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Cette conversation rêvée allait avoir un autre effet encore sur le cours de l’existence de Jean-Sébastien, mais celui-là ne se produirait que bien des années plus tard. Et il serait encore plus profondément déterminant dans sa vie que le premier. Si un soupçon de superlatif et de lyrisme ne risquait pas d’être ici singulièrement inapproprié, l’on pourrait être tenté d’aller jusqu’à affirmer que cet effet serait le plus important à se faire sentir au cours de son existence.
Au moment où il se produisit enfin, Jean-Sébastien avait bien entamé la cinquantaine, et le magasin où il travaillait toujours avait depuis longtemps changé une première, une seconde et finalement une troisième fois de propriétaires, lorsqu’il s’éveilla un matin habité par un vif sentiment d’inconfort : celui de ne pas parvenir à se souvenir d’une chose essentielle… mais sans forme. Une chose qu’il avait pour ainsi dire juste sur le bout de la langue. Mais laquelle, nom de dieu ? Aucune espèce d’idée. Pas le moindre indice même de la « sorte » de chose dont il pouvait bien s’agir. Un appel téléphonique à placer ? Des vœux à exprimer ? Un rendez-vous à noter ? Des emplettes à effectuer ? Rien à faire, ça ne lui revenait pas.
Il passa des jours – l’évaluation la plus vraisemblable serait de 4 et demi – à avoir ce moucheron qui lui bourdonnait dans le crâne : « Non, mais bordel à lunettes, qu’est-ce que ça peut bien être ? »…
… quand tout à coup, un bon après-midi, au moment précis où il refermait la porte-hublot d’une lessiveuse qu’il venait de présenter à une dame charmante et captivée répondant au nom de Pintana, il figea comme un hamster dans l’herbe haute qui vient d’arriver face à un crotale. Bang – ça y était, il se souvenait.
Ce n’était d’ailleurs pas du tout simplement « une » chose qui avait tenté d’attirer son attention, mais une « masse » de choses. Et même, à toutes fins utiles, rien moins que le point d’entrée dans une cosmogonie.
Une cosmogonie des rêves.
Il lui revint en un éclair à quoi il avait rêvé juste avant le réveil, ce récent matin-là où le malaise l’avait saisi : il avait revisité ce merveilleux songe de jadis, dans lequel le copain lui avait offert sa brillantissime solution au problème qui s’imposait à lui. Mais dans ce rêve récent, il n’avait pas revécu la scène, non, il l’avait revue ! Un peu comme s’il y avait assisté à la télévision.
Dès qu’elle avait commencé, il s’était su extérieur à elle. Il s’était même entendu penser « Chouette alors ! Quel splendide moment d’enthousiasme ça a été ! »… mais pour aussitôt voir sa joie abattue en plein vol ! Ce n’était absolument pas le contenu du rêve qui le frappait cette fois-ci, qui lui éclatait au visage. C’était sa forme. Et de constater à quel point cette forme était atypique. Jean-Sébastien n’en revenait tout simplement pas de n’y avoir jamais prêté attention auparavant : la… la forme, oui, le style, la facture de ce rêve crucial dans sa vie n’avait strictement rien eu à voir avec celui ou celle de ses rêves ordinaires.
« Ordinaires » ?!
Le qualificatif lui résonna dans le crâne comme un hurlement de gorille. « Mais non voyons, réfléchis, nom d’un chien ! Pense, au lieu de raconter n’importe quel bobard ! Ordinaire… pffff. Ton rêve d’autrefois tu sais fort bien qu’il n’était pas d’une simple quelconque deuxième catégorie, mais bel et bien d’une troisième ! »
Et c’était ça ! C’était ça, qui lui avait été évident dans son sommeil de ce matin d’il y avait peu et qui l’avait chicoté depuis parce qu’il ne parvenait pas à se souvenir de ce qu’il entendait par là : « Quelles sont les deux autres ?! »
À la seconde où la porte blanche claquait, c’était précisément ce qui venait de lui ressurgir en mémoire !
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