis monter lent’ment,

Un à un les éch’lons qui mèn’ au firmament.

J’me souviens des matins où t’étais écœurée

Pis qu’ça m’prenait des heures a t’convainc’ de te l’ver.

“Non. En’oye, tiens‑toi d’bout’. Faut contunuer pareil

Mêm’ quant’ ça nous prend tout’ pour affronter l’soleil.”

Pis j’me souviens des soirs où c’est moi qui t’couchait

Parc’ madame s’tait paqu’té, pis qu’c’est moi qu’i torchait.

J’ai passé proche trente ans… Et pis là, tout d’un coup,

Jus’, ben jus’ au moment où on arrive au bout

Là, ça y est, là : tu l’as. Ça y est : t’es t’arrivée.

Ben, non, madame débarque pis nous envoye tout’ chier,

Pis y a même pas moyen, en plus’ d’y fair’ sortir

Qu’est‑cé qu’y est arrivé pour qu’a veuille tant mourir.

Ah, pis vas donc chu l’yab’. Fa don qu’est‑cé qu’tu veux.

Mais si tu veux pas rien qu’ça finisse ent’ nous deux,

Parle‑moi pas su c’ton‑là.

 

RITA :

D’abord, fais c’que j’te dis.

 

ŒNONE :

Pis toi, qu’est‑ce tu vas faire ?

 

RITA :

J’va faire c’que j’ai envie.

J’va soit m’ouvrir les veines soit sauter du balcon.

Asteur crisse‑moi patience pis laisse faire les sermons.

 

Exit ŒNONE.

 

 

SCÈNE QUATRIÈME : MADAME COURNOYER

 

RITA :

“Dieux du Ciel, aidez‑moi. Écrasez‑moi, les murs :

Refermez‑vous sur moi. Et broyez ma blessure.

Laissez‑moi pas aux prises avec le rêve infâme

Qui murmure en d’dans d’moi et s’empare de mon âme.

 

Entre Hippolyte.

 

RITA :

Ou d’abord, arrêtez. Jus’ une petite menute.

Arrêtez de tourner. Comme je tourne dans ma lutte.

Arrêtez de danser. Et d’me montrer sa face.

Et ses mains radieuses dont la vision me glace.

Ah, levez‑vous, oh vents. Emporte moi, oh air.

Soufflez sur ce vieux corps transformé en désert.

Redonnez-moi le souff’ et donnez‑moi les mots

Pour lui, le retenir, m’accrocher à sa peau.

Je veux tous les talents, et les malédictions

Si le souffr’ de l’enfer me donne son affection.

Ecoutez‑moi pâmer, et riez d’mon émoi

Si vos mines amusées peuvent le mener à moi.

Jetez sur nous les foud’ des plus noirs des démons

Si, grâce à eux, nos cris fusent à l’unisson.”

 

RITA

À Thésée

Il était tell’ment pâle. I était tell’ment perdu.

I était encore plus beau qu’je l’avais jamais vu.

Déjà depuis deux s’maines, depuis qu’y t’attendais,

C’en était effrayant, tell’ment y pâlissait.

Mais là, ça s’pouvait pus : Y osait pas me r’garder,

Pis y s’tordait les mains, pis je l’voyais trembler.

 

HIPPOLYTE :

Excusez‑moi, madame. J’voulais pas déranger.

 

RITA :

Tu m’dérange pas, mon beau. J’faisais jus’ te r’garder.

 

HIPPOLYTE :

C’est que. Excusez‑moi. J’pensais qu’êtait ici.

 

RITA :

Comme tu vois, est pas là.

Hippolyte fait mine de sortir.

………………………………………..Tu peux m’parler, moi ‘si.

 

HIPPOLYTE :

Euh. C’est parc’ chus pressé. L’ bateau va arriver.

 

RITA :

Eh ben I t’attendra. Ou I r’viendra t’chercher.

 

HIPPOLYTE :

Nonnon, faut vraiment qu’j’aille. L’avez pas vu passer ?

 

RITA :

Voyons, mais t’es ben pâle. T’as si peur d’la manquer ?

Hippolyte. Bouge pas d’là. Er’garde‑moi ben comme faut.

T’es sûr tu veux partir ? Qu’tu veux l’prend’, ton bateau ?

 

HIPPOLYTE :

Ah, madame Cournoyer, z’allez pas continuer.

I faut que j’trouve papa, l’année va commencer.

 

RITA :

C’est p’t’êt’ pas nécessaire.

 

HIPPOLYTE :

………………………………………..Qu’est‑cé qu’vous voulez dire ?

 

RITA :

Dis‑moi qu’est‑ce t’as compris. T’as l’air d’entend’ pas pire.

 

HIPPOLYTE :

I faut j’ trouve Aricie. J’y avais promis d’ la voir.

 

RITA :

Toi, si tu passes c’te porte‑là, dis bye à tes espoirs.

Est fine, hen, Aricie ? T’as trouves ben à ton goût.

À Thésée :

Ah, si tu l’avais vu. Y t’nait à peine debout.

 

HIPPOLYTE :

Ma’ame Cournoyer, ça fait. D’puis qu’papa est parti

Que vous arrêtez pas avec vos allusions et pis tout’ vos on‑dit.

C’est quoi, là, qu’vous cherchez ? Où c’vous voulez en v’nir ?

Ent’ Aricie pis moi (y a rien)…

 

RITA :

Heureux d’ te l’entend’ dire.

Parce que queuk chose me dit qu’ton père s’rait d’bonne humeur

Si I fallait qu’i r’vienne te trouver dans l’bonheur,

Plongé jusqu’aux oreilles dans queuk histoires bebettes

Entre son cher fiston pis l’aspirant’‑vedette.

Ce s’rait vraiment dommage parce qu’a l’a une belle voix.

Ce s’rait plate en maudit qu’a paye à cause de toi.

Mais y a rien, ent’ vous deux. Pas d’raison d’s’inquiéter.

Pis, au fond, chus ben folle. Vous êtes pus des beubés.

 

THÉSÉE :

Qu’est‑ce t’as fait’ à mon fils ?

 

RITA :

C’ que la vie y aurait fait’.

À part que grâce à moi, on l’ verra jamais lait’.

 

(ŒNONE VIENT APPRENDRE À RITA QUE THÉSÉE S’EN VIENT. RITA LUI DIT DE NE LE RÉPÉTER À PERSONNE.)

 

RITA :

À Hippolyte :

Mettons que j’te dirais que j’sais où c’qui est, ton père ?

Pis comment le r’trouver ? Ça f’rait‑tu ton affaire ?

 

RITA :

Ah non, arrêtez‑moi. Dieux du ciel, faites‑moi taire.

Je l’sais, qu’est‑ce qui s’en vient. Pis ça va êt’ l’Enfer.

 

CHŒUR DE‑CEUX‑QUI‑SAVENT :

Nonon, tu t’tairas pas. Tu vas aller au bout’.

T’avais l’air tell’ment sûre. Arrête‑toi pas en route.

Toi, t’es tell’ment au‑d’sus, pour toi tout’ est si clair

On est pas pour t’aider, là, de quoi t’aurais l’air ?

 

CORYPHÉE :

Rita r’garde Hippolyte. Et fait deux pas vers lui.

 

CHŒUR‑DE‑CEUX‑QUI‑SAVENT :

Hippolyte étend l’bras, cherche d’la main un appui.

 

HIPPOLYTE :

Ah, oui ? Ben voyons don. Comment vous savez ça ?

Ça fa trois mois qu’on cherche, pourquoi vous l’ disiez pas.

 

RITA :

T’es‑tu sûr qu’tu veux l’voir. Ou pas plutôt t’sauver ?

 

HIPPOLYTE :

Pourquoi que j’me sauv’rais ? J’sais pas d’quoi vous parlez.

 

RITA :

Ah, non ? Vraiment ? T’es sûr ? Comme ça tu veux chanter ?

Là, c’est coulé dans l’bronze ? Tu chang’ras pus d’idée ?

 

HIPPOLYTE :

Ça fa plus’ que dix ans que c’est tout’ décidé.

 

RITA :

Mais ça fait plus’ que ça qu’tu t’prépares un body.

C’est drôle qu’après tant d’temps, d’un coup t’faut tout’ tu‑suite.

 

HIPPOLYTE :

C’est rien qu’de mes oignons si chus pas un gars vite.

J’vois pas c’qui a d’étonnant a avoir pris mon temps

Mais d’un coup d’me rend’ compte que là c’est l’bon moment.

Ah, pis de toute façon, j’ai pas à m’expliquer.

 

Entre Alcide.

 

ALCIDE :

Hippolyte, téléphone. Le bateau est r’tardé.

 

Exit Hippolyte.

 

RITA :

Alcide, rest’ une menute. J’veux te d’mander queuk chose.

 

ALCIDE :

Oui, madame Cournoyer ?

 

RITA :

Heureux d’partir, j’suppose ?

 

ALCIDE :

C’ ben certain qu’ chus content qu’Hippolyte m’aye d’mandé.

Ça fa un bon bout d’temps que j’rêve de voyager.

I dit qu’si y est chanceux, pis qu’y s’ trouve des contrats,

I va m’passer des sous pour l’entrainement là‑bas.

 

RITA :

Ah ? C’est la seule raison ? Autrement, tu res’t’rais ?

 

ALCIDE :

Qu’est‑cé qu’vous voulez dire ?

 

RITA :

Non, c’est drôle, me semblait.

Qu’est‑cé qu’tu penses d’Ismène ? Est‑ce que tu la trouves belle ?

 

ALCIDE :

Ah oui, c’est ben certain.

 

RITA :

Mais tu t’approches pas d’elle ?

 

ALCIDE :

Qu’est‑cé qu’vous voulez dire ?

 

RITA :

En deux mots, que disons,

Chus sûre qu’ tu l’aim’rais mieux si êtait un garçon ?

 

ALCIDE :

Hen ? Qu’est‑cé vous dites là ? Voyons don, chus pas d’ même.

 

RITA :

Ça, chus pas convaincue. Mais c’qui est sûr c’est qu’t’es blême.

C’t’un beau gars, Hippolyte. Y est p’t’êt’ plus’ à ton goût ?

Tu trouv’rais pas qu’ta sœur est trop souvent dans l’bout ?

Qu’a y tourne trop autour. Pis qu’a va p’t’êt’ l’avoir.

Pis qu’ça doit’t’ mieux d’partir avant qu’a l’aye, un soir ?

 

ALCIDE :

Ehe ! Si ma sœur Aricie, c’est moi qui y a parlé

De l’école qui y a ici pis qu’y a dit d’ s’essayer

C’est pas parc’ j’ai peur d’elle, ni parc’ j’aime mieux les gars.

Et pis qu’est‑ce j’pense d’Ismène, ça vous r’garde e’rien qu’ pas.

Hippolyte t’un ami. Y a rien d’aut’ ent’ nous deux.

C’ que vous essayez d’ dire moi j’ trouve ça monstrueux.

 

RITA :

Peut‑êt’, mais pas autant que son père trouv’rait ça

Si jamais y apprenait c’qui s’passe a’c son ti‑gars.

J’va t’donner un conseil. Ou ben tu prends l’bateau

Et pis tu disparais, tu pars sans dire un mot

Et pis t’amène la gang, allez où c’vous voulez

Prends donc des grands vacances, chus même prêt’ à payer,

Ou ben j’fais un scandale. Et pis t’auras ruiné

L’av’nir de ton chéri, sans plus’ t’êt’ avancé.

Qu’est‑cé qu’ tu penses de t’ ça ? J’ veux une réponse maint’nant.

Ou tu prends l’ti bateau et pis tu sac’ ton camps

Je te laisse dix menutes. Ou ben tu gagnes du temps

Et pis au bout du compte avec tout’ les journaux

Et pis tout’ les rumeurs qu’tu vas avoir su l’dos

Tu gâches la vie d’ton chum et pis tu gâches la tienne

Parce que tu sais comm’ moi c’qui arrive quand y z’aprrennent,

Dans les cercles sportifs, qu’le champion des poids‑mouche

Est autant la champion quand y arrive dans les douches.

 

ALCIDE :

J’ peux‑tu y dire au r’voir ?

 

RITA :

Tu le revois même pas.

Tu vas faire tes valises. Pis après tu t’en vas.

 

ALCIDE :

Qu’est‑cé que j’ dis aux aut’ ? Pourquoi qu’on part si vite ?

 

RITA :

Sers‑toi d’ta tête un peu. C’est ta vie qui en profite.

 

Exit Alcide.

 

RITA :

À Thésée :

J’pensais m’ mett’ à pleurer. J’ai même failli l’ rapp’ler.

Et pis, pendant des heures, le forcer à m’conter

Avec tout’ les détails, l’bonheur qui avait connu

Dans les bras de mon dieu à jamais hors de vue.

Jus’ pendant qu’I était là, à pas savoir mentir

J’aurais voulu savoir le moind’ de ses souv’nirs.

J’aurais pu y voler, j’aurais pu les faire miens.

Ses soupirs dans la nuit, la chaleur de ses mains.

J’me s’rais vue à sa place et s’aurait été moi

Qu’il aurait caressée et tenue dans ses bras.

Est‑ce qu’il pleure en jouissant ou si I éclate de rire ?

I vient‑tu les yeux croches. Ah, j’y aurais tout’ fait dire.

Mais j’avais pas la force. Pis fallait s’dépêcher.

Je savais comme déjà, qu’j’allais pas arrêter.

Je savais comme déjà vers quoi je m’en allais

Mais j’y allais sans plaisir, et je m’en ahissait.

 

(CEUX‑QUI‑SAVENT : LENT’MENT, LE JOUR DESCEND. LE SOLEIL VA S’COUCHER. PIS D’MAIN, VA SE R’LEVER.)

 

Entre Aricie.

 

ARICIE :

Oh. Excusez, madame.

 

RITA :

………………………………………..Non, non. Reste, Aricie.

J’allais aller t’ chercher. Comme ça, t’aimes ça, ici ?

 

ARICIE :

Oui, madame Cournoyer. J’trouve que j’apprends beaucoup.

 

RITA :

Tu trouves pas ça trop dur, d’êt’ aussi loin d’chez vous ?

 

ARICIE :

Ah non, ça vaut la peine.

 

RITA :

Ton chum doit s’ennuyer ?

 

ARICIE :

Chus pas forte su les gars. J’ai choisi d’travailler

J’aime trop l’ métier que j’ fais pour penser courailler.

 

RITA :

Peut‑êt’ qu’là t’es tu‑seule, mais t’espères pas l’rester ?

 

ARICIE :

C’est sûr que si un jour I s’présentait queuqu’un.

 

RITA :

C’ben sûr qu’c’est pas ici qu’tu vas croiser l’beau‑brun.

Encore que. Dans la gang. T’es aime‑tu ben ben faite ?

Ca t’donne pas des idées tous ces beaux corps d’athlètes ?

Hippolyte est pas pire.

 

ARICIE :

………………………………………..J’ va êt’ en r’tard à chorale.

 

RITA :

Voyons, pars pas si vite. J’ai dit queuk chose de mal ?

Je l’sais que tu l’trouves beau, qu’tu veux mett’ la main d’sus.

J’voulais jus’ te prév’nir que c’est du temps perdu.

C’est un enfant unique, son père a ben d’l’argent

C’est un ben beau parti : utile et d’agrément.

 

ARICIE :

J’sais pas d’quoi vous parler. Où vous voulez en v’nir ?

 

RITA :

Mais si tu comprends pas chère, c’est simp’ : m’a te l’dire.

J’te dis qu’est t’intrigante, qu’t’es t’une p’tite arrivis’

Pis que j’te laiss’rai pas mett’ la main su mon fils.

 

ARICIE :

Vous dites n’importe quoi. Vous vous contez des peurs.

 

RITA :

Ah oui ? Ben écoute ben, voir si chus tant dans l’ beurre.

Son père est disparu, c’est pas la première fois.

Mais d’une menute à l’aut’I peut êt’ là comme moi.

T’ sais, je l’ sais. Je l’ connais. Chus t’a’c lui d’puis cinq ans.

Et pis je sais aussi comment c’qui est, en r’venant.

I a été su’a brosse pis y a lâché son fou

Tout d’un coup I rétontit pis rien est à son goût.

I s’sent un peu coupab’ d’avoir perdu son temps

Ca fa que là, I s’venge, pis qu’y est jamais content.

I va s’met’ à crier, trouver qu’tout’ est tout croche

Vouloir runner partout, pis à grands coups d’taloches.

Je peux te garantir que si y a une affaire

Qui aura pas l’goût d’entend’ c’est que c’est pas lui, l’père.

Que son fils adoré, dont I s’sac’ l’res’ du temps,

Essaye de y t’nir tête, ou de rien qu’faire semblamt.

Pis m’a t’dire un’ aut’ chose : pour le mett’ en calvaire

Y aurait rien comme son fils pis une chanteuse populaire.

T’es‑tu déjà d’mandé pourquoi qu’I a c’t’école‑là ?

Et pis qui dépense tant su ses cours d’opéra ?

Parce qu’y a rien qu’i ahit plus que la culture vulgaire

Pis qu’I a toujours trouvé que cont’ elle c’tait SA guerre.

Ecout’ ben c’que j’va t’dire. Le monde qui viennent ici

Même le top des meilleurs, qui remportent tout’ les prix,

Auront pas pour autant plus’ de grâce à ses yeux.

I ont viré d’bord une fois. Alors pourquoi pas deux ?

“Faut jamais faire confiance a c’qui est sorti d’la boue.”

C’est pas moi qui l’invente, c’est ce que lui dit d’vous.

Fa qu’imagine‑toi pas parce que t’es la meileure

Qu’là Hippolyte pis toi c’t’en route pour le bonheur.

Avant qu’I t’laisse l’avoir ou seulement qu’I toucher

I va t’sacrer à porte pis le déshériter.

C’est jus’ ça qu’voulais t’dire : tu f’ras qu’est‑cé qu’tu veux

Mais oublie pas jamais combien que y a d’envieux.

I suffit d’une personne qui va s’ouvrir la trappe

Parce qu’est jalouse de toi, mais que revienne le pape

Pour que toi, c’est la porte. Pis Hippolyte aussi.

Fa qu’si vraiment tu l’aimes, moi j’te dis repenses‑y.

Y a des goûts pas mal chers. Pis toi, t’as pas une cenne.

M’a t’dire qu’sans héritage, y s’rait pas mal en peine.

I a jamais travailler, I est bon à l’ver des poids

Mais ça paye pas l’loyer quand vient la fin du mois.

Pis surtout, conte‑toi pas qui puisse encore chanter

Quand I s’ra pus le fils de la grand’ basse Thésée.

Penses‑y ben comme y faut. C’est pas rien qu’ton av’nir.

C’est aussi celui d’l’homme que tu vas faire souffrir.

I a grandi dans la ouate, et pis sur‑protégé

Fa qu’laisse faire les balounes dans l’genre I peut changer.

J’te suggère d’prend’ un temps où tu I parl’ras pas.

Pour jus’ pas prend’ le risqu’ d’y créer d’l’embarras.

Penses‑y ben comme y faut. Pense à haine pis à honte.

Et pis dans deux trois jours tu pourras mieux t’rend’ compte.

 

Entre Hippolyte.

 

HIPPOLYTE :

Essoufflé, à Aricie :

Ah, t’es là ? J’te cherchais.

 

Temps.

Exit Aricie.

 

HIPPOLYTE :

Aricie. J’veux t’parler.

 

RITA :

Les filles aiment jamais ça quand on les voit pleurer.

 

HIPPOLYTE :

Mais voyons, qu’est‑ce qu’a l’a ?

 

RITA :

Un coup d’fil de son chum.

J’pense qu’est ben en maudit cont’ tout c’qui a l’air d’un homme.

 

HIPPOLYTE :

J’voulais y proposer de partir avec moi.

J’savais pas, pour le chum. Ça fa longtemps qu’a l’ voit ?

 

RITA :

Je l’sais pas, mon pauv’ p’tit. A voulait jus’ parler.

Des fois ben ben mal pris, on souvient des ainés.

Fais‑toi z’en pas a’c ça. Y a Alcide qui t’cherchait.

Y avait l’air en maudit. J’sais pas trop qu’est‑ce qu’y avait.

 

HIPPOLYTE :

Ah bon ? Ben j’va y aller. A vous aurait pas dit ?

 

RITA :

Nonon, laisses‑y don l’temps de r’trouver ses esprits.

Chus sûre que dans queuk z’heures a va se r’sentir mieux.

A va se r’placer vite, c’est pas ben ben sérieux.

Exit Hippolyte.

Cherche, mon bel amour. Cherche.

À Thésée :

T’as toujours prétendu

Que la culture d’ici était pour les tout‑nus.

Qu’si I fallait chanter, alors en italien.

Mais dans not’ propre langue ? Non : c’était bon à rien.

Fallait tout’ importer, les plus grandes passions,

Même le sens de nos rêves, et même leur expression.

T’as passé tout’ ta vie à t’adresser aux gens

Dans une aut’ langue qu’la tienne et même en exigeant

Que tout’ se sente de loin, et ben t’as réussi.

Regarde : ton propre fils savait pas dire sa vie.

Et a même jamais pu, quand y a frappé un mur

Trouver une seule personne à qui dire qu’c’était dur.

Y aurait pu l’dire en russe, en anglais, en français,

Mais toujours l’émotion, c’tait ailleurs qu’ça s’passait.

Regarde le résultat. Et juge de ton jug’ment.

Dans culture qu’tu voudras. Tu s’ras toujours perdant.

Fais‑en des trémolos, pis enterre‑toi dans ‘es fleurs

Pis braille en espagnol quant’ tu frappes un malheur.

C’est vrai qu’c’est une belle langue. J’ai aimé la chanter.

Mais jamais jusqu’au point d’me faire me renier.

Je peux lire dans tes yeux que tu trouves que j’radote

Que ça fait des années qu’on parle pus de la sorte.

Eh ben non, cher, ben non. C’pas parce qu’I était plus riche

Que t’étais à son âge qu’ton fils ‘tait moins en friche.

Les affaires pas réglées s’mettent pas dans un tiroir.

Où se s’rait si facile de prétend’ pus les voir.

Quant’ t’ouv’ ton garde‑robe c’est sûr qui est ben plus’ plein

Qu’dans l’temps qu’tu savais pas si tu mang’rais demain.

R’garde‑les, tes beaux habits, pis shine‑les tes beaux chars

Mais m’ semb’ qu’ ç’tait pas pour ça, dans l’ temps, qu’ tu parlais d’art.

 

THÉSÉE :

J’ai pas trahi. Tais‑toi. Moi, j’ai fait’ rien qu’vieillir

I vient toujours un âge où on s’sent ramollir.

J’vois pas pour quelle raison j’ prétendrais pas changer

Alors qu’tu sais comme moi qu’les années ont passé.

Tout c’qu’on faisait dans l’temps c’est sûr qu’on y croyait

Mais on a jamais dit qu’on chang’rait pas jamais.

 

RITA :

Non, tu l’as jamais dit. Ben non, mon cher, ben non.

Pis c’est en plein pour ça. Que j’ai tué ton garçon.

Pour qu’y aye jamais à dire qu’y avait jamais rien dit.

Et que les rêves sont pas pour l’humain qui vieillit.

 

THÉSÉE :

T’as tué mon garçon pour te venger d’la vie ?

 

RITA :

Non, j’ai tué un humain pour le sauver d’ l’ennui.

Quand j’te dis mon bonheur à voir tes yeux souffrir

C’est pas pour une vengeance que j’ pens’rais obtenir

C’est seul’ment parc’ qu’la vie ne nous appartient pas

Qu’y faut faire son destin, pis qu’j’l’ai pensé tout bas

Pendant les longues années où l’fait’ qu’on ‘taient amis

M’faisait croire, par respect, que rien devait êt’ dit.

 

CHŒUR‑DE‑CEUX‑QUI‑SAVENT :

Tabarnak de niaiseuse qui s’prend pour un esprit.

 

CORYPHÉE II :

Le bonheur d’la réponse à ceux qui nous font mal

Est le plus grand bonheur, y as pas rien qui l’égale.

Oui, j’veux r’mett’ coup‑pour‑coup et pis faire en baver.

 

(APOLOGIE DU RESSENTIMENT)

 

 

SCÈNE CINQUIÈME : LA PREMIÈRE FIN

(RITA CONTE À THÉSÉE QU’ELLE A CONVAINCU HIPPOLYTE DE PARTIR. QU’ELLE LUI A DONNE DE L’ARGENT. ELLE LUI MONTRE LE BATEAU QUI EMMÈNE HIPPOLYTE, ALCIDE ET ARICIE.)

 

RITA :

À Thésée :

T’as fini par rev’nir. Mais trop tard. Ben trop tard.

Pis rien qu’à temps, Thésée, pour ma si p’tite victoire.

Si tu savais l’ bonheur de mourir assouvie

En laissant derrière soi rien qu’UN ges’ accompli.

J’ai passé cinquante ans à parcourir mes jours

En attendant l’action qui m’ lierait pour toujours.

J’ai pas ‘rrêté d’ rêver à mourir dans un lit,

En voyant le mond’ fond’, dans les bras d’un ami,

Je meurs seule, bien trop vite, sans un’ main à tenir

Avec seul’ment dans ‘es yeux une esquisse d’avenir

Pour le tout p’tit espoir d’avoir un peu aidé

Un Hippolyte heureux pendant que j’ pourrirai.

 

(LE CHŒUR DÉCRIT THÉSÉE, FURIEUX, QUI SORT. CORYPHÉE II ET LE CHŒUR DE‑CEUX‑QUI‑SAVENT INJURIENT RITA. ET SORTENT.)

 

 

SCÈNE SIXIÈME : LA DEUXIÈME FIN

 

(RITA : “C’EST VRAI. ILS ONT RAISON. I FAUT QU’J’AILLE JUSQU’AU BOUT.” ELLE RAPPELLE CORYPHÉE II ET CHŒUR DE‑CEUX‑QUI‑SAVENT.

THÉSÉE RÉAPPARAIT.)

 

RITA :

Où c’est qu’ j’étais rendue ?

Un coup d’ fil de son chum.

J’ pense qu’est ben en maudit cont’ tout c’ qui a l’air d’un homme.

 

HIPPOLYTE :

J’ voulais y proposer de partir avec moi.

J’ savais pas, pour le chum. Ça fa longtemps qu’a l’voit ?

 

RITA :

Je l’sais pas, mon pauv’ p’tit. A voulait jus’ parler.

Des fois ben ben mal pris, on souvient des aînés.

Fais‑toi z’en pas a’c ça. Y a Alcide qui t’ cherchait.

Y avait l’air en maudit. J’ sais pas trop qu’est‑ce qu’y avait.

 

HIPPOLYTE :

Ah bon ? Ben j’ va y aller. A vous aurait pas dit ?

 

RITA :

Nonon, laisses‑y don l’temps de r’trouver ses esprits.

Chus sûre que dans queuk z’heures a va se r’sentir mieux.

A va se r’placer vite, c’est pas ben ben sérieux.

J’me suis approchée d’lui. I était désemparé.

Je l’ai pris dans mes bras et j’l’ai déshabillé.

Là, sur ce même divan, j’l’ai long’ment caressé

En murmurant douc’ment les pires obscénités.

J’lui ai parlé douc’ment d’la solitude maudite

Tout en lui apprenant qu’son amant t’tait en fuite.

Et pis je l’ai am’né jusqu’au bord d’la jouissance

En parlant d’Aricie amoureus’ d’ses finances.

J’ai joué de son corps et joué d’sa douleur

Jusqu’à ce qu’I sache plus se cont’nir de douceur.

J’ai étiré le temps et l’ai t’nu prisonnier

Du moind’ de mes mouv’ments, et d’mes mots susurrés.

Ah, t’aurais dû le voir, se tordre et s’déformer

Et quéter en pleurant de ne pas m’arrêter.

Ca a duré cinq heures du plus pur des délices

Et j’me suis découvertes des fortunes de vices.

Et puis d’un coup, très vite, je l’ai fait basculer

Pis j’l’ai r’garder rev’nir comme un halluciné.

La bouche lui battait l’air et ses regards fuyaient

Et je l’voyait chercher à comprendre où y était.

Y a finit par se l’ver pis par se rhabiller.

Et j’l’ai r’gardé partir comme un monde effondré.

J’me sus assise sag’ment, en attendant qu’on vienne

M’apprendre la nouvelle. Son odeur sur la mienne.

D’abord ŒNONE est v’nue m’dire qu’Alcide était mort

En tombant du bateau, ent’ la quille et le bord.

Qu’Hippolyte l’avait vu, et lui avait parlé

Puis aussitôt l’aut’ mort, s’en était éloigné.

A m’a tout’ conté ça en r’gardant par la f’nêt’

Sûr’ment s’imaginant combien troublée j’d’vais êt’.

Mais quand a s’est r’tourné, peut‑êt’ pour m’consoler

A m’a jus’ vue sourire et pis a s’est sauvée.

 

(UN BOUT POUR ŒNONE ? : “LA MAUDITE, A M’A PAS LAISSER FAIRE MON BOUT’.”)

 

RITA :

Au bout de queuk menutes, ça été l’ deuxième tour.

 

(THÉRAMÈNE : RÉCIT DE LA MORT D’ALCIDE, DU SUICIDE D’HYPPOLITE, DE L’ARRIVÉE D’ARICIE. NOUVELLE QUE LE BATEAU A ÉTÉ RETARDÉ PARCE QUE THÉSÉE ARRIVE MAIS QUE THÉRAMÈNE N’AURA PAS LE COURAGE DE LUI CONTER TOUT CA)

 

RITA :

Thésée. T’es r’venu. Mais trop tard. Ben trop tard.

Pis rien qu’à temps, mon pit, pour la mort d’ton bâtard.

Si tu savais l’bonheur de mourir accomplie

En laissant derrière soi la vengeance assouvie.

J’ai passé cinquante ans à parcourir mes jours

En attendant le geste qui m’lierait pour toujours.

J’ai passé cinquante ans à chercher une horreur

Qui rappellerait au monde que j’ai connue mon heure

Et tu peux pas savoir toute l’extase qu’il y a

À mourir haïe d’toi et pourtant dans tes bras.

Jamais, jamais la vie n’a sue s’faire aimer d’moi

Mais au moins j’aurai su tout’ la haine de soi.

Je l’ai sue et goûtée. Et je l’ai savourée.

Et je meurs contentée d’la savoir engraissée.

La vie est une putain que l’on doit mettre au pas

Et je meurs transportée d’l’arracher à tes bras.

J’expire, Thésée, je meurs, je rends l’âme sous tes yeux

Comme je la vomirais, de te savoir heureux.

 

(RITA : “LA VÉRITAB’ TRAGÉDIE, C’EST QU’ PERSONNE A RIEN DIT. Y ONT TOUT’ PRIS POUR DU CASH.”

THÉSÉE SORT EN INVOQUANT LA DAMNATION POUR RITA.)

 

RITA :

Oui, c’est vrai, t’as raison : c’est tell’ment plus tentant

De s’trouver des excuses pour êt’ en sacrament.

Pus raisons d’écouter ou d’penser à quoi dire

T’as pus rien qu’à foncer, à hurler, à maudire,

A beugler des bêtises à la planète entière

En la t’nant responsab’ pour toutes tes misères.

C’est pas ben, ben sorcier. Et pis t’es pas l’premier.

 

CORYPHÉE II :

C’est ça : rêv’ à changer tout’ l’horreur qui a dans l’monde

En t’contant des balounes de tit‑culs pis d’ leux blondes.

 

CHŒUR DE‑CEUX‑QUI‑SAVENT :

I faut pas s’en mêler, quand on a pas les reins

I faut rester tranquille et pis toucher à rien.

Qu’est‑cé qu’ça t’a donné, de fair’ la folle de même ?

Qu’est‑ce tu pens’ t’a changé ? Pens’‑tu mourir moins blême ?

 

CORYPHÉE II :

Qu’est‑cé qu’t’as tant aidé ? Hen ? Qu’est‑ce tu penses que t’as fait’ ?

Thésée ? Y a rien compris. La vois‑tu, ta défaite ?

 

ŒNONE :

Mon doux, ça fa deux heures qu’I a pas ‘rrêté d’hurler.

Mais app’lez un docteur. Faut queuk’un pour l’aider.

 

CORYPHÉE II :

C’est ça : la prochaine fois, quand tu voudras kicker

Pens’ à qui tu t’adresses un peu, avant d’sauter.

 

CHŒUR DE‑CEUX‑QUI‑SAVENT :

J’sais ben qu’c’est effrayant. M’a l’a couru après.

Ca sert à rien d’brailler, quand on a fait’ éx’près.

 

 

SCÈNE SEPTIÈME : LA MORT DE RITA

 

RITA :

Ça p’t’êt’ servi à rien. Mais j’ai aucun regret.

J’veux pas changer la vie. J’veux jus’ mourir en paix.

J’ai passé cinquante ans à seul’ment avoir peur

De pas avoir tout’ fait’ avant que vienne mon heure.

C’est pas grave. C’est rien qu’moi. Au moins j’ai essayé.

Et pis peut‑êt’ qu’un jour ç’aura un peu aidé.

Moi qui a toujours rêvé de mourir dans un lit,

En voyant le mond’ fond’, dans les bras d’un ami,

Je meurs seule, bien trop vite, sans un’ main à tenir

Avec seul’ment dans ‘es yeux une esquisse de l’av’nir

Que s’rait le p’tit espoir d’avoir un peu aidé

Un Hippolyte heureux si y avait pu oser.

Le plateau s’éteind.

 

 

SCÈNE HUITIÈME : ÉPILOGUE

 

Salle et plateau s’allument.

 

LE CHŒUR :

Mesdames et messieurs, vous avez assisté

 

CORYPHÉE II :

“A un’ pièc’ en un acte et vers de douze pieds

Qui, par un’ nuit d’hiver et de lecture, naquit.

Un hiver pour les corps, mais surtout les esprits,

Qui n’étaient si heureux qu’après avoir bien ri.”

 

LE CHOEUR :

De tout temps on a su que contre le poison

De l’âme des humains, qui s’appelle componction,

Existait le remède d’un’ bonn’ pinte de bon rire.

Mais c’est un’ autre chose, qui peut fair’ craind’ le pire,

Sous prétex’ de santé et de n’pas s’alourdir

De tout réduire à rien, et ne jamais que fuir.

Nous vivons une époque où les princes se terrent,

Où les seuls que l’on voit ont mine de misère.

A force de voir partout les bouffons gouverner

Il devient très tentant d’finir par écouter

Et de croire leux discours dénigrant le pouvoir.

Que lui veulent‑ils donc tant, s’il est si dérisoire ?

A force de rogner sur le sens de nos mots

Ils pourraient nous faire croire que tout homme est un sot

Que l’on doit surveiller de craint’ qu’il ne s’égare

Hors des sentiers battus qui nous servent de phares

Et hors desquels dit‑on rien n’existerait plus

De ce qui nous rassure sur nos grandes vertus.

Pourtant nous savons tous que, bordant les sentiers,

S’étendent de riches terres où l’on peut habiter

Sans pour autant se perd’ sans espoir de retour

Vers ce qu’on pourrait croire êt’ seul sens pour nos jours.

Et quand bien même c’la s’rait : que l’on s’égare “ailleurs”

Qu’il ne s’y puisse rien que de viv’ dans la peur

Tant il s’rait effrayant pour des êtres sociaux

De n’plus pouvoir compter avec des commensaux

La peur qu’les solidaires, qui préfèrent les routes,

Cultivent dans leurs jours en écartant le doute

Ne peut‑elle mener à aut’ chose qu’un refus

Lorsqu’ils croisent un semblabl’ effeuillant l’absolu ?

Et ne gagnons‑nous pas, tous autant que nous sommes

Aux recherches de ceux qui vivent loin des hommes ?

Nous pouvons nous convainc’ d’la valeur des anciens

Quand, après bien des siècles, leur valeur nous atteint

Mais n’nous servons pas d’eux et de leurs durs combats

Pour rej’ter aujourd’hui ceux qui suivent leurs pas.

 

LE CORYPHÉE :

Il est bien merveilleux qu’on puiss’ s’approprier

Les victoires des anciens, qui sont notre passé.

Mais il serait trop simp’ de n’s’appropier qu’elles

Sans avoir à revivre ce qui les rendit belles.

Comme on ne peut comprend’ la douleur d’un êt’ cher

Qu’en ayant ressenti ce que ressent sa chair,

La douleur des anciens et c’qui les fit écrire

Ne nous est abordab’ qu’en nous laissant meurtrir

Par c’qui les habitait et déchirait leur âme

Au temps où la lumière était tirée des flammes.

 

LE CHŒUR :

Attardons‑nous parfois à nous représenter.

Même la plus noir’ des âmes vaut d’être dessinée.

Au cœur des époques folles, et aux milles apprêts

Aux villes et villag’ au rir’ gras ou niais

Ca ne s’ra pas jamais par pur’ débilité

Qu’on demand’ra sans trêv’ à pouvoir rigoler,

Et toujours le dicton voudra que les malheurs

Puissent être oubliés sous les rires en pleurs.

Mais seul’ment souv’nons‑nous que ce proverbe‑là

Fera souvent l’affair’ de quelques fac’‑de‑rats

Se r’trouvant grâce à lui, sans avoir à penser,

Bien en place, toujours, pour sans peine régner.

Répétons que les mots, qui semb’ parfois, mais oui,

Etre bien imparfaits demeurent des outils

Pour reconnaitre l’autre et connaitre le monde

Et parfois sa douleur, qui hélas trop abonde.

 

LE CORYPHÉE :

Nous n’avons aucun droit à aucune mémoire

Si nous n’avons l’courage de nous pencher et d’voir

Ce qui, sous nos succès vient des combats passés

Et du courage de ceux qui ont osé affronter.

La souffrance des peuples, comme celle des poètes

Celle de tout un chacun, quoi qu’ce soit qu’il ait fait’,

Mérite sûr’ment mieux, si on veut la conter

Que de jus’ la réduire à queuk vers bien rimés

En s’servant des ancêt’ pour justifier qu’ maint’nant

On n’aye plus le courage de mourir en s’ battant.

 

RITA :

Je meurs seule, bien trop vite, sans un’ main à tenir

Avec seul’ment dans ‘es yeux une esquisse de l’av’nir

Que s’rait le p’tit espoir d’avoir un peu aidé

Un Hippolyte heureux si y avait pu oser.

 

LE CORYPHÉE :

On n’a pas aucun droit à parler d’ tragédie

Tant que l’on n’est pas prêt à y mettre le prix.

 

NOIR
ETC…

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