Lors de la première séance du Labo, le 27 février 2019, à la lecture de la Lettre inaugurale du cours, un étudiant questionne: “Et Œdipe ?” Sous entendu : “Est-ce un drame ? Une tragédie ?”
Je réponds au cours suivant.
Séance 2 – 4 mars 2019
Brève réponse à Marc-Antoine à propos de ma définition de la tragédie (« Et Œdipe, lui ? ») :
Tout le début d’Œdipe n’est en effet pas une tragédie au sens où j’en parle ici. Mais sa réaction à la mort de son père, elle, est tragique. Parce qu’à ce moment-ci, contrairement à ceux qui ont précédé, Œdipe sait. Et il assume. Son geste est délibéré. Et en est un de révolte – contre lui-même, soit, mais délibéré.
Comprenez bien que la tragédie comme je l’aborde ici n’est pas un genre – ni un statut – mais un thème.
Au cœur du thème dramatique : les circonstances.
Au cœur du thème tragique : l’assumation et donc la conscience – qui mène au passage à l’acte – et donne son sens à ce passage.
*
La définition courante, populaire, de la tragédie ressemble peu ou prou à :
« Affrontement, accompagné de conflits intérieurs, entre personnages de rang élevé, et résultant dans la mort d’un ou de plusieurs protagonistes. »
« De rang élevé » est ici un mot-clé.
Mais c’est une définition essentiellement incomplète à mon sens. Parce qu’en plus de mettre la hiérarchie sociale en tête de liste des déterminants, elle évacue totalement la notion d’assumation (ou en réduit grandement la portée en en faisant une équation à résoudre (un « conflit intérieur ») – alors que l’équation tragique comme je l’entends n’est pas résolvable).
*
Il y a dans la définition courante de la tragédie des traces nettement identifiables de morale bourgeoise 19e en ce qu’elle prétend que : la conscience n’a rien, ou très peu, à voir dans le portrait, ce qui importe c’est le rang social.
Quand ça se passe en haut c’est de la tragédie, quand ça se passe en bas c’est du drame. Upstairs / Downstairs. Tamino / Papageno comme bien des gens les comprennent.
Et puis il y a du sang. Quand il coule en haut, « C’est tragique ». Quand il coule en bas, « C’est la vie et c’est tout. Ils n’avaient qu’à travailler aussi fort que nous. »
*
Je ne vous demande pas d’adopter ma définition – qui est une d’auteur plutôt que de lecteur ou de spectateur. Ce que je vous demande, c’est de tenter de la saisir dans le cadre de notre travail – parce qu’elle est celle de l’auteur du texte sur lequel nous avons à travailler.
Écrire une tragédie au sens habituel constitue essentiellement un exercice de style – et me laisse passablement indifférent.
La tragédie n’est « tentante » pour l’auteur que je suis que dans la mesure où elle permet de plonger dans les abîmes – ténébreux ou lumineux – de la conscience et de ce qui la nourrit et l’anime.
***
Note :
Histoire de vous situer un peu, j’entends donc essentiellement par Tragédie : Prométhée / Antigone / Phèdre / Bérénice / même Macbeth par moments.