Un matin… (5/X)

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Le moyen d’harnacher ses ardeurs démonstratives et, partant, d’éviter de se retrouver au magasin sur une orbite professionnelle beaucoup trop haute pour convenir à ses plans lui vint spontanément en cherchant la réponse à une tout autre question. Et elle lui vint tôt un matin… en rêve.

Il était toujours emmitouflé dans ses couvertures mais se savait en cours d’émersion. D’ici une demi-heure au plus (en temps onirique, bien entendu), il serait assis au bord de son lit dans son joli pyjama bleu royal à pois jaunes, à fixer sans les reconnaitre encore ses pantoufles à poil long attendant, telles un couple de chiots amoureux, la première caresse matinale, côte à côte, bien sagement, juste par-delà la carpette.

Dans son rêve, donc, il s’entendait confier à un ami qu’il allait ce matin se retrouver devant un terrible problème à résoudre. Il avait fait cette nuit un rêve savoureux dont il souhaitait vivement que l’arôme le hante le plus longtemps possible, mais comment diable pouvait-on « étirer » le parfum d’un songe tout en discutant poufs, grille-pains et tables de chevet ?

Le copain le dévisagea un instant avec un air de diablotin. Leva ensuite solennellement un doigt et un seul en direction du plafond, l’air de réclamer toute l’attention de Jean-Sébastien. Et, lorsqu’il fut certain de l’avoir, murmura du bout des lèvres en mimant à tout petits gestes un joueur de batterie de jazz :

– Popopoum poum – tiiich ! (Temps levé) Tiiiich-pom po-po-poum !

La suggestion était tellement lumineuse et si génialement adaptée aux circonstances que Jean-Sébastien, après être resté un très bref instant pétrifié de stupeur, marqua son accord et son respect pour le copain en lui martelant le sternum du bout de l’index, en soufflant à voix basse…

– Ta-tiiiich ta-tiiiish ta-tiiiish ta-tiiiish ta-tiiiish ! Pa-taaaaw !

… et qu’ils se tombèrent dans les bras comme deux footballeurs ayant enfin réussi cette passe combinée qu’ils répétaient en cachette depuis de longs mois.

C’était la solution idéale, bien entendu – il suffisait d’y penser : la meilleure manière de se garder l’esprit libre pour pouvoir laisser flotter les volutes d’un rêve qui s’éloignait – et, du même coup, contrôler le débit de ses succès –, c’était de décider à l’avance arbitrairement des résultats de sa journée au travail et de se les ancrer dans le corps de la plus agréable façon qui soit : en musique !

Accueillir et éconduire quelques premiers clients sans avoir écouté un seul mot de ce qu’ils diraient (Popopoum).

Sembler ensuite sur le point de conclure une affaire – quelle qu’elle soit –, mais sans avertissement la laisser tomber pour une question de détail (poum).

Conclure en un tournemain la prochaine négociation à se présenter (tiiich !).

Et aller dîner (Temps levé).

Ce matin-là, quand il partit pour le magasin, en descendant l’escalier tournant on aurait juré que Jean-Sébastien Pomeroy dansait.

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