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Au moment d’annoncer sur Facebook que je serai à compter de dans quelques mois et pour deux ans…
… professeur invité à l’École supérieure de Théâtre de l’Uqam, il me vient l’idée de mettre en ligne le dossier de candidature que j’ai présenté lors de l’ouverture du poste, et d’un peu raconter comment les choses se sont passées de mon côté.
Pourquoi ?
Eh bien, entre autres, parce qu’il est assez fréquent que je me fasse poser des questions au sujet du fonctionnement d’institutions publiques – de théâtres, par exemple, ou de regroupements d’artistes –, ou à propos des processus de prise de décisions auxquels il est souvent fait référence dans les médias, directement ou par allusions, mais qui ne sont que rarement présentés et bien plus rarement encore « mis en scène ». Ça pourrait déjà donner une petite idée.
Bien entendu, je ne prétends aucunement décortiquer ici les mécanismes d’embauche dans une université, ni même dans un département de théâtre. Je me contente de faire : « Voici comment a vécu le trajet la bibitte que je suis. That’s it. »
Au fond… Pourquoi le raconter ? Parce que ça me tente, tout simplement.
Alors, si ça vous intéresse…
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Vers la mi-septembre de cette année, deux personnes que j’apprécie énormément, puis une troisième, fort sympathique mais que je ne connais que fort peu, prennent contact avec moi pour me dire en substance :
– Heye, RD ! Y a un poste de prof invité qui s’ouvre à l’Uqam ! Go, go, GO ! Y FAUT que tu te présentes ! Envoye, envoye ! C’est SÛR que tu vas l’avoir !
C’est tout juste s’ils ne menacent pas de ne plus m’adresser la parole si je ne tente pas ma chance.
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Seulement voilà, je n’en ai pas envie du tout. Et mon manque d’enthousiasme n’a strictement rien à voir avec le fait qu’il s’agisse de l’Uqam en particulier, et rien non plus – surtout pas ! – avec l’enseignement.
Ah bon ? Eh ben alors, il a rapport avec quoi ?
Eh bien, il y a à ma “réticence” (ce qui est nettement un euphémisme) deux raisons principales.
D’abord, j’en suis rendu à un point où j’ai tellement rempli de demandes de toutes sortes, et tellement patatouillé de projets partant dans tous les sens, dans ma vie, que je ne suis tout bonnement plus capable d’envisager d’en rédiger l’ombre d’une ou d’un de plus – depuis des années, lorsque la nécessité s’en présente, il faut que je m’invente des stratagèmes d’une fois à l’autre de plus en plus loufoques pour parvenir à me “prendre par surprise” et m’obliger à ENCORE UNE FOIS (‘stie !) faire la job. Quelques semaines à peine avant de recevoir les e-mails auxquels je viens de faire référence, par exemple, j’ai dû présenter d’urgence une demande de bourse et, malgré l’importance des enjeux, il m’a fallu tout mon petit change pour me rendre au bout de la tâche – j’avais littéralement la nausée : rien qu’à ouvrir les fichiers, le cœur me levait (sans blague). Cette réaction n’avait rien à voir avec la qualité des évaluateurs à qui je m’adressais, ni avec la nature ou l’identité de l’institution à laquelle je présentais ma demande, elle était liée au processus même d’en faire une, demande, quelle qu’elle soit, à qui que ce soit : des dossiers, j’en ai tellement préparé qu’il y a des jours où je me dis en riant (parfois) qu’il devrait exister un Prix Nobel pour le meilleur présentateur de projets tombés dans le vide – même si je ne suis pas sûr du tout que je poserais ma candidature…
Deuxième raison : une fois traversé à quatre pattes et la langue pendante le désert de garnotte de la “préparation de dossier” et de son envoi, vient… l’attente. Et d’elle aussi, j’ai sacrément soupé, je vous prie de me croire. On a beau se prémunir contre la chose, et avoir à son égard développé des batteries de trucs pour se faire accroire que « oui, oui, on est parfaitement relax, là, oui, oui, on pense carrément à autre chose”, chaque fois, des semaines ou des mois durant, toute une partie de votre concentration et de vos énergies s’évapore, soufflée par le Et si… maudit. Et si… ça allait marcher ? Et si… ça allait foirer ? Et si… ils allaient dire oui, mais en posant des conditions inacceptables ? Et si… même s’ils allaient dire oui, je me révélais incapable de remplir ma promesse ? C’est… l’enfer. Et j’ai dû, au total, y passer au moins cinq années entières de ma vie, dans cet enfer. Très largement de quoi virer irrémédiablement fou. Pus capab’. Pus capab’ DU TOUT !
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Tout ça pour dire que j’ai autant envie de préparer un dossier de candidature que d’aller passer une fin de semaine de quatre jours dans le Nord, enfermé dans un chalet au fin-fond des bois, pour un immense party de Noël de percepteurs d’impôts se racontant les uns aux autres à n’en plus finir des jokes pissantes (pour eux) sur les innombrables saisies rigolotes qu’ils ont ordonnées cette année, et les magnifiques faillites dont ils accrochent les preuves à leurs murs de bureau comme d’autres des têtes de chevreuils.
Le fait que l’enjeu, ici, est un poste d’enseignant en théâtre, et que j’adore enseigner, n’aide pas – pas du tout – bien au contraire : mon amour du théâtre et de l’enseignement a toutes les chances d’amplifier considérablement les effets de l’attente. IL NE FAUT PAS, sous aucun prétexte, que je tente d’imaginer ce qui se passerait SI JAMAIS ma candidature allait être retenue, parce qu’alors l’enfer de l’attente aura toutes les chances de se déchaîner avec une force encore jamais atteinte… et que le gouffre dans lequel je tomberai ensuite, en ouvrant le courriel commençant par “Cher monsieur, merci d’avoir présenté votre candidature. Malheureusement…” sera… abyssal.
En deux mots comme en mille : je ne peux pas présenter ma candidature, tout simplement parce que je refuse d’ouvrir la porte à un rêve… avec lequel je resterai pris ensuite. Des rêves impossibles à réaliser, j’en ai déjà trois pleins trucks à vidanges dans ma cour, je n’ai aucune espèce d’envie de commencer à en remplir un quatrième.
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Par là-dessus, un autre aspect encore s’ajoute, tout aussi capital.
L’année 2017 aura été l’une des plus formidables de ma vie – et l’une des plus éprouvantes.
Formidable, parce que la mise en forme et à plat des montagnes de fragments d’idées à laquelle je me suis livré dans mes deux blogues et mes je ne sais combien de billets, depuis le 3 janvier dernier, a engendré un formidable sentiment de libération intérieure. Parvenir à fermer les livres de questions qui vous ont hanté, dans certains cas durant près de cinquante ans, est porteur d’une joie quasi impossible à évoquer. Sans compter que, bien entendu, les choses ne s’arrêtent pas là : les questions résolues débouchent immédiatement sur de nouvelles, inédites celles-là – puisque régler des questions, ce n’est pas s’arrêter, c’est découvrir de nouvelles routes. Il y a, dans le fait de se retrouver à 62 ans avec soudain devant soi de nouveaux Kilimandjaro d’idées, d’énigmes et d’interrogations à gravir… un pur bonheur. Voilà. Quand bien même ces idées, énigmes et interrogations porteraient parfois sur des sujets fort peu rigolos – tels : le suicide culturel collectif.
Et éprouvante, donc. Pour deux raisons : l’une personnelle, l’autre citoyenne.
Je commence par la citoyenne. La situation de la culture et des arts, au Québec, est non seulement un cul de sac mais même une antichambre de la mort – à moins que ce ne soit un service de soins palliatifs. Et plus de trente années d’étude, de réflexion, d’élaboration de stratégies et de tentatives pour parvenir à brasser la cage me convainquent que les choses NE CHANGERONT PAS – la cage, elle est pur béton armé – et il m’arrive de plus en plus souvent de me dire qu’au fond l’explication la plus simple et la plus évidente de la situation est sans doute la bonne : le choses ne changeront pas, tout simplement parce que les Québécois n’ont très majoritairement strictement aucune espèce d’envie qu’elles changent. Quoi qu’il en soit, l’empêtrement collectif dans les lieux communs politiques, et le règne de l’ignorance et des clichés historiques qui ne tiennent pas debout sont tels que cette société est carrément paralysée – à moins que son immobilité (autre qu’économique et purement mécanique) ne soit celle des cadavres. Oh, il y a des trésors de talent et de vitalité qui se vivent et qui s’expriment, dans cette société, ça ne fait pas l’ombre d’un doute – j’en rencontre des preuves presque chaque jour. Mais… de ce talent et de cette vitalité, la société, par l’entremise de ses institutions, ne VEUT pas – elle les haït ! Je le savais depuis très longtemps. Une à une, les quelques explications alternatives de l’état des choses que j’ai pu élaborer au fil des décennies ont dû être éliminées. Et il ne me reste que cette certitude : je vis dans une société qui déteste la pensée, la beauté et l’espoir – et qui est en train de crever, la face écrasée dans sa bave. Le constat est terrible – mais il est porteur d’un devoir : continuer, envers et contre tout – puisque, au bout du compte, ce n’est pas la société qui m’intéresse, mais les gens qui y vivent. Or, quoi qu’en disent les finissants de HÉC en récitant leur serment de fidélité à la cause du néant, on n’entreprend pas une chose parce qu’on est certain de gagner, on se met à l’ouvrage parce qu’IL LE FAUT.
La personnelle, à présent. Depuis le mois de mars dernier, j’ai vécu exclusivement d’aides financières qui m’ont été apportées, souvent par des individus, alors que je chancelais au bord du gouffre. Les sources de revenus que j’ai pu connaître au fil de ma vie ont à présent presque toutes fini de s’assécher – et il ne reste pratiquement plus moyen dans cette société, pour des hurluberlus dans mon genre en tout cas, de gagner sa vie en dehors des sentiers battus et re-battus. Pris dans son ensemble, le Québec est devenu une interminable chanson à répondre qui ne compte plus qu’un seul couplet – mortellement ennuyeux au demeurant : des pans entiers de la vie culturelle s’y sont sous mes yeux, au fil des décennies, transformés en déserts, inhabités sauf parfois par un ou deux ermites tristes – et fort émouvants. C’est comme ça que je me suis retrouvé, sans avoir la plupart du temps rien demandé, à ne survivre qu’en recevant de l’aide de toutes provenances – sans laquelle il y a déjà au moins six mois que j’aurais le cul vissé jour et nuit sur un bord de trottoir. Je vous fais un aveu : au fil des mois, cet état des choses a même été l’une des motivations centrales du boulot frénétique que j’ai consacré à mes blogues. Je me disais que quand j’aurais définitivement perdu l’accès à mes disques durs et à toute la documentation que j’ai pu accumuler dans ma vie, grâce au Net il resterait au moins quelques traces de ce que j’ai tenté – avec un succès qui fait, très littéralement, peur à voir.
Cela dit, les difficultés matérielles dans l’ombre desquelles j’ai passé mon année, en plus de me pousser vigoureusement dans le derrière pour que j’avance au plus sacrant dans le classage de mes archives et dans la publication de mes posts, ont aussi eu un autre effet, inattendu et extraordinairement lumineux. Grâce à la pression extrême qu’elles m’imposaient, je suis parvenu à me libérer – pour le moment au moins, je n’oserais jurer de rien quant à l’avenir – d’une crainte panique de la pauvreté qui m’a hanté toute ma vie. Certain que j’allais bientôt finir par tout perdre, et régulièrement bouleversé par des aides qui me tombaient dessus comme autant de miracles chaque fois que l’aiguille du compte à rebours allait atteindre zéro, mais sachant pertinemment qu’il allait bien nécessairement finir par arriver une fois où le déclic adviendrait SANS que les anges aient fait signe, et que cette fois-là les carottes seraient instantanément cuites, je n’avais guère le choix qu’entre d’une part me rouler en boule sur mon plancher de cuisine et d’autre part éclater de rire, plonger encore plus profond dans le travail et lancer à mes démons : « Quand vous voudrez, messieurs ! »
En septembre, au moment où je reçois les trois e-mails, je me suis, tout bonnement, fait à l’idée que je vais incessamment devoir quitter mon appart avec un sac à dos contenant quatre paires de chaussettes, deux paires de bobettes, trois t-shirts et rien d’autre. Et ça, c’est l’image exacte qui, des centaines de fois au cours de mon existence, m’a réveillé en pleine nuit, glacé d’effroi. Sauf que cette fois-ci, après avoir tenté tout ce qui pouvait l’être, je suis prêt à l’accepter et à la vivre : « Hic Rhodus, hic salta ! » – « C’est ici, Rhodes, et c’est ici que tu dois danser ! » Pour la première fois depuis la fin de mon adolescence, l’incarnation du spectre du retour de la pauvreté que j’ai connue au cours de mon enfance n’est plus un désastre à subir mais un nouveau défi à relever. Plus les images reviennent me hanter, et plus je me dis qu’au fond… raconter mes petites histoires aux nouveaux copains que je vais me faire à la Maison de Père aura toutes les chances d’être au moins aussi excitant que d’essayer d’expliquer mes idées à des journalistes qui s’en crissent comme de l’an 40. (Non, je ne parle pas de TOUS les journalistes – mais je parle en tout cas d’une méchante barge.)
Je précise, toutefois : mon manque d’entrain à l’idée de présenter ma candidature à l’Uqam ne tient aucunement au fait que j’aurais ENVIE de vivre le cataclysme de la perte de mes livres. Je n’en AI PAS envie – pas une saint sacrée tabarnak de miette ! – mais j’accepte désormais que, s’il s’impose, avoir à le vivre ne sera pas la fin du monde – c’est tout.
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Lorsque les trois e-mails tombent l’un après l’autre dans ma boite de courrier, la situation est donc, en synthèse, celle-ci : à la simple idée de rédiger un projet, le cœur me lève – et la perspective de quitter le fascinant boulot entrepris, et dans le cadre duquel chaque minute, depuis janvier, a été une véritable victoire sur mes démons (ou en tout cas un pied-de-nez que je leur faisais en les regardant dans le fond des yeux) m’est insupportable. Il est au surplus hors de question que je contemple la possibilité de me mettre à IMAGINER ce que je pourrais bien faire à l’Uqam – pour une fois de plus me retrouver le bec à l’eau, pogné avec des espoirs qui se seront fracassé la fiole sur un mur de briques.
D’un autre côté, je ne suis pas (toujours) du genre à lancer « Allez donc péter dans les fleurs ! » aux gens qui me veulent du bien. Je réponds donc à mes trois correspondants : « Ah ! Wow ! Super idée ! C’est gentil – merci pour l’info ! Vais y penser… » Alors que je sais parfaitement qu’y penser, c’est justement ce qu’il est hors de question que je fasse, ne serait-ce qu’une seule minute.
Unique concession que je m’autorise : je note, et souligne en rouge sur un bout de papier, la date limite des mises en candidature – lundi 16 octobre –, puis efface la question de mon esprit pour replonger corps et âme dans le boulot et dans les deals avec les charmants démons qui me hantent : « Heye, la cruche !, me murmurent-ils tendrement à l’oreille. C’est l’ fun tes ‘tits billets sur les idées de films historiques que t’as eues dans ta vie, mais…euh… le loyer, tu sais que c’est… tout bientôt ?! Hmmm ? Les bobettes, il serait peut-être temps de t’en laver trois paires… tu penses pas ? Pendant que t’as encore – tout juste – les moyens de te servir d’une laveuse ? »
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Je me souviens qu’une semaine à peu près avant la date limite en question, mon regard accroche au passage la date soulignée couleur de camion de pompier, sur le petit papier qui traîne, avec bien d’autres, sur mon pupitre, et que je me fais : « Bon. Encore quelques jours, et ce problème-là, au moins, sera réglé ; il sera (enfin !) trop tard ! »
Et les choses restent en l’état…
… jusqu’au dimanche 15.
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Ce jour-là, au début de l’après-midi, je ne sais plus trop dans quoi je farfouille sur le Net quand tout d’un coup l’idée me traverse l’esprit : « C’est pas aujourd’hui, la date-limite pour l’Uqam ? » Brève recherche dans mes petits papiers : « Ah non, c’est demain. » Mais bof, peu importe, il est trop tard : pour arriver à temps, il aurait fallu que le dossier ait été mis à la poste au cours de la dernière semaine. Bien, la question est donc réglée, et j’entreprends de déménager dans le dossier « affaires classées » le pdf annonçant l’ouverture de poste. Au dernier moment, histoire de dire un franc beubye à toute l’histoire, je clique, le fichier s’ouvre… et je constate, zut de zut de zut, que contrairement à bien d’autres institutions, l’Uqam vit au 21e siècle : non seulement les dossiers PEUVENT être acheminés par courriel, mais le courrier électronique est même LA SEULE voie de dépôt indiquée.
Oh, oh.
Cela signifie que, contrairement à ma certitude d’il y a un instant à peine, il N’EST PAS trop tard. Et vlan ! Aussitôt : une nouvelle pensée surgit, déjà toute formée :
– Dis donc, eh mec ! – m’interpelle une petite voix grinçante franchement baveuse, tout au fond de mon crâne. Un gars qui se fait vivre par ses amis et ses proches depuis neuf-dix mois, et qui ne prend même pas le peine de présenter sa candidature à un poste que TROIS personnes ont eu la gentillesse de lui faire connaître… dans ton riche vocabulaire fleuri, t’appellerais ça comment ?
– Ta yeule ! – est ma réponse tout aussi instantanée.
– Non, pas tout de suite. Je vais me taire, certes, mais dans une seconde, pas là : aussitôt que tu m’auras répondu : t’appellerais ça… comment ?!
J’imagine que rendu là je dois avoir la mâchoire un peu barrée – de pure furie. Mais la « couleur » de la petite voix qui vient de s’imposer, je la connais fort bien, merci, et je sais pertinemment qu’elle ne se taira pas tant que je n’aurai pas formulé ma réponse. Aussi, pour ne pas rester pogné avec elle ad vitam aeternam, je la lui sers :
– Un…
– Un… ?
– J’appellerais ça, imagine-toi donc… un triple fils de pute.
– …
– Bon ! Content, là ?!
– Je sais pas…
– …
– … toi ?
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C’est comme ça que vers 14h ou 14h30, le dimanche 15 octobre, je saute à pieds joints dans la rédaction express de ma mise en candidature. Tout simplement parce que je viens d’être frappé comme par une tonne de briques par la prise de conscience de ce que je n’ai tout simplement PAS LE DROIT de ne pas tenter ma chance, quoi qu’il m’en coûte.
Je la commence donc vers 14h. Et, si j’en crois Outlook, elle part pour l’Uqam à 17h06, le même jour.
Vous pourrez lire le résultat un peu plus bas – rédigé de A à Z en deux-trois heures. C’que c’est que d’avoir de l’entrainement, quand même…
Quoi qu’il en soit : devoir accompli.
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Mais avant d’en venir au dossier lui-même – et puisque, anyway, vous connaissez déjà le punch –, je vous raconte immédiatement la suite des choses.
Dès le lendemain matin – lundi, donc –, je reçois un fort aimable accusé de réception. « Bon, c’est parti, me dis-je. Me reste plus qu’à ATTENDRE l’estie de résultat »… lequel, dans mon esprit, ne fait aucune espèce de doute : ce sera Non. Oh, pas par défaitisme – par expérience.
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Deux semaines et demie plus tard : « Ping ! Vous avez du courrier. »
Ah, me fais-je en lisant l’identité de l’expéditeur, dans trois-quarts de seconde le dossier sera enfin clos, et je clique… pour aussitôt éclater de rire.
Eh non, le message, fort courtois cette fois aussi, n’est pas le tant attendu “Cher monsieur, malheureusement…”, c’est plutôt : « Que diriez-vous de venir nous jaser ça une petite heure de temps, mercredi après-midi de la semaine prochaine ? »
Fait comme un rat.
Parce que le sens du devoir qui m’a fait présenter ma candidature m’oblige aussi, la chose coule de source, à accepter la rencontre. Mais que cette fois, en préparation à elle, je DEVRAI vraisemblablement commencer à ouvrir la porte de mon désir.
Je réponds donc oui. Et, aussitôt le courriel expédié, décide que, contre toute logique, « Non, je ne RÉFLÉCHIRAI PAS à ce que je vais bien pouvoir raconter mercredi prochain. » Ce que je dirai, je le déciderai SUR PLACE ! Point ! À la ligne !
L’invitation et ma réponse, c’est le jeudi 2 novembre. La rencontre est prévue pour le mercredi 8.
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À présent, imaginez une scène mythologique – ou un cartoon – dans laquelle un personnage se bat contre son ombre, et vous aurez une idée de ce qu’est ma semaine suivante. Je suis tout bonnement figé – je veux dire immobilisé net entre deux forces d’égale puissance qui tirent chacune de son côté. D’un bord, des images de ce que je POURRAIS faire à l’Uqam ne cessent de surgir, et elles reçoivent toutes immédiatement une claque par la tête, assénée par l’autre bord, qui leur enjoint d’illico retourner dans leur trou : « RIEN ! On ne pense à RIEN ! » Et, jour après jour, nuit après nuit, le petit jeu de « Coucou me v’là ! » suivi de « Paf ! Ta yeule ! Couchée ! » se fait plus féroce.
À telle enseigne qu’à partir du dimanche, une autre idée se met à croitre à une vitesse folle : retirer ma candidature.
Pourquoi ?
Parce que je suis en train de virer fou, c’est-à-dire de me rendre compte de ce que ce que je craignais, le tabarnak de spin des Et si… qu’il n’était pas question que je revive encore une fois, je suis en plein d’dans, jusqu’aux yeux ! Et qu’il est, oui, aussi dément que j’avais prévu qu’il le serait si jamais j’étais assez tapon pour le laisser se mettre en branle. Ce que j’avais prévu qu’il se passerait si « j’ouvrais le porte » en posant ma candidature, c’est EXACTEMENT ce que je suis en train de vivre, sacrament ! Et pendant ce temps-là, tandis que le tic-tic de la bombe à retardement de mon expulsion de mon appart continue en permanence de se faire entendre, surimposé à tous les sons qui me font vibrer les tympans, je suis totalement incapable de travailler. Il ne me reste vraisemblablement que quelques jours à vivre avant de disparaitre dans les brumes de la non-existence sociale – ce que les gens bien élevés appellent « pauvreté » – et je suis en train de les gaspiller à ruminer une séquence d’événements dont l’aboutissement sera… rien du tout ! Calvaire !
Avez-vous déjà tenté d’imaginer les masses insensées de temps et d’énergie qui se gaspillent chaque année, chaque mois, chaque jour, chaque heure !, en pure perte, dans une société développée comptant plusieurs millions d’individus, alors que des foules de gens sont paralysés en attendant que des comités aient achevé leurs délibérations ?! Elles doivent être astronomiques !
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Le sommet du combat est atteint la mardi, veille de la rencontre. Ce jour-là, les deux forces en présence ont désormais atteint leur plein épanouissement, la bataille entre les deux idées, en moi, est d’une férocité déchaînée, et je suis carrément pétrifié. Je passe la journée les bras croisés au bord de mon pupitre, à regarder mon clavier sans ciller, à ne rien faire d’autre que me retenir de taper le message dont l’idée me revient, comme des vagues océaniques par jour de grand vent, avant de se dissoudre, puis de revenir encore, et encore, l’idée d’un message adressé à l’assistante du directeur de l’École : « Chère madame. Des circonstances indépendantes de ma volonté m’empêcheront d’être présent à la rencontre prévue pour demain. Croyez-bien que j’en suis désolé, et que j’espère que le présent message n’arrivera pas trop tard pour qu’il vous soit possible de réarranger l’ordre du jour et d’éviter au Comité une regrettable perte de temps. Avec mes salutations distinguées. King Kong. »
17 heures – ding ! Fiou ! Trop tard pour l’envoyer !
La journée de lutte est passée… et je n’ai pas défailli.
J’ai encore perdu toute une journée, ostie… mais je n’ai pas défailli.
Tic-tic-tic.
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Dès que j’ouvre les yeux, très tôt le mercredi matin, l’état dans lequel je me trouve m’est immédiatement identifiable. C’est celui que j’appelle « déphasé » – et qui dans ma vie a presque à tout coup été associé aux grands tracs. C’est un état… comment dire ? Qui « embarque » tout seul dans les moments d’urgence. Il consiste tout simplement en ceci : tout, perceptions, sensations, idées, émotions, TOUT est soudain muffé, assourdi, plongé dans la ouate comme, quand vous ouvrez la boite, un ordino neuf l’est dans le styrofoam. C’est un état de protection-limite, qui entraine un très très léger décalage incessant, comme s’il venait de s’établir un délai entre la vision de ce que l’on voit et la conscience de l’avoir vu, entre la formulation d’une idée et la prise de conscience de sa teneur. Tout, TOUT ! est passé au crible et désamorcé au fur et à mesure pour éviter… que le système nerveux ne vous passe au feu sous la surcharge, tout simplement.
Vous avez déjà vu Le salaire de la peur, avec Yves Montand et Charles Vanel ? Vous devriez. Ils sont bouleversants, tous les deux, captivants. C’est l’histoire de deux gars qui, par une chaleur étouffante, doivent transporter un plein chargement de nitroglycérine sur une route de montagne qui n’est que heurts et cahots. – Et je ne sais absolument pas pourquoi je vous en parle ici…
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Ma comparution est pour 14 heures. Et, après une matinée infernale passée à me demander si je ne pourrais pas encore appeler pour me décommander en racontant que je viens d’attraper la peste bubonique express ou la lèpre bondissante, vers midi je me sauve de chez moi – incapable de continuer de tourner en rond comme un boa dans son aquarium – avec l’idée de marcher doucement jusqu’au monumental chef d’œuvre architectural de brique brune et de restants de clochers, au coin de St-Denis et De Maisonneuve.
Je marche. Je marche. Je compte les lignes de trottoir. Et je suis… totalement incapable de formuler la moindre pensée tant soit peu élaborée. Mon cerveau sonne comme, autrefois, une ligne téléphonique occupée. Miiiip miiip. La seule image qui surnage, c’est celle de moi, dans deux heures à peu près, assis devant mes interviewers, la bouche entrouverte, un peu de salive aux commissures, les joues molles, le regard vague, incapable de commencer la moindre phrase. Tant pis. « Hic Rhodus, mon pit. »
Sauf que…
… le Bon Yeu des imbéciles, dont je ne saurai jamais dire à quel point il n’a jamais cessé de veiller sur moi, ma vie durant, ni à quel point je lui suis redevable, s’occupe encore de mon dossier ce jour-là. Et, en chemin, il va, à quelques coins de rues de distance l’un de l’autre, me faire croiser la route de deux personnes formidables dont la rencontre fera redémarrer la mollassonne matière grise qui me clapote entre les oreilles. Jean Marchand, et Michelle Corbeil.
*
J’aperçois Jean à une trentaine de mètres de distance. Moi je marche vers l’Est, lui vient de traverser De Maisonneuve vers le Nord et s’apprête à continuer dans cette direction. Nous sommes tout près de la Faculté de Musique de McGill – il doit s’en aller enseigner, me dis-je.
– Jean !
Il s’arrête – m’aperçoit. Je presse le pas. Et nous nous tombons dans les bras l’un de l’autre en riant – magnifiques retrouvailles. Allo ! Comment tu vas ?! Bien, toi ?! Ça va, ça va ! Quoi de neuf ? Mais, aussitôt les politesses échangées, son regard change, et il se met à me confier son… son vertige – oui, le mot est le bon, je crois. Son vertige. Il est dans un état de colère… que je ne lui ai jamais vu. Il se met à parler, à parler, me parle… d’une culture qui fout le camp, des repères qui s’effacent, d’un je-m’en-foutisme omniprésent qui lui fait mal, de mots d’ordre creux, partout, du militantisme juste-pour-la-forme, omniprésent… il est dans un tel état d’emportement qu’il a l’air de mordre l’air en parlant. Je l’écoute, j’y vais de mes propres remarques, mais surtout, je suis… je suis happé par son vertige. Je comprends mais alors là chacun des mots qu’il prononce – il me fait voir en quelques syllabes telle situation atroce qu’il a vécue, tel comportement absurde avec lequel il a été aux prises, c’est un raz-de-marée – un… un appel au secours, lancé sur toutes les longueurs d’onde à la fois. C’est le vertige d’un artiste coincé au cœur d’une société où chaque jour le vide étend davantage encore son emprise et ses ravages. Où, chaque jour, les mots, les gestes, les émotions, les comportements perdent un peu plus leur sens, se transforment encore un poil davantage en purs slogans… dans l’indifférence mur-à-mur.
Nous allons devoir reprendre chacun notre route – il me demande où je m’en vais comme ça. Je le lui dis, en quelques mots : entrevue, Uqam, prof invité, deux ans, tout ça pour rien. Il m’attrape par les deux épaules, visse son regard au mien et me dit, grave : « Tu vas y aller ! Et tu vas leur dire ! Tu vas leur dire… la vérité ! Et tu vas l’avoir, le poste ! Allez, vas-y ! Vas-y et… souviens-toi : dis-la-vérité ! »
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Je reprends ma route, un peu beaucoup ébranlé. Les mots, les traits du visage, les gestes de Jean ont frappé directement, dans une région de moi. J’en ressens encore la vibration. Mais je ne sais pas où, dans quelle province précise, ils ont frappé. Je marche en écoutant et réécoutant en moi l’écho qu’a laissé notre rencontre. Comme… une idée qui s’étire au réveil – et qui cherche la forme qu’elle prendra dans un instant.
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En passant devant l’INIS… rebelote ! J’aperçois à quelques pas devant moi, l’air de sortir de la Cinémathèque (ou plutôt de ce qu’il en reste après les coupures sauvages qui se sont abattues sur elle)… Michelle Corbeil, la lumineuse Michelle. Brillante, passionnée de littérature, organisatrice acharnée de festivals. « Allooooo ! » Re-joie !
Re-bises, re-comment-tu-vas, re-quoi-de-beau ? Re-mais-qu’est-ce-que-je-suis-heureux-de-te-voir ! Puis… re-le-regard-qui-change : quasi impossibilité de trouver le financement pour ses projets, sourdes oreilles, partout, me dit-elle.
Il émane de Michelle une force qui m’a toujours frappé tant, si j’en crois mon expérience, elle est d’une sorte rare : une force formidable, un sentiment de solidité profonde, mais rien, chez elle, qui ressemblerait aux emportements de Jean ou aux miens. C’est la tranquillité de sa force, qui me frappe chaque fois. Le ton de notre échange est même, en apparence, fort différent de celui que j’ai eu tout à l’heure avec Jean – pourtant, ce que Michelle évoque, là, sur le trottoir, en quelques phrases, est de même nature, très précisément, que ce que Jean m’a confié il y a quelques minutes. Un monde, une culture… qui se ratatinent – dans un silence opaque.
Bises d’au-revoir.
Je suis presque à destination : l’Uqam est là, juste au coin. Et je suis en avance. Pas assez pour avoir le temps d’aller me chercher un café à emporter, mais suffisamment pour une p’tite cigarette au pied des quelques marches.
Je la fume en souriant. Sourire triste, mais sourire tout de même. En repensant à la joie engendrée par la rencontre de ces deux êtres que j’estime, et dont je reconnais le combat, la persistance, l’entreprise. Je me demande : combien y en-t-il d’autres ? Cinq cents, mille ? Cinq mille ? De ces artistes et alliés des artistes qui consacrent leur vie à diffuser un peu de lumière, et dont pas un traître chat ou presque n’entend parler – pas sous cet aspect, en tout cas. Les images dansent. Le Grand Vide qui s’étend – qui gagne un peu plus de terrain chaque jour. L’indifférence, pratiquement partout. L’immobilisme forcené. Les balounes insensées lancées à tous les vents, jour après jour. Et de-ci de-là, des gens qui tiennent bon, qui échangent quelques signes de reconnaissance en se croisant au hasard dans les champs de décombres. Je ne pense même plus à l’entrevue qui va commencer dans quelques minutes. Je n’entends même plus le tic-tic-tic du compte à rebours de ma ruine prochaine. L’état déphasé s’est dissout, totalement. Je suis « hic », je suis là où je suis – et je ne suis QUE là. Je sais ce qu’à n’en pas douter contiendra dans quelques jours le sac à dos que je porte en bretelle, puisque même si le résultat de la rencontre qui approche allait être concluant en ma faveur, plus de six mois me sépareraient encore de mon entrée en fonction. Je sais ce que je dirai à la gérante de l’immeuble en lui remettant mes clés : « Je laisse tout tel quel, dans l’appartement. Libre à vous de jeter tout ça aux vidanges. Ça n’a strictement aucune valeur. Merci. » Et la perspective ne m’atteint pas. « Aujourd’hui, c’est aujourd’hui que j’ai vivre. Aujourd’hui, et rien d’autre. » Les démons sont muets et immobiles. Et tout à coup…
… sans un son…
…sans un froissement…
… l’idée est là.
Je sais ce que j’aurai à faire dans quelques minutes.
*
Il y a une petite leçon que j’ai apprise au fil de mes expériences et que j’ai allègrement partagée ensuite avec mes étudiants, ou avec des collègues, aussi souvent que j’ai pu :
Quand on a à passer une entrevue d’embauche ou une audition, on prend un risque. Celui de « tomber dans le regard » de ses vis-à-vis. C’est-à-dire d’être pour un moment, ou parfois pour longtemps, totalement défini par les attentes des autres, plutôt que par ses propres principes ou ses propres désirs (je ne parle pas de « lubies », je parle de « désirs »). Le danger n’est pas que le regard des autres prenne racine en nous – puisque partager le regard des autres, et parfois même se l’approprier, fait partie intégrante du parcours humain –, il est que le regard des autres supplante en nous notre perception de notre propre vie. Autrement dit : que nous fassions nôtre le regard des autres sur nous. C’est un risque terrible, j’ai vu bien des âmes être stérilisées de cette manière.
Mais il existe un exercice, pas aussi simple à réussir qu’il y parait au premier coup d’œil, mais captivant à tenter – pour sensiblement amoindrir les chances de succomber.
Il faut, tout simplement, en se préparant pour l’entrevue ou l’audition, se fixer des objectifs personnels qui n’ont rien à voir avec le but explicite de l’évaluation à laquelle on va se soumettre. Des objectifs dont on sera seul juge de l’atteinte ou pas.
Par exemple. Vous avez fait une école de théâtre comme comédien ou comédienne, et, pendant votre parcours, il y a eu une scène que vous avez travaillée mais sur laquelle en définitive vous vous êtes pété les dents, net. Vous en avez toujours gardé un petit regret, une pointe d’amertume à votre propre endroit. MAIS… quelques années après votre sortie de l’école, un soir, tard, dans un party, les amarres de la sobriété étant nettement rompues, vous vous êtes mis à faire le fou ou la folle, et dans la foulée de l’évocation de ce moment qui vous est resté sur la patate, vous êtes mis à la jouer, la scène – et l’avez enfin réussie ! Pif paf boum ! Elle a sorti de vous comme vous avez toujours cru qu’elle aurait dû le faire cette maudite fois là, à l’école. Comme si une petite partie de vous, durant les années écoulées depuis, avait continué de répéter en cachette et n’avait attendu que l’occasion de faire ses preuves. Ce soir-là, dans le party, vous étiez libéré des attentes… alors zouf, la scène s’est jouée « toute seule ». Eh bien si un jour on vous invite à vous présenter en audition, et que vous avez le choix de la scène, faites-la ! L’avoir réussie dans un party, à quatre heures et dix du matin, n’aura pas réglé son cas. Il faut à présent que vous la réussissiez « pour de vrai ». Servez-vous de l’audition pour fermer le dossier. Et comme ça, si vous parvenez à mettre en action, une fois sobre, ce que vous avez saisi à la volée quand vous étiez saoul, là ce sera fait : le dossier sera clos. Ce qui fera que, même si vous n’alliez pas obtenir le rôle pour lequel vous vous êtes présenté, il y aura quand même eu victoire pour vous – et cette victoire, elle vous appartiendra – à vous et rien qu’à vous. Ce sera votre petit bout de trésor.
Le piège, lorsqu’on se soumet à des décisions sur lesquelles on n’a aucune espèce de contrôle, c’est que le seul but à viser nous échappe. Il faut s’approprier le moment – de son mieux – en s’en créant un autre.
*
C’est cette règle que j’ai si souvent expliquée – et parfois même mise en pratique – qui vient de me revenir en finissant ma cig au pied des marches : l’heure que je vais passer avec le comité de sélection, je dois illico lui formuler un but qui n’appartienne qu’à moi.
Et ce qu’il est, ce but, s’impose de lui-même.
Je ne peux pas savoir ce que sont, aux yeux des gens de l’université que je vais rencontrer, les enjeux de la situation. Quel type de candidat cherchent-ils ? Pourquoi ? Quels échecs, quelles réussites ou quelles forces ou faiblesse, à l’intérieur de l’École, visent-ils à corriger, ou à amplifier ? Quelle nouvelle voie les tente ? Ou quelle voie, tentée récemment, a été déclarée bonne pour l’abandon ? Je ne PEUX PAS connaître les réponses à ces questions. Assis devant eux, il serait donc parfaitement inutile de tenter de répondre à des questions implicites dont il m’est impossible de connaitre la teneur.
Le seul des jeux de paramètres que je puisse imaginer doit avoir trait à la vie en milieu universitaire. Or, c’est un milieu dont je n’ai strictement aucune expérience concrète. Mais comme une expérience en milieu universitaire n’était pas mentionnée comme prérequis pour le poste, et comme j’ai été convoqué pour la rencontre, je suis bien obligé de conclure qu’une expérience en milieu universitaire ne figure justement pas au nombre des traits souhaités chez les candidats.
Conclusion ? Je ne sais pas DU TOUT ce qu’ils considèrent déplorable ou souhaitable. Et il serait parfaitement idiot de ma part de tenter de répondre à des attentes dont je ne sais rien.
Ergo ? Je vais faire ce dont j’ai envie.
*
C’est à ça que je réfléchis en avançant dans les couloirs vers les locaux de l’École, dans lesquels aura lieu l’entrevue : « De quoi est-ce que j’ai envie ? »
Pas compliqué à nommer : j’ai envie d’être serein, détendu… et clair. Aussi serein, détendu et clair que si je prenais un café avec un bande de copains.
« Clair » à quel sujet ?
Un, en particulier – il était déjà abordé dans mon dossier de candidature, alors je n’aurai qu’à le retricoter à la volée : être payé pour enseigner le théâtre à des jeunes gens, et négliger, ce faisant, de les mettre en garde à l’égard des mythes et des pièges qui entourent les arts dans notre société – autrement dit, leur laisser croire qu’il leur suffira d’être travaillants, vaillants, intègres et dévoués pour réussir une œuvre… revient à leur mentir effrontément. Pis encore : revient à profiter d’eux pour en tirer un salaire, SANS les prévenir au sujet des dangers RÉELS qui les guetteront à la sortie : la haine des arts et de la culture. Ce comportement me paraîtrait inacceptable. Et, même, criminel.
Il ne s’agit pas de leur donner la frousse, aux jeunes, et certainement pas non plus de les décourager – jamais de la vie. Il s’agit de leur indiquer quelques points de repères, quelques points de départ, de péter quelques balounes parmi les plus délirantes, et de les encourager à creuser ensuite la question par eux-mêmes. Moi, ma vie est déjà pour l’essentiel dans mon dos. La-leur est devant eux. J’ai tenté des combats – de toutes mes forces. Et j’ai failli. À leur tour, à présent, de s’essayer. Qui sait, peut-être parviendront-ils à un résultat là toutes les générations avant la-leur se sont cassé la gueule, en partant de celle d’Armand Laberge, en passant par celle de Jean-Charles Harvey et par celle de la bande du Refus global, jusqu’à la mienne inclusivement. Tout faire pour leur donner un coup de main au cas où le désir irait leur venir de tenter l’aventure, mais les laisser libres de leurs choix.
Deuxième point : mettre dans mon exposé toute la vigueur qui me paraîtra nécessaire MAIS trouver une manière d’aborder la question sans donner l’impression à mes vis-à-vis, lors de l’entrevue, que je les accuse justement, eux, d’être des criminels. Ce n’est pas le cas. Pas du tout. Je ne suis pas là pour changer, pour remplacer leurs façons de faire, je suis là pour ajouter la mienne aux leurs. Ce sujet des fondements culturels et des obstacles idéologiques au développement culturel et artistique, chez nous, m’a passionné, moi. Mais non, je ne crois pas que TOUT LE MONDE devrait m’imiter ou me suivre à ce chapitre. Mon but n’est pas de dire que tous ceux qui ne préviennent pas les jeunes comme je crois qu’ils devraient l’être sont des monstres abjects, il est de dire que moi, compte tenu des recherches et des réflexions que j’ai menés, SI j’allais tenter de faire l’économie de ces mises en garde, je serais un criminel à mes propres yeux.
Et me voici arrivé à l’entrée du couloir qui mène aux bureaux de la Direction de l’École.
*
Une heure dix plus tard, je ressors de la salle de conférence. Et la job est faite.
Bien entendu, je ne suis pas du tout en train de dire par là qu’à ce moment je sais que j’aurai le poste, c’est le contraire que je suis en train de dire : ce que je sais, c’est que j’ai été clair, détendu… et qu’à présent je n’ai plus qu’à… ATTENDRE le « Cher monsieur, malheureusement… »
Ma certitude que je n’aurai pas l’emploi est toujours aussi ferme. Simplement, j’ai réussi, à mes propres yeux, à respecter le cadre que je m’étais dessiné avant d’entrer dans la salle. Et comme je n’avais de pouvoir d’intervention sur rien d’autre… la job, la seule job que je pouvais avoir à faire, est faite.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là.
*
À un moment ou un autre, je ne sais plus trop quand, j’ai appris que la rencontre a eu lieu un mercredi parce que c’est à ce moment-là que les profs de l’École sont libres tous à la fois et peuvent donc se réunir.
En conséquence, dans les jours qui suivent, j’ai donc tout le loisir de revenir enfin bien calmement à mon compte à rebours à moi vers le néant et à mes travaux, puisque, le 8, les profs rencontraient trois autres candidats après moi – qu’ils ont donc dû terminer les entrevues au plus tôt à 18 heures – que rendus là, ils devaient tous avoir la cervelle en bouillie – et que la discussion, le retour sur les rencontres, se fera donc, fort vraisemblablement, mercredi prochain. Ce qui me laisse une pleine semaine pour vraiment ne pas penser à cette affaire. Ce à quoi je vais m’appliquer de toutes mes forces.
À compter du lundi, toutefois… avec l’approche de la très probable échéance, les petits jeux de mon esprit reprennent. Les Et si… Et si… Et si… sont de retour, et se mettent à toute vapeur à prendre de l’ampleur et de la force.
Mercredi matin se pointe. Puis mercredi midi. Au fin fond de ma cervelle, tout à coup, un nouveau compte à rebours s’enclenche par-dessus les tic-tic : le dossier sera enfin clos dans…. à peu près trois heures… dans deux… une. Voilà ! À cette heure-ci, leurs délibérations doivent avoir abouti ! Comme j’ai reçu les communications précédentes le matin, toutes entre dix heures quinze et dix heures quarante-cinq… j’aurai demain avant midi la confirmation de la fin des haricots.
Je commence même à réfléchir au fait qu’en somme je suis assez content de ma traversée de l’épisode : j’aurai réussi à accomplir ce que m’imposait mon devoir, et à vivre tout le processus en ressentant une pression intérieure insensée, certes, mais… sans me déclencher l’imagination, sans formuler de rêve avec lequel rester ensuite coincé. En ajoutant à cela la rencontre elle-même, je serai donc parvenu à me fixer et à rencontrer deux objectifs m’appartenant en propre. Pas mal, vraiment pas mal, le schnock.
Sauf que…
Jeudi matin se pointe. Debout vers cinq heures et demie, comme c’est souvent le cas ces temps-ci. Voilà qu’il est sept heures. Huit. Huit et deux. Huit et trois. L’horloge se traîne. Neuf moins deux. Neuf moins une. Dix ! Dix et une. Dix et douze. Dix et seize ! « Ping ! Vous avez du courrier ! »
Je prends une grrrande respiration. Empoigne la souris de mon ordinateur. Et clique.
Saint ciboire de câlice de sacrament de bâtard ! Le e-mail m’apprend que la rencontre prévue la veille n’a PAS eu lieu ! Baptême ! La décision se prendra… mercredi prochain !
Souvenez-vous, souvenez-vous, lecteurs : le jeudi 16 novembre dans l’avant-midi, vous avez entendu un intrigant sifflement déchirer l’air au-dessus de Montréal. Cessez de vous demander ce qui l’a causé, je vais vous le dire : ma calotte crânienne partant en orbite.
*
Je vous ai parlé de l’attente, et du fait que j’y suis devenu allergique à la longue, au fil de ma vie, à force d’abuser et de sur-abuser d’elle, poussé par les circonstances. Eh bien laissez-moi vous apprendre encore autre chose sur son compte : l’allergie à l’attente est comme toutes les autres – si vous n’évitez pas le contact avec la substance qui les déclenche, les crises vont croissantes et peuvent devenir complètement incontrôlables.
C’est précisément ce qui m’arrive à compter du moment où je lis le courriel qui m’apprend que la décision n’est pas encore prise : mon allergie fait un bond… quantique !
Mon rapport au temps se met à délirer de manière insensée : des heures s’évanouissent en fumée sans que je les aie vues, puis ralentissent au point que le temps parait s’être totalement arrêté. Puis repartent à toute allure. Puis encore plus vite. Puis bang, stoppent net à nouveau. C’est de la pure folie – j’ai l’horloge, le rapport au temps, totalement détraqué.
Et, bien entendu, mon cerveau se met de son propre chef à chercher des échappatoires dans tous les racoins imaginables. Il n’en identifie qu’une, en définitive : retirer ma candidature – me tirer de cette situation démente, coûte que coûte, toutes affaires cessantes. Dès les jeudi soir, la perspective de passer encore toute une semaine dans cet état m’est déjà impossible à envisager. Je vais devenir fou.
Je n’ai qu’une envie : sortir de « ça » !
Un seul tout petit coin de mon esprit reste capable de rationalisation et calme (un tout petit peu) le jeu en répétant en boucle… l’évidence, tout simplement. Que ce que je vis là est intégralement subjectif. Qu’il n’y a rien de cataclysmique dans le fait que la réunion des profs ait été reportée. Et que, tout compte fait, si la décision est bel et bien annoncée le 23 novembre, il ne se sera écoulé au total que cinq semaines entre la date-limite du dépôt des candidatures et le choix du candidat – ce qui est non seulement raisonnable, mais vif comme l’éclair dans le cas d’une organisation comme celle d’une grande université. Rien n’y fait. C’est qu’en réalité, ce n’est pas l’université ni sa rapidité de décision qui est en cause, mais uniquement l’hypersensibilité que j’ai développée à l’égard de la stase.
*
Je vous épargne sans la moindre difficulté l’évocation de la semaine restant avant le dénouement – de toute manière il n’y strictement rien de sensé à en dire, et rien d’évocateur non plus, à moins d’écrire quarante pleines pages de sofmj mnuvh resgfufhhutffgn ujth u4tjjht u8t fhsvsjkfeww-91j u hrt rhc2r chth hr3hrhwhh, zzzzz…
*
Faux. Il y a quelque chose à raconter. Un superbe moment.
Le samedi midi, le 18 novembre, donc, je flâne sur Facebook, et tombe tout à coup sur un post de Jean Barbe. Il annonce qu’il part pour le Salon du Livre, où plusieurs auteurs dont il a la responsabilité chez Leméac – notre éditeur commun – ont cet après-midi-là des séances de signature. Comme il a le Salon en sainte horreur, il invite tous ses amis Facebook qui en ont envie à venir lui tenir (métaphoriquement) la main. Je fais immédiatement une chose que j’ai jamais faite – pas très friand moi-même de l’atmosphère centre d’achat qui règne au Salon, je me n’y suis jamais pointé que pour le travail : entrevues, séances de signatures, causeries. Ce samedi-là, sans aucune autre motivation que celle d’aller saluer les copains, je saute dans mes culottes, déboule la côte et me pointe à la Place Bonaventure, où je passe l’après-midi puis la soirée à déranger à tour de rôle tous ceux qui ont le malheur de se pointer dans mon champ de vision, dont les gens de chez Leméac, bien entendu : Lise (Bergevin), la patronne; Pierre (Filion); Jean (Barbe), bien évidemment. Jean-Marie (Jot), des Allusifs. Mais je retrouve aussi Patrick Froehlich, que j’ai connu lors d’une rencontre à la librairie Olivieri, et qui signe son Avant tout ne pas nuire…
… que j’ai très hâte de lire; et Élie Maure, que je rencontre pour la première fois, qui est une femme captivante et dont je rapporte aussi chez moi Le cœur de Berlin…
… qui m’attend lui aussi, juste ici, à ma droite, au coin de mon pupitre.
Tout ça : une formidable bouffée d’air et de vie.
*
Quand le fatidique mercredi finit par se décider enfin à advenir, il ne me reste aucune espèce d’énergie d’aucune sorte. Il n’y a que le tic-tic du compte à rebours de mon lavage de bobettes, mais à tue-tête. TIC-TIC-TIC. Imaginez-vous l’oreille collée sur Big Ben.
Je n’aurai, encore une fois, rien foutu de digne de ce nom, pendant journées entières par-dessus journées complètes, et demain, quand le e-mail arrivera, nous serons rendus le 23 – une semaine pile avant le loyer que je ne pourrai pas payer.
*
Le mercredi passe. Puis le matin du jeudi arrive. Il est huit heures. Il est neuf heures. Oh, oh, il est dix heures. Il est dix heures et cinq. Et dix. Et quinze. Et trente. Il est onze heures. Il est midi. Rien.
Je me dis : peut-être qu’ils l’enverront en revenant de diner.
Treize heures. Quatorze. Plus capable. Épuisé, les nerfs en charpie, je me jette sur mon lit. « Peut-être demain », me dis-je en fermant les yeux.
Je les rouvre vers quinze heures vingt. À tout hasard, je vais vérifier mon courrier. Oups. Un e-mail est arrivé à quatorze heures cinquante-sept. Je l’ouvre. Cette fois, il vient directement du directeur de l’École – en substance : “J’aurais préféré vous apprendre la nouvelle de vive voix – parce que c’est une bonne nouvelle. Mais je n’ai pas trouvé votre numéro. Vous avez le poste si ça vous le dit. Passez-moi un coup de fil.”
*
Vous avez déjà écouté Star Trek – la série, la vieille, celle habitée par des Martiens en caoutchouc-mousse, et dans laquelle les ordinateurs n’avaient que trois pitons qui servaient à tout ? Vous vous rappelez de la téléportation ? Woouuuu-iiiii-chchchchc ?! Et touigneuh-ligne les personnages se ramassaient sur une autre planète ? Et bien c’est ça, l’effet que le courriel me fait : touigneuh-ligne, et je change de planète.
Je cours me passer de l’eau dans la face pour être certain d’être réveillé. Reviens à l’ordino. Et non, le message n’a pas disparu, ni changé de sens en mon absence.
*
Je savais bien que mes jours allaient dramatiquement changer de couleur dans un proche avenir.
Mais apparemment, je m’étais grandement trompé dans mon évaluation de la destination que j’atteindrais.
Voilà, c’est tout.
Comme disait ma grand-mère quand, tout petit, elle me racontait des histoires : “Ki Ki Ki, mon histoires est finie.”
* * *
Je commence par vous présenter l’annonce d’ouverture du poste – histoire que vous sachiez à quoi je répondais dans mon dossier de mise en candidature.
Je vous précise ensuite qu’il sera au passage fait référence à deux pièces dont je soumets les textes – mais vous ne les aurez pas ici.
Et à présent…
Bonjour chez vous ! Portez-vous bien.
Snoop
Montréal, le 15 octobre 2017
Mr Yves Jubinville,
École supérieure de théâtre,
UQÀM.
Re. : Professeur invité 2018-2020
Cher monsieur,
Veuillez recevoir cette offre de service, en réponse à votre appel de candidatures du 14 septembre dernier.
________
Vous remarquerez sans doute rapidement que je ne m’avance pas trop à propos de la liste des cours que je pourrais donner, ni à propos de celles des conférences à la communauté qui seraient envisageables. Pas plus, d’ailleurs, que dans l’élaboration du projet principal.
Pourquoi ?
Pour deux raisons.
La première est que, dans chacun des cas, les possibilités sont nombreuses. Je préfère donc attendre, si ma candidature allait être retenue, de pouvoir discuter avec la direction de l’École des objectifs que je pourrais l’aider à atteindre.
Le deuxième est… que je dois me préserver au cas où ma candidature ne serait pas retenue. L’expérience m’a appris – à grands frais – que si je m’avance trop sur un point ou sur l’autre, cela signifiera que pour y parvenir j’aurai dû « me partir les engins », et rester pris ensuite avec mes projets, sans moyen de les réaliser.
J’ai trop rempli de demandes de toutes sortes, dans ma vie, qui m’ont foiré dans les mains et qui m’ont ensuite bloqué des années durant, pour que le petit jeu me tente encore à l’âge de 60 et quelques.
Ce que je vous propose est donc ceci :
Il vous faut quelqu’un qui peut donner des cours ? Parfait : voici la liste de ceux que je pourrais envisager.
Il vous faut des conférences/séminaires ? Parfait : voici un thème sur lequel je peux vous donner une demi-douzaine demain matin, si ça vous chante.
Il vous faut un projet ? Eh bien, j’en ai un – j’en ai même 2 – et je pourrais vous en sortir 3 autres dans la demi-heure sans que ce soit à la sauvette. Des projets, j’en ai sur le disque dur de mon ordinateur un plein répertoire.
Il faut offrir des services à la communauté ? Vous n’avez pas à me convaincre à ce chapitre, je suis un converti depuis plus de trente ans. Ce que je vous propose : que, sous réserve de modalités à convenir entre nous, TOUTES mes activités de ces 2 années soient ouvertes. Il pourrait même s’en rajouter quelques-unes spécifiquement conçues : conférences, ou que sais-je.
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En somme :
Je vous offre mes services.
Dites-moi si je peux être utile.
Si non, tant pis – mais je n’aurai pas perdu 10, 12 ou 15 autres jours de ma vie à imaginer en vain des projets.
Si oui, bravo ! Asseyons-nous, faisons le tri et décidons de concert de ce que nous avons envie de piger dans le tas.
Salutations distinguées
René-Daniel Dubois
PS : J’y songe tout à coup : ce ne serait sans doute pas une bête idée de votre part, si jamais ma candidature allait être retenue, de désigner dans vos rangs UNE personne qui serait mon vis-à-vis. Je deale nettement mieux avec les individus qu’avec les organigrammes. Merci.
Partez d’un CV…
Auteur…
… d’une vingtaine de pièces de théâtre – dont Being at home with Claude (adaptée au cinéma par Jean Beaudin), Ne blâmez jamais les bédouins (Prix du Gouverneur Général) et Bob (Prix Michel-Tremblay de la meilleure pièce de 2008 créée en français au Canada).
… d’essais – dont Entretiens et Morceaux (finaliste aux Prix du Gouverneur Général).
… des deux premiers tomes du roman Le Livre inachevé de l’Orgueil des Rats – Porte d’Entrée et Vestibule.
… de nombreux textes pour la radio, la télé et le cinéma.
… de deux recueils d’entretiens – De quoi le territoire du Québec a-t-il besoin ? et De quoi les médias du Québec ont-ils besoin ?
… de nombreuses traductions de l’anglais vers le français : nouvelles (Bronwen Wallace, Timothy Findley), roman (Dean Garlick), théâtre (Brecht, Findley, Overmeyer, etc).
Une vingtaine de mises en scène.
Une douzaine de participations à des longs métrages à titre de comédien. Et, sur scène, une vingtaine de rôles.
Quelques milliers d’heures d’enseignement – en écriture, jeu et scénographie.
Plus de cent cinquante conférences, ateliers, classes de maître et jurys – de Montréal à Canberra, Caracas, Moscou, Casablanca, New York et Paris. Thèmes abordés : politique, histoire, écriture et art.
Oh, et puis… officier de l’Ordre du Canada.
Pour d’autres détails :
https://laguerreperdue.wordpress.com/auteur/auteurquelques-images/
Pour la version longue (format pdf) :
http://www.agencegoodwin.com/artistes/rene-daniel-dubois
… ajoutez des considérations d’ordre pédagogique…
Sacrebleu, par quel bout prendre la chose ?
Ah, j’y suis.
J’ai enseigné régulièrement – mais jamais à titre de professeur permanent – depuis 1983.
Cela a commencé à l’École nationale de Théâtre, où François Barbeau, directeur de la section scénographie, bien entendu, me confia un cours d’analyse de texte.
Je décidai de le donner en visant l’élaboration de quasi story-boards qui étaient en réalité bien plus près de la bande dessinée – forme dont j’ai longtemps été un amateur affamé :
Suite à leur lecture de La grosse femme d’à-côté est enceinte, de Michel Tremblay, les étudiants étaient poussés à choisir parmi les thèmes abordés dans le roman celui qui les inspirait le plus, ensuite à expliquer les raisons de cette préférence puis à faire des choix esthétiques tenant compte à la fois de leur désir et d’impératifs arbitraires – structure des cases, recours ou non aux phylactères, palettes de couleurs, nature des personnages, époque de transposition – pour parvenir à l’« incarner » graphiquement.
Les résultats furent à plusieurs égards enthousiasmants. À telle enseigne que Barbeau m’invita à revenir donner le cours. La seconde année, l’œuvre étudiée était le Molloy de Samuel Beckett. La troisième, ce fut un polar de Raymond Chandler. Après quoi il me devint impossible de poursuivre, mes autres occupations me prenant tout mon temps. Au nombre de mes étudiants de cette époque : André Barbe et André Hénault.
Vers la même époque, toujours à l’École nationale, Michèle Rossignol, à la tête de la section française d’interprétation, me confiait pour la première fois un exercice, de 1ère ou de 2e année, je ne sais plus. Je choisis de faire un montage d’extraits de romans québécois. Dans cette première classe : Gildor Roy et Roger Larue, entre bien d’autres.
Puis, les choses continuèrent d’avancer.
Toujours à l’École nationale, enseignement en écriture.
Parmi mes étudiants, au fil du temps, et pour n’en évoquer que deux, de deux époques différentes : Yvan Bienvenue et Geneviève Billette.
Dans ce domaine, je baptisais souvent mon cours « Quelque chose comme… Les fondements de la tragédie ». Il ne s’agissait pas de cours pratiques mais d’exposés de ma part sur des courants esthétiques, moraux et politiques, pour provoquer entre les étudiants des discussions destinées à les aider à identifier des éléments de leur propre pensée puis à les confronter à ceux des autres.
Je me suis toujours refusé (sauf lors d’une charge de cours à l’UQÀM, en… je ne sais plus quelle année) à donner des cours d’écriture à proprement parler. Pourquoi ? Parce que mes idées et mes positions sur le sujet me paraissent trop complexes pour être abordées et mises en pratique en quelques heures (je reviendrai plus loin sur ce sujet) – et que, ces idées et positions pouvant se révéler un rien… bouleversantes…, j’aurais trouvé irresponsable de ma part de commencer un boulot que je n’aurais pas eu le temps de finir – ce qui serait revenu à secouer les étudiants sans avoir ensuite les moyens de les aider à retrouver ne serait-ce qu’un semblant d’équilibre.
Bien.
Les choses commencèrent donc comme ça. Puis continuèrent.
Dans le désordre :
Exercice public avec les finissants du Conservatoire de Québec – classe de Marie Brassard : Les Grands Départs, de Jacques Languirand.
Puis d’autres, à l’École nationale : L’homme qui a vu l’Homme, de Geneviève Billette. Orphée aux Enfers d’Offenbach. Les femmes de bonne humeur de Goldoni, traduit et revu par Marco Micone.
A l’option-théâtre de St-Hyacinthe : Élucubrations couturières d’Evelyne de la Chenelière.
À travers ça, la présidence du CEAD, la création de l’AQAD, et mes mises en scène, écritures et comités de toutes sortes (dont le CSFAD : Conseil Supérieur de la Formation en Art Dramatique – une créature du CQT – où je siègerai aussi) :
Des ateliers dans des festivals : au Festival de Théâtre des Francophonies, à Limoges, et à l’AQJT (la défunte Association Québécoise du Jeune Théâtre), entre autres.
Et puis à Ottawa, au Centre national des Arts; à Vancouver, à la Compagnie de la seizième; et allez donc.
Des jurys d’évaluation des finissants du Conservatoire d’Art dramatique de Montréal.
Le Camp littéraire Félix.
Deux ou trois conférences à l’Université de Moncton. Et, à Edmonton, toute une série, en anglais et en français, sur la politique et sur le théâtre, à l’Université d’Alberta et au Campus Saint-Jean.
Et puis des classes de maitre pour le compte de l’Union des artistes.
Une bonne dizaine de conférences en milieux collégial et universitaire, dans la cadre du programme « Parlez-moi d’une langue » de l’UNEQ.
Ah oui, et puis une petite surprise, autour de 1990. On m’offre sur un plateau d’argent la direction générale de L’École nationale de théâtre : « Si tu la veux, tu l’as. T’as une heure pour répondre. »
J’y réfléchis à haute voix durant une heure, donc. Et refusai.
Pourquoi ? Parce que, à 35 ans, j’étais trop jeune, avec trop de projets à accomplir.
*
Au fil des décennies, en toile de fond, se développent deux réflexions, toutes les deux fondamentales dans ma vie d’artiste, de citoyen et d’Homme.
L’une au sujet du fonctionnement de l’imagination – et de l’accès à elle.
Au milieu de la décennie 2000, je l’aborderai, entre bien d’autres sujets, dans mes copieux essais Entretiens et Morceaux.
Puis, dix ans plus tard, dans certains billets de mon blogue La Guerre Perdue…, notamment dans celui en trois parties intitulé Trois mois.
L’autre, au sujet des refus répétés et inébranlables de l’État québécois d’élaborer une politique culturelle digne de ce nom, dans une société qui pourtant ne peut espérer survivre qu’en se faisant porteuse d’un projet.
De ce sujet aussi traitent Entretiens, Morceaux puis le blogue La Guerre Perdue… et son reflet Le Dernier Qui Part Ferme les Lumières…
C’est à mon sens La question capitale qui devrait animer la population entière, mais au premier chef tous les artistes et aspirants-artistes de cette société.
Le fait que, loin de produire cet effet elle soit même recouverte d’un voile de silence presque parfaitement étanche ajoute encore à la gravité de la situation.
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À partir de l’an 2000, toutefois, mes rapports avec l’enseignement artistique en général, et avec l’École nationale en particulier, où j’ai donné la plus grande part de mon enseignement, commencent à se distendre. Il y a trois raisons à ça.
La première – importante à mes yeux mais objectivement secondaire – est que ça y est, je serais vraiment prêt à enseigner l’écriture : mes réflexions sont parvenues sinon à terme au moins à un point de maturité. Seulement voilà : l’approche qui est la mienne demande beaucoup de temps pour être saisie en pratique, et cela ne peut pas se faire à raison de deux ou trois courtes périodes par semaine. Or, mon offre à la direction de la section écriture dramatique de l’École nationale pour obtenir du temps en conséquence reste lettre morte.
D’un autre côté, plusieurs de mes anciens étudiants, après m’avoir écouté survoler la question lors de discussions ou après avoir lu mes essais, m’ont à maintes reprises, au fil des années, incité à créer ma propre école. Et je m’y suis toujours refusé. L’explication de ce refus est toute simple : l’enseignement – et l’art lui-même, en fait –, tel que je le conçois, ne peut pas se faire « à temps partiel ». Avoir ma propre école n’était donc possible que si elle allait m’assurer de pouvoir survivre financièrement. Et la chose aurait exigé des frais de scolarité tels qu’ils me semblaient exorbitants.
La deuxième raison de mon éloignement, bien plus essentielle : la dégradation fulgurante de l’enseignement donné à l’École nationale en interprétation.
De 2000 à 2012, le naufrage est tel que, cette dernière année là, je dis à certains des finissants avec lesquels je travaille : « Vous devriez poursuivre l’École devant les tribunaux. Sauf en chant, vous n’avez pas reçu l’ombre de la formation pour laquelle vous avez chèrement payé et pour laquelle vous allez être endettés durant de longues années. Ce n’est pas votre faute, et ce n’est pas une question de talent. Vous n’avez pas de diction, pas de souffle, pas de notion de maintien et de mouvement en scène. Vos capacités d’analyse du texte sont médiocres. Et par-dessus tout, on ne vous a pas enseigné à vous motiver et à vous concentrer : travailler trois heures avec vous est aussi épuisant qu’avoir à trainer à mains nues un bloc de pierre des pyramides ! – Je ne peux pas à moi tout seul, en quelques semaines, rattraper trois années de défaillances, mais je peux vous faire percevoir que vos lacunes peuvent être comblées et vous insuffler le désir de poursuivre ailleurs votre formation. C’est à ça que je vais me consacrer – pour que vous n’ayez pas tout perdu. » Et leur réaction, croyez-le si vous le pouvez, fut… enthousiaste !
La troisième raison, enfin, est cruciale – mais elle n’a pas, pas directement en tout cas, trait à l’enseignement du théâtre, elle a trait aux conditions de travail des artistes dans cette société. Ces conditions sont, elles aussi, en pleine dégénérescence – en dépit du talent et de l’énergie déployés de toutes parts.
Je savais dès le début des années 80 qu’à l’égard de la culture et des arts quelque chose n’allait pas dans cette société. Il me fallut plus de dix ans pour avoir la preuve de mon intuition, comprendre les mécanismes en cause et assister au désastre que fut la promulgation de la politique culturelle Frulla, en 92. Aujourd’hui, le cycle est complété : cette horreur porte pleinement les fruits qu’elle annonçait dès la naissance.
En plus de celles déjà données, je me suis donc éloigné de l’enseignement auprès des jeunes artistes pour une raison qui coule de source : en 2017, faire croire à un jeune artiste qu’il aura dans sa société une chance raisonnable de parvenir à accoucher d’une œuvre tient de la supercherie.
Et un enseignement confortablement rémunéré qui ne met pas en garde les jeunes artistes à l’égard des obstacles redoutables qu’ils vont rencontrer, et qui ne les aide pas à se prémunir à leur égard, s’approche dangereusement d’être un acte de collusion.
Il est, de toute manière, trahison caractérisée de l’avenir et de l’espoir.
De quoi il découle qu’à mon sens, dans certaines institutions d’enseignement de premier plan au moins, trois lacunes frôlant la tragédie se perçoivent : manque de rigueur et d’exigence, manque de temps pour approfondir réellement le travail, et manque de perspective, aussi bien culturelle que politique.
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Voilà, c’est tout.
Passons au point suivant.
… assaisonnez généreusement…
a) Possibilités de cours
Un seul sujet me parait incontournable :
Histoire politique et des politiques culturelles : Quelle que soit l’œuvre que vous envisagez, à laquelle vous rêvez ou dont vous sentez en vous s’agiter les premiers remuements : « Dans quel monde concret serez-vous appelés à créer ? » L’artiste doit se faire une image riche du monde au sein duquel il œuvre, autrement… ce qu’il fait, c’est des balounes.
Ensuite, dans le désordre (puisqu’à mes yeux tous ces sujets passionnants se trouvent sur un pied d’égalité) :
Scéno :
Analyse de texte.
Storyboard.
Lignes de force et rôles narratifs spécifiques aux décors et aux costumes.
Mise en scène :
Analyse de texte.
Détermination des enjeux du texte à privilégier.
Passage à la mise en espace et en corps.
La théorie dite de la torpille : la représentation n’a pas lieu sur scène mais dans l’esprit du spectateur.
Comment s’adresser à ses collaborateurs-concepteurs.
Écriture :
Qu’est-ce que parler veut dire.
Qu’est-ce qu’un récit.
Qu’est-ce que l’imaginaire et comment fonctionne-t-il… en l’absence temporaire du Dr Freud, malheureusement retenu ailleurs par des obligations professionnelles pressantes.
Jeu :
Déchiffrage du texte (se « rendre » au texte).
Jeu physique appuyé sur le texte
Prosodie, déclamation et diction (Il n’existe pas de langage « naturel », alors soyez prêts à construire le vôtre).
Lumières :
Analyse de texte,
Lignes de force et rôles narratifs spécifiques à la lumière.
… touillez…
b) Enjeux des cours
Quels que soient les sujets de cours retenus, deux préoccupations essentielles me paraissent impossibles à contourner :
1- Développement d’une exigence radicale en termes de rigueur. Ou bien les artistes de théâtre apprendront à se montrer impitoyables à leur propre endroit, ou bien ils disparaitront sans laisser de trace. Le processus est déjà très engagé.
2- « Comprendre » le monde où l’on crée. Tout croche s’il le faut – mais « comprendre ». Coûte que coûte. Parvenir à se créer du monde contemporain, des mondes contemporains, une image qui ne soit pas celle que l’on s’imagine « naturelle » – ce qui constitue bien entendu un non-sens.
Ces deux ordres de préoccupation devraient être partagés et par les praticiens et par les théoriciens.
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Rêvons.
Durant les deux années en question, l’École supérieure de l’UQÀM pourrait poser les premiers jalons d’un projet qui lui permettrait dans un proche avenir de devenir un lieu de la révolte – afin que les arts prennent enfin le milieu de la scène au Québec.
Ce n’est pas une question de luxe, c’en est une de survie.
Au début des années 1970, c’est dans ce but lointain qu’André Pagé œuvra en prenant les rênes de l’École nationale : encourager l’émergence de nouvelles voix – en écriture, en mise en scène, en jeu.
À présent, ce projet est mort.
Il doit renaître.
Dans la réalité d’aujourd’hui.
… versez dans un grand bol ou dans deux petits…
Des projets, vous dites ?
En voici 2 possibles.
Un lourd, un light.
Commençons par le lourd :
1- LA PRIÈRE DU RENARD
Dans les années 1980, j’ai mis en chantier une énorme pièce intitulée La Prière du Renard.
Une fois achevée, elle aurait duré 12 heures – 4 X 3 heures.
À l’époque, Marie-Hélène Falcon, au Festival de Théâtre des Amériques, m’avait offert d’en programmer une lecture publique full scale l’année suivante si je parvenais à la terminer entretemps. Malheureusement la chose ne put pas se faire, parce que, dans l’année qui s’annonçait, je savais pertinemment que je ne saurais jamais trouver le temps nécessaire – et ne l’ai d’ailleurs jamais eu depuis non plus…
Depuis 30 ans, elle est donc restée à demi écrite – mais je n’ai jamais (totalement) renoncé au projet de la terminer un jour – ou d’à tout le moins continuer d’avancer encore un peu dans son élaboration.
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En plus d’être excessivement longue, elle est d’un coût exorbitant à produire : elle finit (le 4e soir), par exiger la présence en scène de 70 personnes – un « orchestre symphonique d’acteurs » au sein duquel il se trouve d’ailleurs quelques véritables musiciens.
Pour encore un poil simplifier les choses, elle est gigogne, c’est-à-dire qu’elle raconte que quelqu’un a raconté que quelqu’un lui a raconté que quelqu’un lui a raconté… en six couches.
En clair, cela signifie que si un personnage du cercle primordial (la situation-trognon, à la source de cette série de narrations) joue une scène dans son propre présent, la scène en question peut être reprise, complétée ou commentée par six autres personnages, chacun/chacune au cœur de son propre temps : un dans chacun des cercles plus larges.
J’essaie d’être un brin plus clair :
Nous sommes autrefois, et X… prend un café.
Plus tard, X1, quant lui, raconte qu’autrefois X a pris un café.
Encore plus tard, X2 raconte qu’autrefois X a pris un café, et ajoute peut-être, ou peut-être pas, qu’ensuite X1 a raconté la chose.
Nous avançons toujours dans le temps : X3 raconte qu’autrefois X a pris un café, que X1 a ensuite raconté la chose en la commentant ou pas, puis que X2 a raconté non seulement la séance originelle de dégustation mais aussi sa narration par X1, et ses raisons de commenter ou pas, narration reprise plus tard par X2.
Et ainsi de suite… jusqu’à X6.
Au présent de la narration (le cercle le plus large), X6, en racontant, peut donc choisir de mettre l’accent soit sur l’événement primordial lui-même, soit sur les circonstances de n’importe lequel des niveaux de narration intermédiaire par X2 à X5.
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C’est bien beau, tout ça, mais à quoi bon ?
Eh bien, parce que la pièce porte… sur le chemin que fait un récit dans le monde, et les effets que peut engendrer son voyage.
En gros :
Un soir, au hasard d’une rencontre, un homme apprend, à sa stupéfaction sans borne, que le récit d’un terrible événement qu’il a vécu autrefois a été raconté un grand nombre fois, a sauvé des vies, est devenu légende – alors que lui n’a toujours pas compris comment il a bien pu survivre à la douleur qu’il en a conçu.
Je joins le texte-chantier à cet envoi.
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La proposition que je vous présente est celle-ci :
D’une part assurer des cours dans les matières que nous pourrons choisir parmi les possibles.
Tandis que, d’autre part, je travaillerais des passages de la pièce avec différents groupes, l’objectif étant, au terme des deux années, d’aboutir à une mise en lecture, d’avoir peut-être avancé encore dans l’écriture, et que certains passages aient même été mis en scène par des étudiants.
Vous avez bien lu : je vous propose ni plus ni moins que de monopoliser durant deux ans une grande partie de vos effectifs et de vos ressources pour déboucher sur une lecture-spectacle durant entre six et douze heures, par moments presque achevée, par d’autres à peine esquissée.
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Et le projet light :
2- RITA COURNOYER JOUAIT « PHÈDRE »
En très bref :
Cette pièce constitue un pari.
La chose est presque immanquable : en québécois, l’alexandrin fait rire.
Mon idée en écrivant Rita était, tout bonnement, de venir à bout du cliché comique attaché aux vers, et d’écrire une pièce entière en alexandrins et en québécois, à la fin de laquelle on ne rirait plus : on serait dans la tragédie.
La pièce passa à un cheveu d’être créée au Théâtre d’Aujourd’hui, sous le directorat de Robert Lalonde, mais malheureusement, à la dernière minute une partie essentielle du financement nous fut refusée.
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Je qualifie de light cette version-ci du projet que je vous soumets parce qu’il me semble tout à fait envisageable de le réaliser dès la première année.
La seconde, je pourrais monter une autre pièce.
… sacrez le feu !…
Que l’on entende par le terme de « communauté » celle de l’École supérieure, celle de l’ensemble des artistes de théâtre québécois ou la société entière, je suis tout à fait disposé – je suis même excité comme une puce à cette perspective – à mettre énergiquement l’épaule à la roue en m’adressant à elle.
Ma participation pourrait prendre plusieurs formes : des conférences ouvertes au public, par exemple, ou bien des classes de maître offertes à des auteurs ou des acteurs ayant déjà complété une formation de base.
Dans toutes les éventualités, je n’aurais pas non plus d’objection à ce que les répétitions du spectacle-projet retenu, que ce soit le lourd ou le light, soient ouvertes au public – sous réserve de certaines modalités qui seraient à établir.
En ce qui a trait à des conférences : une foule de sujets sont possibles. Nous pourrons en discuter… le cas échéant.
Mais il m’est venu ces jours-ci une idée que je laisse trainer ici mine de rien sur le coin de la table.
Il y a plusieurs mois de ça, un acteur professionnel remarquable de Montréal m’a fait part de son engouement pour le contenu de mon blogue La Guerre Perdue…, et nous avons rapidement évoqué la possibilité de le « mettre en représentation ». C’est-à-dire d’en faire des lectures publiques qui pourraient être appuyées par des documents – projections d’images fixes ou de documents d’archives, musiques.
Autrement dit : que le blogue devienne un show !
L’idée me sourit intensément – et une collaboration avec l’École supérieure serait sans doute une formidable occasion pour la mener à bien, auquel cas la formule pourrait encore prendre un peu d’envergure : des étudiants pourraient s’y trouver mêler, en plus d’autres artistes professionnels que celui déjà évoqué.
… et vous obtenez :
Deux années de conception et de répétitions débouchant sur un spectacle d’une durée de dix heures : la création de La Prière du Renard – faisant appel à jusqu’à 70 interprètes, dont des musiciens.
Une série à haute teneur polémique de lectures-spectacles-conférences du blogue La Guerre Perdue…, sur l’histoire des non-politiques québécoises en matière de culture.
Des classes de maitre en jeu.
D’autres conférences – ouvertes ou non au public – sur l’imaginaire et son fonctionnement.
Des cours de scéno, et/ou de jeu, et/ou d’éclairage, et/ou d’écriture.
Voilà, c’est tout.
Portez-vous bien.
(28 novembre 2017)
Suite
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