Langue de bois et Langue 2X4

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2008 – On m’invite à prendre la parole au cours d’un événement intitulé « La langue de bois ».

Je m’exécute.

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Cher journal…

Ah, pis fuck ! Je recommence encore à zéro.

Trente-quatrième version.

 

Notes pour un texte que j’ai pas envie d’écrire

 

Commencer par un « Coucou, les copains », suivi de :

J’ai une bonne et une mauvaise nouvelle pour vous autres – sur le mode des huit mille cinq cent jokes « bonne nouvelle / mauvaise nouvelle », genre :

Le commandant du camp de prisonniers, au bout de six mois : « Bonne nouvelle, les gars – aujourd’hui, on change de bobettes. Mauvaise nouvelle, les gars – toi tu changes avec lui, toi avec lui, toi avec lui, etc. »

Donc :

Yééééé ! J’ai une bonne et une mauvaise nouvelle pour vous aut’, la gang !

La bonne : « Le combat contre la langue de bois » ? Fini, réglé. R’tournez vous coucher.

De toute manière, c’est pas la langue de bois qui est grave, pas une calice de miette, mais le fait qu’il y ait ou non parmi ses victimes quelqu’un pour remettre les mots en face des trous. Pas dans son salon. Pas dans son sous-sol. Pas su’ son patio a’c trois chums qui pensent comme lui. SUR LA PLACE PUBLIQUE. Ce qui implique

  • qu’il y en ait une, place publique
  • que d’aut’ monde que ceux qui parlent la langue de bois aient le droit d’y parler
  • que le monde qui écoutent aient ce qu’il faut pour comprendre de quoi tu leur parles – bien préciser que je ne fais pas ici référence à l’intelligence des auditeurs, que je parle de culture, de points de repères en-com-mun.

Parlant de culture… souligner immédiatement :

1- que la moitié des adultes du Québec ont de la misère à lire

2- que les deux trois émissions soi-disant culturelles qui restent parlent rien que de ce qui pogne déjà

3- que les médias ont de plus en plus l’air d’un camp de prisonnier où les spécialistes se repassent le micro les uns aux autres comme d’autres leurs bobettes…

Conclure : … ça part mal en calvaire.

 

Récapituler…

Bonne nouvelle. Le combat cont’ la langue de bois est réglé. De tout’ manière, c’est pas elle qui est grave, mais le fait qu’on puisse ou non la combattre sur la place publique, ouvertement – pis que le monde comprennent de quoi tu leu parles.

Continuer…

Dire qu’on « veut » combattre la langue de bois, et la combattre en effet, c’est deux.

Dire qu’on « veut » la combattre mais dans les fait’ la renforcer, ça s’appelle : parler une langue de bois au carré – appelons-la « langue 2X4 ».

Aller encore plus loin…

C’est pas la langue 2X4 qui est grave, c’est… le fait qu’il y ait ou non parmi ses victimes quelqu’un pour remettre les mots en face des trous. Pas dans son garde-robe. Pas en se rasant. Pas en s’imaginant que Jean-Luc Mongrain t’entend quand tu cries des bêtises à ta tévé. Ce qui implique, encore bien plus encore que dans le cas de la simple langue de bois :

  • Qu’il y ait moyen, queuk part, calice, de dire queuk chose en plus que 200 mots ou six menutes
  • Que le monde aient envie d’entend’ parler de d’aut’ chose que ce qu’y pensent déjà
  • Que tu soyes capab’ de te ramasser les idées sur un sujet aussi compliqué pis de le shooter en 45 secondes sans avoir l’air d’êt’ un martien – ce qui est à toutes fins utiles impossible à réussir, à moins d’avoir pu te pratiquer… dans une place qui de toute manière existe pas

Pour faire comprendre au monde qui se font taper sur la tomate tous ‘es jours à grands coups de slogans qu’ils sont aussi en train de se faire fourrer à grands coups de 2X4 pas d’ vaseline, une seule manière, donc : sur la place publique.

Sauf que… souligner :

1- la moitié des adultes du Québec ont de la misère à lire

2- sous une forme ou sous une autre, les média sont rendus presque intégralement au niveau où, quand j’étais ado, se trouvait uniquement Allô Police.

3- même si toi tu dis un mot dans ton coin, il y a en général au moins une douzaine de « commentateurs de la chose publique » qui vont répéter pendant trois semaines à grandeur de micros, à pleines pages de tévé, que t’es fou à attacher… en oubliant de préciser : que c’était d’eux aut’ que tu parlais…

Conclure : … ça a mal parti… pis ça continue mal en sacrament.

MAIS…

C’est ici que la bonne nouvelle commence à poindre la tête…

Dans un contexte comme celui que j’évoque, si on attend assez longtemps… la langue de bois finit par devenir… la langue officielle.

Dans une société où la langue officielle se résume à parler de la langue officielle, et des dangers qui pèsent sur la langue officielle, et des armes qu’il nous faudrait pour lutter pour la langue officielle… mais jamais de d’aut’ chose que de la câlice de langue officielle elle-même… on a donc des saint ciboire de bonnes chances de se retrouver non plus seulement avec une langue 2X4 qui est la langue officielle, mais surtout avec une langue officielle qui est LA langue 2X4 !

Où il n’y a rien de plus important que de lutter pour la langue.

Où la langue pour laquelle il faut lutter, c’est la langue 2X4.

Et où, donc, prétendre lutter pour la langue, c’est se battre pour la langue de bois au carré !

Hé tabarnak !

Attention, bien préciser, c’est capital :

1- Une langue de bois, ou une langue 2X4, c’est pas une langue en soi, c’est une manière de se servir de la langue comme d’un prétexte de chantage politique, peu importe de quelle langue il s’agit.

2 – Dire qu’une langue est importante en soi, indépendamment de ce qu’on dit avec, et sans même savoir ni d’où c’est qu’a vient ni à quoi elle était supposée de servir à l’origine, quoi que tu dises avec c’est une langue 2X4.

3 – Symptôme possible d’une telle situation : dès que la langue qu’on parle est plus importante que ce qu’on dit avec !, bien entendu.

Si, rendu ici, chus pas encore mort, piétiné par une foule en furie qui hurle « Touche pas à mon chanoine », poursuivre :

Dans une société qui se définit rien que par sa langue, mais où la langue en vigueur est une langue 2X4, si jamais t’es invité à parler du combat contre la langue de bois, tu te retrouves pogné en saint câlice de baptême :

Parce que ou bedon tu res’ cheux vous,

Ou bedon tu cours le risque de te faire crier par la tête que t’injurie la mémoire de ta pov’ grand-mère. Shit !

Seul terrain qui reste à tester :

Commencer par dire : J’ai une bonne et une mauvaise nouvelle à vous apprendre.

La bonne : le combat contre la langue de bois ? Y est fini.

La mauvaise : Y est fini… parce qu’y est perdu. À plate couture.

Si y t’ reste du temps, ajouter :

De toute manière, le problème, c’est pas la langue. Jamais.

C’est c’ qu’on dit avec.

C’est la culture, qui est importante. La culture en commun.

 

Et conclure :

La langue que j’ parle, je l’aime.

Mais chus pas un fétichiste.

Ce que j’aime encore ben plus’ que la langue que je parle, c’est le monde au sein du quel je vis. Les gens. Les individus. Leurs rêves. Leurs espoirs. Leurs douleurs. Leurs difficultés.

Ça, ça m’ jette à terre.

Mon problème, dans vie, c’est pas la langue qu’y parlent, ce monde là, mais le fait qu’y se soyent tout’ fait’ raconter tout’ leu calice de vie que leur seule valeur, dans vie, ce serait la langue qu’y parlent.

C’est pas vrai !

Moi, le problème que j’ai, c’est que quand je regarde sur la place publique, le reflet que je vois de la société où je vis ne ressemble pas, pas du tout, pas une saint sacrament de ciboire de miette de menute, à ce que j’aime à la folie chez mes concitoyens, et qui me bouleverse jour après jour.

L’ostie de problème que j’ai, c’est que dans la société où je vis, on se sert de la langue qu’on parle pour nous voler nos vies ! Sacrament !

Pis je l’ prends pas.

Pis je l’ prendrai pas non plus.

Jamais.

 

Après ça, si y m’ res’, du temps

Faire un tite danse.

 

(2008)

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