Lettre de démission

 

15 septembre 2019

 

Yves Jubinville, directeur

École supérieure de Théâtre

Université du Québec à Montréal

 

 

Monsieur,

Veuillez recevoir ma démission – effective immédiatement – du poste de professeur invité à l’École que vous dirigez.

Les déplorables et de surcroit éminemment maladroites pressions visant à obliger les étudiant.e.s de l’ÉST à franchir les piquets de grève de nos collègues employés de soutien ont entrainé des conséquences dévastatrices sur l’atmosphère de travail de la création entreprise par moi avec des finissants et finissantes dans le cadre de mes fonctions de professeur et de metteur en scène, au point de me rendre impossible la poursuite de l’entreprise minutieusement préparée dès le printemps dernier puis mise en route au long de l’été. Ajoutées à l’invraisemblable passivité, si ce n’est à la complicité active, du corps professoral devant de tels agissements de votre part et de la part de vos proches acolytes, les circonstances créées ou aggravées par vous m’interdisent de remettre les pieds dans votre établissement – dont ils font à mes yeux un exemple d’une rare clarté des effets destructeurs auxquels peut mener la conjugaison de l’aplaventrisme et de l’arrivisme.

Nulle part dans l’appel de candidature au poste de professeur invité auquel j’ai répondu en octobre 2017, n’était-il mentionné ni même suggéré que le candidat retenu par vous devrait remplir auprès des étudiant.e.s une fonction s’apparentant à celle d’un garde-chiourme, ni que dans votre école les étudiants se faisaient ordonner par la direction comment voter lors d’une Assemblée générale de leur propre association.

.

Nulle part n’avais-je lu non plus avant cette semaine que, sommet d’autoritarisme s’il en fut,  les étudiant.e.s soumis à votre autorité se voyaient imposer – asséné conjointement par un membre du comité exécutif et par la directrice de production – un cours de discipline intitulé How to behave (sic) !

.

Un titre pareil pour un contenu de cet ordre est digne de l’époque la plus sombre de l’histoire de l’éducation au Québec, symbolisée par le règne des Frères des Écoles chrétiennes – ou, bien plus précisément, ici, d’un de leurs éventuels pendants anglophones, quel qu’il ait pu être, puisque, non content d’en distribuer à la volée, chez vous il semblerait que les ordres sonnent mieux dans la langue de Milton que dans celle de Tremblay. La simple idée de rendre obligatoire un cours pareil dans le cadre de la formation dispensée à de jeunes aspirants artistes est non seulement profondément contraire à mon code d’éthique mais me répugne même totalement !

Jamais je n’aurais délibérément posé le pied dans une école comme celle que la vôtre s’est, ces dernières semaines, révélée être une fois débarrassée sous la pression des événements de ses dehors trompeurs.

Je considère donc avoir été embauché sous de fausses représentations – et compte étudier dans un avenir prochain les recours légaux qui s’offrent à moi.

Je croyais effectuer un passage dans un lieu d’enseignement, de réflexion, de création et de recherche, alors que je tombais dans un nœud de vipères – je me retire, aussi vivement que je le peux, en dépit du vif regret que je ressens à l’idée d’abandonner de ce fait à vos soins des étudiants qui méritent bien mieux.

 

Vôtre

René-Daniel Dubois, O.C.

 

Cc Mme Magda Fusaro, rectrice de l’Uqam / Mme Annie Gérin, doyenne par intérim de la Faculté des arts de l’Uqam / Mr Michel Lacroix, président du Syndicat des professeurs et professeures de l’Uqam (SPUQ).

 

 

 

 

 

3 commentaires sur “Lettre de démission

  1. Bravo RDD! C’est beau de voir un artiste et universitaire se ranger du bon côté d’ une lutte syndicale qui ne les impliquent pas directement! Vive la solidarité!

  2. Bravo RDD! C’est beau de voir un artiste et universitaire se ranger du bon côté d’ une lutte syndicale qui ne l’ implique pas directement! Vive la solidarité!

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.