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Le turquoise indique des notes prises en 2002 en vue du complètement de l’écriture, ou des ajouts de 2018.
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Troisième Partie
Histoire
Angleterre
France
Et USA
Sommaire
France
(Révolution de 1789 — Consulat et Premier Empire — Restauration)
Le retour des Rois
Angleterre – La Monarchie Britannique en 1820
Princes de Galles
Le monde en…
Montréal en 2002
Naviguer
Les USA en 1820 – Un Avenir Radieux
Survols
France
La Révolution de 1789
Historique sommaire
Affrontement de deux visions du monde
Sources culturelles / Conséquences culturelles
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Le Consulat et le Premier Empire
Invention de l’État totalitaire,
De la guerre totale
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La Restauration
Revenir en arrière
Toujours plus loin en arrière
Garibaldi
Infaillibilité du Pape
Affrontement de deux visions du monde : synthèse
Conséquences cultuelles : socialisme – anarchie (Bakounine)
France
Le Retour des Rois
Nous avons rapidement abordé les questions de « Qui était Kean ? », « De quoi le théâtre de son temps avait-il l’air ? », de « Qui était Dumas ? », et de « Qui était Sartre ? »
À présent, jetons un coup d’œil aux atmosphères politiques dans lesquelles ont vécu Dumas d’une part, et Kean et les autres personnages de la pièce, de l’autre.
Commençons par le climat politique français au moment des visites de Kean à Paris, qui est aussi, bien entendu, le climat sous lequel vivent et auquel réagissent Dumas et les premiers Romantiques…
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La France de 1815 à 1840
Restauration et Monarchie constitutionnelle
I – Constitutionalisme et Réaction, 1815–1830
a) Louis XVIII, 1815–1824
Après la défaite définitive de Napoléon, Louis XVIII monte sur le trône « par défaut », si l’on peut dire : ni les vainqueurs, qui occupent la France (Anglais, Russes, Autrichiens, Prussiens), ni le peuple français ne veulent de lui. Simplement, il semble n’exister aucune alternative au règne de sa famille – les Bourbons.
Les tensions politiques sont extrêmement vives entre ceux qui croient à l’irréversibilité des transformations advenues dans la foulée de la Révolution et ceux qui espèrent encore une résurrection corps et âme de l’Ancien régime. Profitant de leur retour au pouvoir, ces derniers, appelés « Ultraroyalistes » (ou « Ultras »), se montrent plus intransigeants que jamais et entreprennent de purger le pays de ceux qui, au cours de la Révolution, ont trahis la dynastie qu’ils vénèrent : c’est la Terreur Blanche (par opposition à la Terreur révolutionnaire).
En août 1815, les Ultras remportent un éclatante victoire électorale. Mais Louis XVIII est suffisamment perspicace pour se rendre compte que toute tentative de brusque retour en arrière risque d’entraîner une nouvelle révolution. En conséquence, il choisit des Premiers ministres royalistes, certes, mais modérés – qui savent, eux, contrairement aux Ultras, que le XVIIIe siècle est bel et bien fini. Il s’ensuit évidemment de vives tensions entre la Chambre – dominée par les Ultras – et ces ministres. Les Vainqueurs de la guerre contre Napoléon, inquiets des troubles qui recommencent à surgir en France, font part au Roi de leurs craintes et l’enjoignent de réagir. Ce qu’il fait. Nouvelles élections en 1816 : cette fois, ce sont les Royalistes modérés qui l’emportent.
Quelques années de relative stabilité s’ensuivent. En 1818, la France est de nouveau membre du concert des nations européennes.
Le pays semble se diriger tout doucement vers une espèce de monarchie constitutionnelle à la britannique – bien que, contrairement à ce qui se passe en Angleterre, en vertu de la Constitution (Charte de 1814), le Premier ministre n’ait de compte à rendre qu’au Roi.
Commence à émerger ce qui pourrait finir par ressembler à un système de partis : les Ultras à Droite, les Libéraux à Gauche, et les Constitutionnalistes (ou Modérés) au Centre. Mais il s’agit encore bien davantage de factions que de partis politiques à proprement parler. Une fragile coalition de Républicains, de Bonapartistes et de Monarchistes constitutionnels se forme autour de leurs points communs idéologiques : profonde animosité à l’endroit des Bourbons, et volonté de préserver ou de restaurer certaines réformes révolutionnaires.
De 1816 à 1820, on assiste ainsi à une lente mais solide avance de la gauche libérale. Ce que voyant, les Ultras réagissent par la panique : ils prédisent un désastre imminent pour le pays et pour le régime. Le Roi s’agrippe au Centre. Mais le précaire équilibre est rompu en février 1820 par l’assassinat du neveu du Roi, le duc de Berry. Son assassin, un bonapartiste, affiche ses couleurs : il souhaitait par son geste provoquer l’extinction définitive de la lignée royale. Pas d’héritier, pas de roi… Son objectif n’est pas atteint (la veuve du Duc est enceinte), mais son geste suscite un retour en force des Ultras. Ils reprennent le contrôle de la Chambre en plus de voir l’un des leurs être nommé au ministère.
Les Libéraux réagissent à leur tour en donnant dans la conspiration. Une tentative d’insurrection armée, de leur part, est facilement écrasée en 1822. Parmi les victimes de la répression « Les Quatre Sergents de La Rochelle », qui deviendront des martyrs, héros mythologiques de la Gauche française. Le Pouvoir intensifie la répression : durcissement de la censure, éducation placée sous le contrôle du clergé.
Au même moment, les Ultras se gagnent aussi un vigoureux appui populaire par une action d’éclat à l’étranger. Depuis 1820, l’Espagne est à toutes fins utiles en guerre civile. Les Puissances Européennes acceptent l’offre du Gouvernement français d’aller y rétablir l’ordre — celui du Roi d’Espagne, bien entendu. En 1823, les troupes françaises traversent donc les Pyrénées et rétablissent intact la pouvoir du Roi Ferdinand. Cette victoire militaire des Ultras entraîne un renforcement du vote en leur faveur lors des élections de 1824. La même année, Louis XVIII meurt, laissant le trône à l’un de leurs plus fidèles alliés.
b) Charles X, 1824–30
Charles X, frère cadet de Louis XVIII, a passé en exil les années de la Révolution – et il en est revenu rempli d’amertume. Son désir fervent : ramener la France dans le droit chemin, celui de l’autorité royale de droit divin, appuyée sur un clergé restauré dans ses prérogatives et ses privilèges. Aussitôt, les lois portent la marque de son projet essentiel : compensation pour les aristocrates spoliés durant la Révolution, extrême durcissement de la censure tous azimuts, peine de mort pour les perpétrateurs de sacrilèges, création de nombreux ordres religieux et laïcs chargés d’effacer toute trace des Lumières et de raviver la Foi.
Il est bien possible que le roi aurait eu une chance de rester au pouvoir s’il avait su faire montre d’un peu de sensibilité à l’égard de la gronde populaire que ses actions et celles de ses ministres entraînaient. Mais au lieu de ça, il s’acharne à foncer tête baissée sur la route du passé… et de la catastrophe. Même une partie des Ultras finit par se rebeller, affaiblissant encore d’autant le régime.
En 1827, les élections marquent un retour sensible des Libéraux et des Modérés. Le Roi tente malhabilement de se concilier les Modérés. Échec. En 1829, il remet le ministère au Prince de Polignac, un réactionnaire fanatique, un ultra-Ultra, en quelque sorte. Erreur fatale. Le ton monte immédiatement vers l’hostilité ouverte. L’affrontement est désormais inévitable.
Certains ministres de Polignac le pressent de commettre un coup d’État royal avant que l’Opposition n’ait eu le temps de s’organiser. Mais le Roi hésite, tergiverse. Quand la Chambre finit par se réunir, en mars 1830, elle dénonce aussitôt majoritairement Polignac. Le Roi dissout la Chambre et ordonne de nouvelles élections, à être tenues en juillet. Il espère que le succès des expéditions militaires qu’il prépare (en Algérie, entre autres) renversera le courant en sa faveur. Mais rien n’y fait. L’Opposition remporte 274 sièges, le Ministère 143.
Fidèle à ses principes, Charles réagit en dissolvant à nouveau immédiatement la Chambre, dès le 26 juillet, en restreignant davantage encore un droit de vote déjà étroit, et en abolissant ce qui reste de liberté de la presse. Ce faisant, il ne rend qu’une seule suite possible : la confrontation armée.
II – La Révolution de 1830
La Révolution de Juillet est un véritable monument à l’ineptie de Charles X et de ses conseillers.
Au départ, peu de ses adversaires croient possible de renverser le Régime, ils ne veulent que se débarrasser de Polignac. Mais le Roi ne croit pas que les troubles puissent devenir sérieux : aucun renforcement des garnisons parisiennes n’est donc envisagé, aucun plan n’est conçu. Au lieu de ça, Charles part… à la campagne, chasser.
En trois journées – « Les Trois Glorieuses » : 27, 28 et 29 juillet –, les manifestations se transforment en insurrection. Travailleurs, étudiants et petits bourgeois montent aux barricades. Les 29, des unités de l’Armée commencent à sympathiser avec eux. Le 30, le Roi accepte de se défaire de Polignac et de retirer ses Ordonnances, mais il est déjà trop tard : Paris est aux mains des insurgés, et un nouveau Régime est en train de prendre forme.
Deux groupes s’y dessinent : les Républicains – étudiants et travailleurs, surtout – qui contrôlent les rues et l’Hôtel de Ville. Et les Monarchistes Constitutionnels, qui poussent vers le trône leur propre candidat : Louis-Philippe, duc d’Orléans.
D’abord craintif, Louis-Philippe a fini par accepter de relever le défi : le 31 juillet, il traverse une foule largement hostile et se rend à l’Hôtel de Ville affronter les Républicains. Lafayette, leur chef symbolique, se laisse convaincre et apparaît en sa compagnie au balcon. La foule est en liesse. Deux jours plus tard, Charles X abdique. Le 9 août, le Parlement proclame Louis-Philippe « Roi des Français par la grâce de Dieu et la volonté de la Nation ».
III – La Monarchie de Juillet
Le nouveau régime repose sur une base politique sensiblement différente de celle de ses prédécesseurs, et sur une assise sociale plus large. Le centre de gravité s’est déplacé : des grands propriétaires de l’aristocratie à la grande bourgeoisie. La Constitution (Charte de 1814) est désormais modifiable par la Chambre des Députés, et non plus par le Roi seul. La censure est abolie, le Tricolore redevient l’étendard national, et la religion catholique est désormais définie comme étant simplement « la religion de la majorité des Français ». Les conditions à remplir pour obtenir le droit de vote sont assouplies, ce qui fait passer le nombre de votants de 90,000 à presque 200,000.
Le nouveau Roi est connu pour ses sympathies à l’égard de l’Opposition et pour ses réserves à l’endroit des Ultras. En dépit de cela, il n’est pas prêt à accepter un trône qui ne serait que symbolique. Son autorité, croit-il, tient à son hérédité et non à la seule bonne volonté de la Chambre. Il entend donc participer activement au processus de prise de décisions. À la longue, ce paradoxe sera porteur de conséquences.
En Chambre, deux groupes principaux commencent à apparaître : le Centre-Droite, mené par l’historien Guizot, partage les vues politiques du Roi, tandis que le Centre-Gauche, dont le porte-parole est l’habile Adolphe Thiers, voit la Révolution de Juillet 1830 comme le point de départ d’un processus de changement et non comme un aboutissement. Ces différences de perspectives, alliées à un goût marqué pour les intrigues dont fait montre le Roi, contribuent à faire de la décennie 1830 une période de très grande instabilité politique.
C’est aussi une période marquée par un grand nombre de défis lancés au Pouvoir aussi bien depuis la Gauche que depuis la Droite, et par un grand nombre d’attentats contre la Personne royale.
D’un côté, les Ultras veulent en finir avec l’ « Usurpateur ». Tandis que de l’autre, les Républicains prennent fait et cause pour les travailleurs. En 1831, à Lyon, 15,000 ouvriers affrontent la Garde Nationale. Bilan : 600 morts.
Pendant ce temps, la légende napoléonienne est en peine croissance : le neveu de l’Empereur déchu, Louis-Napoléon, se présente comme son seul héritier légitime. Il tente un coup de force en 1836, est emprisonné, mais parvient à s’enfuir vers l’Angleterre.
En 1840, les ennemis du régime sont épuisés ou découragés. Et une période de remarquable stabilité s’instaure.
Le Protestant François Guizot sera la figure politique marquante des années 1840-1848, tout dévoué qu’il est au service du Roi, et à la défense du statu quo et du libéralisme. C’est sous sa gouverne que la France commence à passer d’une société essentiellement rurale à une société industrielle.
Angleterre
La Monarchie Britannique en 1820
Pendant ce temps, de l’autre côté de la Manche, se déroule…
L’Époque Géorgienne
Cette expression désigne la période historique durant laquelle, en Angleterre, les différents rois Georges (de la famille des Hanovre) occupent le trône. Elle va de l’accession de Georges I, en 1714, à la mort de Georges IV – « notre » Prince de Galles –, en 1830. Seuls les deux derniers de la lignée vivent au XIXe siècle.
Le roi Georges III – aussi appelé « Georges le Fermier » (Farmer George) – est bien connu en Amérique du Nord grâce au fait que, monté sur le trône en 1760, c’est lui qui règne au moment de la Révolution américaine. Il connaît des périodes d’instabilité mentale de plus en plus prononcée à mesure qu’il avance en âge [1], ce qui fait qu’en réalité c’est son fils aîné, le Régent, qui gouverne réellement l’Angleterre durant les dernières dix années de son règne officiel – à partir de 1811. Cette période, « La Régence », nous a légué le style architectural du même nom, style dont le Prince est un chaleureux promoteur.
“Notre” Prince de Galles, celui qui a inspiré le personnage de la la pièce de Dumas, né en 1762, le futur George IV est, donc, l’aîné des quinze enfants de Georges III… de qui il représente la parfaite antithèse. Tout jeune, il se rebelle contre l’éducation extrêmement stricte que lui impose son père, et se lance dans une vie de débauche – alcool, jupons, jeu – qui scandalise le pays et pour le financement de laquelle il s’endette jusqu’au cou.
À dix-huit ans, il se lie avec une actrice, Perdita Robinson. Plus tard, son affection se porte sur Lady Melbourne. En 1784, il tombe amoureux de Maria Fitzherbert, une catholique. Fitzherbert refuse de devenir sa maîtresse et, éventuellement, Georges accepte de l’épouser. Mais le mariage est tenu secret puisque, en vertu du Décret Royal sur les Mariages promulgué en 1772, il est formellement interdit à un membre de la famille royale d’épouser une catholique.
Le Parlement accepte d’augmenter sa pension. Georges III déclare à cette occasion que : « C’est un gaspillage honteux du trésor public que d’ainsi encourager les passions d’un jeune homme sans discernement. »
Le Prince de Galles continue de dépenser sans mesure, tant et si bien qu’en 1795 ses dettes s’élèvent à £ 650,000 – une fortune colossale [2]. En échange de la promesse du Parlement de rembourser ses dettes en son nom, il accepte de marier sa cousine, Caroline de Brunswick. Ils se détestent. Après la naissance de leur fille, la Princesse Charlotte, le 7 janvier 1796, le couple fait maison-à-part – ce n’est rien de le dire : lui vit en Angleterre, et elle en Italie.
Lorsqu’en 1820 George devient roi, Caroline regagne Londres et tente de faire valoir ses droits au titre de Reine. Pour toute réponse, George persuade le premier ministre Liverpool de voter un décret la privant des-dits droits et déclarant le mariage « définitivement et complètement dissout, annulé et rendu sans effet ». Les Whigs s’opposent à la mesure et manifestent publiquement contre le nouveau Roi. Lorsque Caroline se présente au couronnement, elle se voit refuser l’entrée de l’Abbaye de Westminster. De nouvelles manifestations se produisent, qui ne cessent qu’à la mort subite de Caroline, qui survient – fort à propos — le 7 août 1821.
Le jeune George se rebelle aussi contre les vues politiques de son père. Alors que Georges III préfère les Tory (Conservateurs), son fils fréquente des Whigs (Libéraux [3]), tels Charles Fox et Richard Sheridan.
George est, donc, couronné en 1820, à la mort de son père. Il devient ainsi Georges IV.
Son règne est caractérisé par un déploiement ostentatoire de richesse et de dandysme, par le bon goût dont fait montre le Roi, et par le support qu’il accorde aux arts et aux artistes. Il laisse à la postérité quantité de trésors, architecturaux en particulier et artistiques en général. Il fait don de l’immense collection de livres de son père à la bibliothèque du British Museum – inauguré sous son règne. C’est à son admiration pour le travail de l’architecte John Nash que nous devons, par exemple, les commandes qui sont faites de créer Regent’s Park – le Mont-Royal de Londres, en quelque sorte –, la transformation de Buckingham House [4] en Buckingham Palace et la restauration du Pavillon Royal de Brighton.
Mais son règne est aussi marqué par de profondes difficultés économiques résultant des Guerres napoléoniennes, de mauvaises récoltes et des débuts de l’industrialisation – marche des Blanketeers [5], massacre de Peterloo [6] [7].
C’est aussi l’amorce d’une période extrêmement fertile en réformes politiques profondes. Ainsi, l’un de ses grands copains de beuveries de jeunesse, Charles James Fox (1749-1806), élu député pour la première fois à l’âge de dix-neuf ans, fait adopter durant sa carrière la loi mettant un terme à l’esclavagisme et la réforme de la loi sur le libelle, donne son appui aux demandes des insurgés des Treize colonies américaines, supporte avec ferveur les débuts de la Révolution française [8] appuie les demandes de droits des Catholiques et des Protestants Non-conformistes, lutte pour une extension radicale du droit de vote et s’oppose vigoureusement à toutes les suspensions de libertés traditionnelles.
Il n’en reste pas moins qu’en dépit du libéralisme de sa jeunesse, Georges IV sera un roi très conservateur. Jeune, il a promis aux Whigs qu’une fois couronné il appuierait leur parti. Porté au pouvoir, il devient pourtant très vite, comme son père avant lui, un appui au parti Tory, notamment aux politiques du gouvernement extrêmement réactionnaire de Lord Liverpool. Il renonce à toutes ses idées de réforme parlementaire.
La vie de barreau chaise qu’il a menée a grandement miné sa santé.
Dans les années 1820, il devient extrêmement obèse – les caricatures de lui le montrent quasi pachydermique –, en plus d’être incapable de se passer de l’alcool et du laudanum. Il commence aussi à montrer de signes de troubles mentaux. Il vit de plus en plus en reclus au Château de Windsor, où il meurt en 1830.
George a souvent été décrit comme une énigme vivante : brillant, vif d’esprit et extrêmement capable d’un côté, mais indolent, paresseux et épouvantablement capricieux de l’autre. Le Duc de Wellington a écrit de lui :
Il était le plus extraordinaire mélange de talent, de vivacité, de bouffonnerie, d’obstination et de bons sentiments, en un mot, une macédoine des qualités les plus antagonistes les unes avec les autres, le bien dominant largement, qu’il m’ait jamais été donné de rencontrer chez un même homme au cours de ma vie.
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Petite information intéressante au sujet de la monarchie à l’anglaise :
Dans sa dernière livraison de mars 2002, l’hebdomadaire britannique de gauche « Guardian Weekly » (un condensé des articles du quotidien anglais « Guardian », du « Monde » et du « Washington Post »), nous apprend qu’il vient d’être blanchi d’une accusation sous la loi de 1848 assimilant à un acte de trahison le fait de prôner l’abolition de la monarchie en Angleterre.
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Le titre de Prince de Galles
Le titre de « Prince de Galles » n’est pas héréditaire : on ne naît pas « Prince de Galles », c’est un titre que l’on reçoit, souvent très jeune, du Roi ou de la Reine et qui signifie, dans les faits : « Prince héritier » de la couronne.
Depuis sa création en 1301, tous les rois d’Angleterre l’ont d’abord porté. Mais lui, en revanche, à certaines époques, est resté sans détenteur.
Ainsi, le futur Édouard VIII le porte de 1911 à 1936, année où, devenant roi, il cesse évidemment d’être héritier du trône. Ensuite, de 1936 à 1958, personne ne le reprend.
Leur devise : « Ich Dien » – « Je sers ».
Petit Historique
Le titre de Prince de Galles existe déjà avant la conquête du Pays de Galles par les Anglais : Llewelyn ap Gruffydd (Llewelym-Le-Dernier) (1248-82), est le dernier Gallois à le porter. Il se l’est lui-même attribué en 1258, au moment où il tentait de reconquérir les territoires cédés aux Britanniques après la mort de son oncle Llewelyn-Le-Grand (1194-1240).
Dans sa version anglaise, il est institué en 1301 par Édouard Ier pour son fils (à lui et à Éléonore de Castille), Édouard de Caernarfon, qui devient éventuellement Édouard II et cède le titre à son propre petit-fils, le Prince Noir.
Charles, l’actuel détenteur du titre, est le 21e – il l’a reçu à l’âge de 9 ans.
À propos de notre Prince à nous…
Dans Kean, le personnage désigné sous le titre de Prince de Galles est, en réalité, vraisemblablement sur le point de devenir Roi sous le nom de Georges IV, à moins qu’il ne le soit déjà. Historiquement, nous l’avons vu, il le devient le 29 janvier 1820.
Pourtant, le Prince de Galles de la pièce de Dumas est présenté à plusieurs reprises, dans le texte, comme étant… le frère du Roi. Comme il ne peut pas être le frère de Georges III – parce que cela signifierait qu’il y aurait deux Princes de Galles en même temps – notre personnage et le futur George IV –, et que ce serait inadmissible, s’il est le frère de quelqu’un notre personnage, pour porter le titre qui est le sien, doit nécessairement être celui de George IV. Si tel était le cas, cela signifierait que le frère aîné de notre personnage, en devenant roi à la mort de leur père à tous les deux, aurait passé son titre d’héritier de la couronne à son cadet, notre personnage. Mais après recherches, il est clair que cette hypothèse ne tient pas du tout la route.
Sur toutes les listes des détenteurs du titre que j’ai pu trouver – y compris sur le site officiel de l’actuel Prince de Galles –, on saute directement de :
Georges, fils de Frederick, Prince de Galles et d’Augusta de Saxe-Gotha. Fait Prince de Galles le 20 avril 1751, à l’âge de 12 ans, à Londres. Monté sur le trône le 25 octobre 1760, sous le nom de Georges III…
à…
Georges, fils de Georges III et de Charlotte of Mecklenburg-Strelitz. Fait Prince de Galles le 19 août 1762, à l’âge d’une semaine, à Londres et monté sur le trône le 19 janvier 1820, sous le nom de Georges IV…
puis à…
Albert Édouard, fils de la Reine Victoria et du Prince Albert. Fait Prince de Galles le 8 décembre 1841, à l’âge de quatre semaines, à Londres. Accède au trône le 22 janvier 1901, sous le nom de Édouard VII.
Or ces listes sont complètes puisqu’elles comportent 21 noms et qu’on sait que Charles – le Charles actuel – est le vingt-et-unième Prince de Galles…
Donc ?
Donc, comme de 1751 à 1841 il n’y a pas eu d’autre Prince de Galles que celui qui devient George IV en 1820, « notre » prince de Galles doit donc bel et bien le être la même personne qui est devenue ou qui deviendra sous peu le Roi Georges IV.
Pourquoi une telle « erreur » ? Pour Alexandre Dumas, ne pas savoir qui est devenu Roi d’Angleterre alors que lui, Dumas, avait dix-huit ans, serait un peu comme, pour nous, de ne pas nous rappeler de qui était Président des USA quand nous avions vingt ans. Or, Dumas étant très bien informé politiquement et historiquement, le trou serait de taille.
Donc ?
Donc il semble bien que notre Prince de Galles EST bel et bien le futur – ou le récent — Roi Georges IV.
D’ailleurs, l’évocation que Dumas fait de lui « colle » parfaitement avec la description du personnage historique qu’en tracent les historiens : esthète, courailleux, faiseur de dettes.
Mais bon. Quelle importance, au fond ?
Il est vrai que ça n’en n’a pas tellement.
À un détail près.
Si le fait que le Prince de Galles qui est dépeint dans la pièce est ou non le véritable personnage historique ne change pas grand chose au déroulement de l’action dramatique, en revanche la question de savoir pourquoi Dumas ne s’est pas contenté de faire apparaître ledit personnage historique tel quel, sous sa véritable identité, tout simplement, est, elle, assez intéressante. Parce qu’il est bien possible que la raison en soit celle-ci : Dumas ne pouvait pas, dans la France à fleurs de lys de 1836, sous le règne d’un Louis-Philippe, faire apparaître en scène une Personne royale et la traiter de la manière qu’il a adoptée dans Kean.
On sait par exemple qu’un peu plus tard dans le siècle, le compositeur Giuseppe Verdi, dans l’Italie occupée par les Autrichiens, aura sans cesse à subir les tracasseries de la censure impériale. Ainsi, le livret de l’opéra Un bal masqué — Un ballo in maschera (1859) — devra-t-il être repris de bout en bout parce que, dans la première version, on assistait au meurtre du Roi Gustave III de Suède et que la chose était considérée inadmissible par la police. L’action dut donc se transporter… cent ans plus tard, à Boston…
Comme quoi il y a des détails qui parlent…
Le monde en…
Vie politique — Vie intellectuelle — Vie artistique —
Ce qui se passe dans le monde…
… en 1835
Hans Christian Andersen publie le premier tome de ses contes pour enfants.
En Égypte, début de la dernière épidémie de peste noire à survenir en Occident.
Développement de la photographie négative par Talbot
… en 1836
Début de la conception des édifices du Parlement britannique, à Londres. Leur construction sera complétée en 1867.
Froebel crée la première garderie.
… en 1953 (Depuis la fin de la guerre)
1945
Découverte de la pénicilline.
Mise au point du premier rein artificiel, permettant la dialyse.
1946
Publication du premier ouvrage du pédiatre Benjamin Spock, Common Sense Book of Baby and Child Care, qui va transformer la manière de concevoir les rapports médecin-mère-enfant et devenir sans doute l’un des principaux façonneurs de la mentalité de ceux que l’on appellera les baby-boomers.
Mise en marché de Tide, le premier détergent synthétique. Trois ans plus tard, la même compagnie, Proctor & Gamble, met sur le marché Joy, le premier détergent à vaisselle synthétique.
Exploration et cartographie de l’Antartique par l’américain Richard Byrd.
Entrée en service de ENIAC: le premier ordinateur.
Création des premiers regroupements féministes en Afghanistan et au Soudan.
1947
Les Légo, inventés en 1932, commencent à être fabriqués en plastique.
Apparition des costumes de bain deux pièces pour femmes « bikinis ». Ils doivent leur nom à l’atoll du Pacifique où les USA se livrent à leur expériences sur les armes nucléaires.
Publication du Journal d’Anne Franck, morte en 1945 au camp de concentration de Bergen-Belsen.
Création de l’Organisation des Nations Unies.
L’ethnologue et aventurier Thor Heyerdahl traverse du Pérou aux îles de Pâques sur son radeau « Kon Tiki ».
Premier avion à passer le mur du son.
Découverte des premiers manuscrits de la Mer morte.
Invention du transistor.
La constitution japonaise garantit l’égalité des droits pour les femmes.
1948
Première lentilles cornéennes en plastique.
Découverte de la vitamine B12.
Création de l’Organisation mondiale de la santé.
Découverte des vertus de la cortisone dans la lutte contre l’arthrite.
Assassinat de Gandhi par un nationaliste Hindou.
Création de l’État d’Israël.
Élaboration du premier modèle moderne du Big Bang.
Invention du Frisbee.
Droit de vote accordé aux femmes en Israël et en Corée du Sud.
1949
Simone de Beauvoir fait paraître Le Deuxième Sexe, un des textes fondateurs du féminisme au XXe siècle.
George Orwell fait paraître 1984.
En Chine, prise du pouvoir par les Communistes de Mao Tsé-Toung.
En Argentine, Eva Peron fonde le Parti Féministe Péroniste.
L’École de droit de l’Université Harvard admet des femmes.
1950
Le Corbusier commence à travailler sur son projet d’église à Ronchamp, et sur ce qui deviendra la Parlement Indien, à Chandigarh.
En Arts visuels, œuvres majeures de Pollock, de Kooning, de Dubuffet et de Matisse.
Jean Piaget développe sa théorie du développement des facultés cognitives de l’enfant.
Mise au point de la couche jetable.
Premier liens entre tabagisme et cancer. Premières campagnes moderne anti-tabac.
Apparition des premières ceintures de sécurité dans les automobiles.
Aux USA, reconnaissance du droit des femmes à continuer d’utiliser leur nom de jeune fille après le mariage.
1951
Le premier opéra destiné à la télévision est commandé par la chaîne américaine NBC au compositeur Gian Carlo Menotti.
En Israël loi interdisant la discrimination à l’endroit des femmes.
1952
Premières utilisations du Système de Pointage Agpar, qui permet de rapidement évaluer l’état de santé des nouveaux-nés sur une grille de 10 points.
À Londres, une vague de smog fait près de 4000 victimes. Début des premières grandes campagnes anti-pollution.
Création de En attendant Godot de Samuel Beckett.
John Steinbeck reçoit le Prix Nobel de Littérature.
John Cage devient le compositeur américain le plus célèbre de sa génération
Explosion de la première bombe à hydrogène ( bombe H ) – USA.
Anna Figueora, représentante du Chili : première femme à siéger au Conseil de Sécurité des Nations Unies.
1953
Premier hommes au sommet de l’Everest.
Parution de Fahrenheit 451 de Ray Bradbury.
Découverte de la structure en double-hélice de l’ADN.
Première de l’opéra Les Dialogues des Carmélites, de Bernanos et Poulenc, à Paris.
Première opération à cœur ouvert.
Elizabeth II devient souveraine du Royaume-Uni.
… en 2002
Mondialisation et lutte contre la mondialisation.
Génome.
Crise de l’énergie aux USA.
Plans mondiaux de lutte contre la pollution – accords de Kyoto.
Attentats de New York et Guerre d’Afghanistan.
Crise financière — affaires de corruption.
Dieu est de retour un peu partout de puis les attentats du World Trade Centre : en Israël, dans le monde musulman, à la tête de l’Amérique.
Montréal en 2002
Vie politique
Vie intellectuelle
Vie artistique
Naviguer en 1830
Les USA en 1820
Un Avenir Radieux

La toile, dont le titre et le thème sont inspirés du Livre d’Isaïe, représente la signature du Grand Traité de William Penn avec les Delaware, en 1682, à Philadelphie nouvellement fondée.
De 1820 à sa mort, Hicks – un preacher Quaker — en peint une centaine de versions.
William Penn, pour sa part, donne son nom à… la Pennsylvanie.


Notes
[1] Voir le film : The Madness of King George, de Nicholas Hytner (1994)
[2] Pour donner une petite idée : en 1829, les travaux de réfection, d’agrandissement et d’aménagement de Buckingham Palace, considérés comme ayant défoncé tous les budgets, tournent autour de… £ 500 000.
[3] Assimiler les Whigs aux Libéraux et les Tories aux Conservateurs est aussi court que de dire qu’aux USA les Démocrates sont nécessairement à Gauche des Républicains : certains le sont sans doute, mais ça n’empêche pas la Droite démocrate d’être plus réactionnaire que la Gauche républicaine… vous voyez le genre ? Dans le cas des partis politiques anglais de la période qui nous intéresse, les choses sont encore plus compliquées que ça. À cause de la Révolution de 1688, par exemple, et aussi des contre-coups de la Révolution française. Alors disons que oui, grosso modo, à l’époque de la jeunesse de Georges IV, les Whigs ont tendance à être plus progressistes que les Tories. Encore que… Non non, j’arrête… ( hi hi hi )
À l’origine, en Irlande, le mot « Tories » sert à désigner des bandits de grands chemin. Mais au XVIIe siècle, son sens… euh… glisse, et en vient à être l’épithète des Monarchistes, à la Chambre des Communes de Londres. Au XVIIIe siècle, les Tories sont des hommes politiques qui sont fortement en faveur de l’autorité royale et de l’Église, et qui travaillent à préserver la structure politique traditionnelle en s’opposant au réformes parlementaires. Après 1834, ce groupe politique préfère se qualifier de Conservateur.
À la fin du XVIIe siècle, le terme « Whig », quant à lui, fait référence à quelqu’un qui s’oppose aux politiques religieuses du roi Charles II. Plus tard, les Whigs apportent leur appui à l’établissement des Hanovre – à la famille desquels appartiennent les Georges, comme il a été dit. Arrivés au XIXe siècle, leurs adversaires Tories supportent les structures politiques et religieuses traditionnelles, tandis que les Whigs, de leur côté, se montrent favorables à des réformes en profondeur. Les connotations aristocratiques de leur nom – « whig » signifie « perruque » – en pousse alors quelques uns à plutôt employer les terme « Libéral », en usage chez les réformateurs du Continent, mais ce mot ne fait son entrée dans le langage politique officiel qu’en 1868, lorsque William Gladstone – un ancien Conservateur passé à Gauche — devient Premier ministre.
[4] Achetée par Georges III en 1762
[5] 1817. Contre la mécanisation des filatures de Manchester. 100,000 marcheurs voulaient remettre une pétition au Régent, le futur George IV. La cavalerie charge.
[6] Août 1819. Près de Manchester. Devenu, pour les Radicaux, symbole de la tyrannie des Conservateurs, ce massacre reflète la crainte des classes dirigeantes britanniques de voir advenir en Angleterre une révolution jacobine comme celle qui a eu lieu en France quelques décennies plus tôt à peine. — Dernier d’une série de rassemblements, 60,000 personnes – dont une forte proportion de femmes et d’enfants — se réunissent pacifiquement pour protester contre les difficultés économiques et la cherté de la nourriture, et pour demander une réforme parlementaire. L’armée rentre dans le tas, sabre au clair. 11 morts, 500 blessés (dont un centaine de femmes).
[7] Les choses vont s’améliorer en partie à partir de 1821, du fait, notamment, d’une reprise économique, de l’arrivée au cabinet Robert Peel (inventeur des Bobbies – faisant référence à son prénom), et de la mise en place de réformes. Les années 1824-1825 connaissent même un boom économique.
[8] Il « décroche » à l’exécution de Louis XVI.
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