Ce matin… (3/4) (Post-Scriptum)

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Je sais que vous ne me croirez pas – mais tant pis, je vous le raconte quand même.

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C’est mercredi dernier, donc, le 18 octobre, en soirée, que je mets enfin en ligne la deuxième et (presque) dernière partie du premier « vrai » billet de ce blogue, « Ce matin, je ne me suis pas réveillé », lequel m’a pris cinq ou six fois plus de temps que je ne m’y étais attendu en me mettant au boulot.

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Dès le lendemain de sa publication, je me fais, en me frottant les mains : « Bon ! Et maintenant ? Je passe à quoi ? »

Bien des possibilités sont envisageables, mais je décide finalement de m’attaquer au cartable numéro VI de mes archives du temps du Hobbit : « Allez hop, on scanne ! »

J’ai vraiment très hâte d’être venu à bout de la numérisation de mes montagnes d’archives de toutes sortes – et en particulier de celles amassées pour mon essai –, or, et tant qu’à être en compagnie des Hobbits… comme disait le père de Samwise Gamgee (Samsagace Gamegie, en français) : « Les boulots les plus longs à finir sont ceux qu’on ne commence pas. » (Traduction libre)

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Je pars donc chercher dans le couloir de la salle de bain le cartable VI auquel j’en suis rendu. L’époussette. L’ouvre. Et regarde directement dans la pochette avant puis dans celle de l’arrière.

Pourquoi là plutôt que dans les contenus principaux, retenus par les gros anneaux ?

Tout simplement parce que, quand il se trouve dans les cartables du travail un peu spécial à faire, et donc un peu longuet à se taper, c’est là, dans les pochettes, qu’il se trouve. Le reste est tout simple – copieux… mais simple : c’est du 8 ½ X 11, ou parfois du X 14, alors mon scanner-express me fait ça les doigts dans le nez. Avec lui, en moyenne, le scan lui-même prend à peu près une seconde et demie par page à se compléter, peut-être même moins. Alors que, dans les pochettes, dans certains cas se trouvent de très grandes photocopies pliées,  habituellement de journaux, nettement hors-format et qu’il faut donc numériser sur le scanner à-plat, ce qui demande un temps considérable – pout pout pout pout. Ensuite, il faut encore tenter d’améliorer la lisibilité en tripotant l’exposition et les contrastes, assembler les scans partiels – et ça peut demander passablement de travail par essais-erreurs avant que l’ordinateur accepte de finir par sortir un résultat digne de ce nom.

Une page comme celle-ci, par exemple…

… est, en fait, composée de trois scans différents.

 Et une comme celle-ci…

… en comporte 9…

… si ce n’est 12.

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Bref… je commence par le travail spécial, parce que comme ça, ensuite… je roule sur le velours. C’est ma manière à moi d’être paresseux : commencer le plus souvent possible par le plus compliqué ou le plus difficile, pour ensuite avoir la sainte paix.

Et c’est ce qui fait qu’en ouvrant le cartable, jeudi, je regarde, zip, directement dans la pochette avant.

J’en tire une bonne petite pile de très grandes feuilles pliées. Les étale. Me mets à feuilleter pour voir de quoi il s’agit, mais fais bientôt…

« C’est pas vrai ? »

Je les mets de côté.

Vais tout de suite voir dans la pochette arrière…

… « Ah ben, sacrebleu ! »

Je dépose à son tour cette deuxième pile – beaucoup plus mince.

Je regarde ce qui se trouve sous le premier séparateur… sous le deuxième… avant de pousser un troisième petit cri : « Baptême ! »

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C’est que, voyez-vous…

… dans l’écriture d’un billet comme  “Ce matin…”, surtout sa deuxième partie, un des défis les plus compliqués à relever, et j’en ai été conscient à chaque instant, c’est de faire le plus court possible. Et, la matière étant déjà bien assez touffue comme ça, si l’on veut être vraiment bref mais rester clair, il faut se tenir la bride serrée – de son mieux, en tout cas – et ne pas se laisser aller à dériver.

D’un autre côté, il faut à tout prix éviter de tourner les coins ronds, de lancer des approximations. Chaque fois qu’on avance quelque chose, il faut se savoir capable de l’appuyer sur des éléments crédibles et solides de démonstration, et en donner vitement un aperçu.

Ce qui fait que… il faut s’en tenir à un minimum de points abordés, sinon ça ne finit plus. Et qu’au total on se retrouve pratiquement avec la quadrature du cercle : faire bref et concis, pour tenter de faire comprendre un phénomène foisonnant et invraisemblablement alambiqué, camouflé et rhizomatique… dans une société où la connaissance de l’histoire est inversement proportionnelle à la densité de comiques et de faiseux de jokes plates au mètre carré – c’est-à-dire qu’elle frôle 95 fois sur cent le zéro absolu.

*

Prenez le cas de Camilien Houde, par exemple, l’ancien maire de Montréal. Dans la deuxième partie de “Ce matin…”, j’avance à son sujet qu’il a admiré Mussolini. Et je m’en tiens là. Pas un mot sur son emprisonnement durant la Guerre, ni rien de pareil – trop  piégé : ça obligerait à expliquer des foules de points secondaires par rapport à la démonstration globale dans laquelle je suis lancé. Sur le sujet des possibles affinités fascistes de Houde, je me contente comme illustration du scan d’un petit bout de page de « Shades of Right » et c’est tout – même si je sais que j’ai dans mes fichiers bien davantage de matériel, mais qui, lui aussi, demanderait présentation et explications – ça n’en finirait plus.

Or… ce que je découvre immédiatement dans la pochette avant du cartable VI, aussitôt que je l’ouvre, c’est…  des pages et des pages de deux journaux italiens de Montréal, dans les années 1930 : L’Italie nouvelle et Le Canada latin — « organe officiel de la Ligue latine canadienne », fondée en 1937.

Dix-sept ou dix-neuf ans après les avoir rangés là, j’avais complètement oublié que j’avais ça.

La parenté entre les deux journaux ne tient pas seulement à leur italianité, elle doit aussi beaucoup à leur appui sans faille à Mussolini et à la cause de ses Chemises noires. Si ce ne sont pas de purs organes de propagande du fascisme italien… c’est vraiment à s’y méprendre.

Le 18  décembre 37, par exemple, Le Canada latin titre :

… puis, la semaine suivante, le 25 décembre, histoire sans doute de mettre le lecteur dans l’esprit de Noël :

De son côté, l’année suivante, L’Italie nouvelle est de la même eau…

… sauf que tout à coup, neuf mois à peine avant le début de la guerre… une pleine page est dédiée à…

“Italiens de Montréal, votez tous pour Camillien Houde, candidat à la mairie de Montréal.”

On fait l’ saut !

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Voilà, ça c’était pour la pochette avant.

Me suis dit que ça pourrait vous… vous… “intéresser” ?

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Dans la deuxième section des « formats réguliers », sur quoi je tombe ?

Eh bien, sur…

… un autre texte de la League of the South à propos du Québec, écrit par son président lui-même – texte qui vient lui aussi appuyer ce que je racontais dans ce que je viens la veille de finir d’écrire, mais au sujet, cette fois, des échanges LM Guibault de Sorel avec ses copains vaguement KKK de tout là-bas là-bas, et qui sont si près par l’esprit de “Jocelyn Waller ».

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Et puis tant qu’à y être, voici quelques liens à son propos, cette Ligue. Au moment de mettre en ligne le texte principal, je m’étais contenté d’aller vérifier les liens d’autrefois, de me rendre compte qu’ils ne menaient plus nulle part — tout le monde, apparemment, n’a pas l’impressionnante persistance de notre Vigile à nous — et, pressé d’en finir, j’en étais resté là.

Mais il existe du stock tout ce qu’il y a de récent, et pas piqué des vers :

https://en.wikipedia.org/wiki/League_of_the_South

https://www.splcenter.org/fighting-hate/extremist-files/group/league-south

https://www.splcenter.org/hatewatch/2017/08/09/meet-league-state-chairmen-and-organizers-league-south

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Pourtant, c’est dans la pochette arrière que se trouvait le trésor le plus précieux à mes yeux.

Trois textes que je ne crois pas avoir jamais lus avant ces jours-ci. À l’époque, mon ami Jean-François avait dû les inclure dans une pile de photocopies, moi je les avais classés en me disant sûrement, surtout à la vue de la signature de l’un d’eux, « Wow – faudra bien que je lise ça un jour ! », mais n’y étais jamais revenu.

Les trois sont tirés de l’édition du journal Le Clairon du 5 juillet 1946.

Voici celui écrit par l’une des figures les plus inspirantes de notre histoire, Télesphore-Damien Bouchard, dit « T.D. », dont j’ai déjà dit à quel point sa mise à l’écart de la chose politique, durant la Deuxième Guerre, me parait avoir constitué une erreur capitale pour laquelle nous payons toujours, chaque jour, depuis plus de 70 ans – il était propriétaire et directeur du Clairon.

Quelle ne fut pas ma surprise, en le lisant l’autre soir, de me rendre compte que ce que tout au long de ma vie d’adulte j’ai cherché à nommer, lui l’avait clairement vu venir presque dix ans avant ma naissance.

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T-Damien Bouchard

Aux hommes de bonne volonté

Le Clairon – Montréal

5 juillet 1946

 

(Petite note : Le journal de T.D. Bouchard, Le Clairon de Saint-Hyacinthe existait depuis 1912. En 46, après la disparition du Jour de Jean-Charles Harvey, il décide d’étendre son lectorat à d’autres régions.)

 

Quelques amis de Montréal et de Québec, sympathiques à la lutte que je poursuis depuis maintenant au delà de quarante-cinq ans pour le progrès politique, social et économique des Canadiens de toutes races et particulièrement d’origine française, m’ont demandé d’étendre la sphère d’action du journal que j’ai dirigé, de près ou de loin, dans ma petite ville de Saint-Hyacinthe au cours de ma carrière publique plus ou moins mouvementée.

Le journalisme a toujours été mon gagne-pain principal. Les nécessités de la vie politique ont voulu, malheureusement pour moi, que, pendant d’assez nombreuses années, je n’aie écrit qu’occasionnellement dans les journaux. C’est ce qui fait que, manquant de l’expérience que donne la pratique assidue de l’art d’écrire, j’ai toujours senti une certaine hésitation, en raison de l’imperfection de la forme de mes articles, à lancer mon journal dans le champ provincial et canadien.

Mais il est des devoirs auxquels l’homme public conscient de ses responsabilités ne saurait se soustraire sans manquer à sa mission. Il me semble aujourd’hui en voir se dresser un de cette catégorie en face de tous les patriotes qui croient nécessaire de maintenir dans notre pays un organe français d’expression d’opinions libres. L’heure est arrivée pour moi de faire quelque chose dans le sens des désirs de mes concitoyens dont la vue dépasse les horizons nécessairement restreints de notre groupe ethnique et qui ne connaissent pas de cloisons étanches entre les Canadiens de race et de religion différentes.

Les idées libérales sont actuellement mises plus que jamais en péril par une campagne menée par les ennemis de la saine démocratie depuis bientôt cinquante ans. Je ne parle pas ici du libéralisme doctrinaire condamné par l’Église ni du simple libéralisme de parti. Nous avons dans nos deux grandes organisations politiques des citoyens imbus d’idées libres et ces deux groupements ont été en butte, l’un et l’autre, aux attaques de nos réactionnaires qui se sont couverts du manteau de la religion pour maintenir leur domination politique. Qui ne se souvient des luttes faites contre le chef conservateur, Sir Georges-Étienne Cartier, et contre le chef libéral, Sir Wilfrid Laurier, par les castors de notre province ?

Sous l’influence de ces ultramontains et, plus tard, des nouveaux séparatistes, le parti libéral-conservateur de Cartier est disparu. Il a été remplacé, ici, par l’Union Nationale dominée par l’esprit de dictature fasciste qui s’est manifesté dans toute sa hideur de 1936 à 1939, lorsque, pour la première fois, M. Duplessis fut porté au pouvoir.

L’élément réactionnaire tente maintenant, en sous-main, de s’emparer du parti libéral pour maintenir sa domination par ce qui reste de l’un ou de l’autre de nos anciens grands partis. Il ne faut pas laisser s’accomplir cette œuvre de mort pour la pensée et l’action démocratiques.

Les hommes qui ont foi dans les principes de liberté intellectuelle, qui croient dans la doctrine économique libérale, qui ne veulent pas voir revivre les jours sombres de la France pré-révolutionnaire laisseront-ils périr, sans lutte, les idées libérales dans notre province ?

Je ne le crois pas, car cette lutte n’est pas inutile. En dépit des apparences, nos Canadiens d’origine et de culture françaises sont foncièrement des hommes à idées larges qui n’aiment pas l’absolutisme politique, même lorsqu’il leur est présenté sous une forme de dictature religieuse. Ils sont profondément ancrés dans la religion de leurs pères et il faut les en féliciter. Ils savent cependant distinguer ce qui constitue la religion proprement dite et la simple politique : ils comprennent que, dans le domaine de la spiritualité et de la morale pure, il faut un régime d’autorité suprême et unique. Ils ne croient pas toutefois qu’il doive en être ainsi dans les choses qui relèvent du terre à terre politique. Ils sont prêts à accepter volontiers la gouverne des ministres de l’Église en matière de dogme religieux, mais ils réclament le droit de différer d’opinion avec un certain nombre de prédicants dans l’administration purement temporelle de nos municipalités, de notre province et de notre pays. Ils ne veulent pas empêcher leurs chefs religieux d’exprimer leurs vues sur les choses de ce monde, mais ils blâment ceux d’entre ces ministres qui s’introduisent dans le champ clos la politique de se servir de leur caractère religieux pour faire triompher leurs vues et, surtout, pour empêcher leurs adversaires de les contredire, tout comme si leur qualité de prêtre en faisait des arches-saintes, même en dehors de l’église, et des papes en matières purement temporelles.

Nos adversaires tenteront, en raison des luttes que nous aurons à entreprendre pour défendre nos positions contre ceux qui se servent de la religion pour promouvoir leurs fins purement temporelles, de représenter notre feuille comme un organe anti-religieux et surtout, anti-catholique. Ils ne réussiront à leurrer que les simplistes, les esprits étroits et les fanatiques car, tout en respectant toutes les philosophies et toutes les croyances, Le Clairon, fondé par un catholique pour être lu par une population presque exclusivement catholique, a toujours été, est et restera catholique. Sa mission n’est pas cependant primordialement confessionnelle. Il ne manque pas, dans notre pays, de journaux et de revues dont le but principal est l’exaltation de nos principes religieux. Les uns accomplissent très bien leur tâche, mais d’autres, ceux qui s’occupent plutôt de politique que de religion, la font moins bien et quelquefois même compromettent la religion. Avec ces derniers, nous aurons nécessairement des querelles. Personnellement, j’en ai eues qui ont eu de graves retentissements. Ce qui devait survenir est arrivé. Si j’en ai quelque peu souffert, je n’en suis pas mort et je reste heureux d’avoir pu servir, à ma façon, la défense des intérêts des Canadiens d’origine française et des catholiques d’opinions libres en matière temporelle.

En étendant la sphère de rayonnement du Clairon, ce sont ces intérêts que je veux continuer de servir sur un terrain plus vaste.

Les événements veulent qu’aujourd’hui il me soit relativement facile de suppléer à mes imperfections journalistiques. La suspension de la publication d’une de nos meilleures feuilles sous le rapport de la tenue littéraire me permet d’attacher à mon journal des compétences véritables dans la personne de M. Émile-Charles Hamel, ancien rédacteur en chef du Jour, et dans celle de M. André Bowman, un de ses rédacteurs depuis sa fondation.

Avec le concours de ces écrivains de talent et d’expérience, avec l’aide de quelques autres journalistes qui ont fait leur marque et qui m’ont promis leur collaboration, je poursuivrai ma tâche dans ma province et dans mon pays, au delà des limites de la région plutôt restreinte dans laquelle Le Clairon a sonné jusqu’ici la charge contre les ennemis du progrès bien compris de notre population d’origine française. Ensemble nous continuerons à combattre pour la liberté d’expression d’opinions, pour la réforme de notre instruction publique, pour une meilleure entente entre citoyens d’origine différente, pour la création d’un véritable esprit canadien non seulement chez les autres mais aussi chez les nôtres, pour le développement de la concorde entre les peuples d ‘outre-frontière et pour la fraternité humaine; ensemble, nous lutterons pour la réalisation, qui semble s’éloigner de plus en plus, de l’âge d’or souhaité par Celui qui a dit : Paix sur la terre aux hommes de bonne volonté.

 

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Noble combat.

Mais…

Dans moins de 2 ans…

… le Torchon bleu sera hissé sur la tour du Parlement de Québec…

… le manifeste du Refus Global verra le jour…

… avant que nombre de ses signataires partent en exil.

 

 

*

 

Voilà. C’est tout.

Portez-vous bien.

 

LA SUITE ET FIN, C’EST PAR ICI…

 

(21-22 octobre 2017)

 

 

 

 

 

 

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