Novembre 1999
Deux profs de littérature m’ont invité à m’adresser à leurs étudiants en compagnie de Raoul Duguay.
Thème suggéré : La littérature québécoise au XXIe siècle.
Je choisis pour ma part de plutôt intituler la mienne :
Ce que sera ou non la culture québécoise au XXIe siècle
Plutôt que d’aborder « de front » la somptueuse question de la culture et de la littérature québécoises telle qu’elles se développeront ou non au cours du siècle prochain, permettez-moi de préciser plutôt un peu certains termes. En voici trois, par exemple : Culture, Virtualité et Post-modernité; laissez-moi vous confier quelques réflexions à leur sujet et, ce faisant, j’aurai nommé de mon mieux ce que la question posée évoque chez moi.
Je précise d’abord qu’en tant que telle, la question de savoir de quoi la culture québécoise aura l’air dans cent ans ne m’intéresse en aucune façon ─ ‘scusez-moi. D’abord, parce qu’il n’y aucun moyen de le savoir, et ensuite parce que ce qui m’intéresse c’est de comprendre ce qui se passe PRÉSENTEMENT. En ce qui a trait à l’avenir, deux de mes dictons préférés sont :
« Nous le saurons bientôt mieux que les devins »
et
« Si ça vous dérange pas, attendons d’être arrivés à la rivière, avant de traverser le gué ─ ou le pont. »
Ce qui m’intéresse, c’est, donc, aujourd’hui. De toute manière, d’une façon ou d’une autre, ce qui va faire DEMAIN, c’est AUJOURD’HUI. Or justement, la question de savoir ce qui se passe AUJOURD’HUI est déjà bien assez compliquée pour ne pas que je me sente tenté le moins du monde de vous faire accroire qu’il existerait bel et bien une telle chose que des boules de cristal.
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La première réflexion que m’inspirent les trois mots que je vous propose ─ je les répète : Culture, Virtualité et Post-modernité ─, c’est une réflexion globale à leur sujet, à leur sujet à tous les trois ensemble. Attention je risque fort de vous faire de la peine. Je crois que, dans le sens où on les emploie habituellement chez nous, ces trois mots-là sont des canulars, des attrape-nigauds, des « pognes ». Des pognes qui servent à quoi ? À nous faire accroire que notre époque serait beaucoup plus différente de celles qui l’ont précédée qu’elle ne l’est en réalité.
Pour l’essentiel, je crois que le monde change beaucoup moins vite qu’on ne le pense habituellement. Ce qui change vite, c’est la technologie. Ce sont les applications des connaissances théoriques que nous avons. Mais les idées de base, elles, quand elles bougent, c’est à la vitesse d’un escargot. Et encore, d’un escargot qui prend son temps. Pourquoi ? Eh bien parce que l’être humain, lui, ne change pas. Ce qui change, ce sont ses outils. Et même là, mêmes les outils, les outils fondamentaux, ne changent pas tant que ça.
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Prenons le mot « virtualité », par exemple, qu’on entend chaque jour assez souvent pour en tomber malade. On l’utilise aussi souvent parce qu’on est plus ou moins consciemment convaincus que nous, contrairement à nos ancêtres, nous vivrions dans un monde « virtuel », c’est-à-dire dans un monde de possibles infinis, que nous pourrions étudier à l’avance à l’aide de maquettes, en quelque sorte, de projections que nous arriverions à créer à partir des possibilités que la réalité nous offre. Eh bien laissez-moi vous dire une petite chose : que notre époque soit celle de la virtualité, c’est vrai, mais prétendre qu’elle le serait davantage que celles qui l’ont précédée, c’est de la pure schnoutte, c’est de la bouillie pour les chats. Pourquoi ? Eh bien tout simplement que le top du top de la virtualité à l’état pur, CE N’EST PAS un portable Pentium III équipé d’un modem cellulaire et d’une carte graphique Bouboule-29. Le top du top, en matière de virtualité, c’est la parole. D’ailleurs, non seulement il n’y aurait pas d’ordinateur, d’internet ni de modem si la parole n’avait pas été là pour d’abord organiser le monde et la connaissance que nous avons de lui, mais il n’y aurait pas non plus ni électricité, ni téléphone, ni plastique, ni matières de synthèses nécessaire pour le fabriquer, l’ordinateur, et surtout, surtout !, il n’y aurait bien évidemment pas les concepts nécessaires pour l’imaginer.
Le top du top, en matière de virtualité, ce n’est pas ce qu’un ordinateur peut faire, ce n’est même pas le fait de fabriquer un ordinateur, c’est le fait de l’imaginer. Et ça, c’est le langage qui le permet. Donc ? Donc, la virtualité, essentiellement, c’est le langage, pas l’ordinateur. L’ordinateur, c’est un outil. Un outil extraordinaire, mais un outil quand même. Or ce ne sont pas les outils qui changent le monde, ce sont les idées ─ une hache, dans un monde où on n’a pas le concept de hache, on ne s’en servirait même pas. Un 747, même avec les réservoirs pleins à ras-bord, au temps de Louis XIV, les gens s’en seraient servis comme d’une maison où les lits sont vraiment très très inconfortables ─ tu parles d’une idée, toi, dormir assis. Ce ne sont pas les outils qui forgent les idées, c’est le contraire; ce sont les idées, et donc le langage, qui forgent les outils.
Alors, dans le genre « champion du virtuel », notre époque pourra toujours repasser.
Inventer un nom pour les couleurs que personne, jusqu’à ce jour-là, n’avait pensé à discerner les unes des autres, ça, c’était être plogué sur le virtuel. Ou comparer les langues entre elles, et se demander pourquoi « soleil », qui est masculin dans certaines d’entre elles, est féminin dans d’autres; et ce que ça implique, qu’on ait grandi dans la première langue plutôt que dans la seconde. Arriver à déduire à partir de cadavres la circulation sanguine, l’existence des bactéries ou pressentir l’existence du radium ─ toutes choses que personne n’avait jamais vu de ses propres yeux ─ juste à partir de leurs effets, ça, c’était de la virtualité, les copains. Or, ça ne s’est pu que grâce au langage. Grâce à un langage clair, précis, conscient ─ ordinateur ou pas. L’ordinateur est optionnel ─ à preuve : le circulation sanguine, les bactéries, le radium on été découverts sans lui. L’ordinateur est optionnel, mais le langage, lui, ne l’est pas. L’ordinateur peut nous aider à travailler, mais il ne peut pas faire le travail à notre place.
Je pense que quand Newton a reçu sa fameuse pomme sur la tête et en a déduit les lois de la gravité universelle, ou quand, un beau matin, il y a des milliers d’années de ça, un gars et une fille se sont aperçus qu’ils n’avaient pas besoin d’un billot complet pour faire avancer leur grosse roche en poussant dessus, mais que sa circonférence, au billot, suffisait amplement, et que de ce fait ce petit couple-là a inventé ce matin-là la roue, ce qui importait, ce n’était pas le think-pad qu’ils avaient ou non à portée de la main, mais le fait que ce qui se passait sous leurs yeux les intéressait. Ils ne se contentaient pas de regarder, ils voyaient. Et ils pensaient.
Ils ne contentaient pas d’être quelque part. Ni de faire quelque chose. Ils pensaient à cet endroit. Et ils pensaient à ce qu’ils faisaient.
En ce qui concerne notre époque, je voudrais bien être à même de prétendre aujourd’hui que nous pensons autant que ces gens-là pensaient, mais je suis, hélas, loin d’en être convaincu. Et l’engouement pour la mode de la soi-disant hyper-virtualité contemporaine n’est pas de nature à m’encourager.
Dans la vie, on a le choix : ou bien on se raconte des balounes, ou bien on pense. Les deux ensemble font la plupart du temps un très mauvais mariage.
Essayez de faire fonctionner un ordinateur en lui demandant littéralement « Fais-moi donc, t’sais là, quequeu chose, t’sais ». Vous allez voir ce qu’il va vous sortir ! Pourtant, tout obnubilés que nous sommes pas nos outils, certes remarquables mais qui ne penseront jamais à notre place, c’est exactement ce que nous nous faisons les uns aux autres : « J’aimerais ça avoir, t’sais veux dire, l’affaire là » ou encore « J’me sens, t’sais veux dire, j’me sens, t’sais, ah pis arrête donc d’me niaiser, tu l’sais ben ». Pas seulement dans la vie quotidienne, en famille ou entre amis, mais aussi en société; en politique, en économie : « Mes chers amis, le temps est venu de faire queuqueu chose ─ et je vous promets que je vais le faire ». Effectivement… mais je ne vois pas bien où est le mérite; à partir du moment où on fait, c’est nécessairement « quequeu chose » qu’on fait.
Quand j’observe le manque de rigueur dans le langage, et l’aspect extrêmement pablum de la pensée sociale et politique dans notre société, ce que j’ai à vous dire, c’est donc ceci : si ce que je vois aujourd’hui continue demain, je ne sais pas ce que ça va donner exactement, mais j’ai bien de la misère à m’imaginer que ce soit quoi que ce soit d’autre qu’encore plus de pensée-pablum.
— Votez pour moi et pour ma cause, je vous aime !
— Ouan. Ok. Pis ? Je connais du monde pour qui la seule manière d’exprimer leur amour, c’est de chrisser une volée à leur blonde ou à leurs enfants. Ça te dérangerais-tu d’être un peu plus précis ?
*
Deuxième mot : « Post-modernité ».
Ça veut dire quoi, ça : « une société post-moderne » ?
Eh bien je vais vous l’avouer tout crûment : ça veut dire une société où la démocratie est passée de mode.
La modernité N’EST PAS définie comme étant une période de l’histoire où les êtres humains ont la possibilité d’acheter leur chocolat en palettes enveloppées individuellement, ni par l’existence des avions, ni par la fréquence des voyages sur la lune, ni non plus par le genre d’institutions politiques qu’on a ou qu’on n’a pas.
La modernité est définie par un projet, par un projet philosophique, c’est-à-dire que la modernité se définit comme la mise en avant d’une manière de voir le monde, de voir la vie et de voir ses semblables, une manière qui a « pogné son swigne » il y a à peine deux cents ans ─ une pinotte, à l’échelle de l’Histoire. Cette manière de voir, c’est celle qui est associée à la démocratie, par opposition à ce qui avait cours sous ce qu’on a appelé l’Ancien Régime. La démocratie, c’est la mise en avant de l’égalité des citoyens entre eux, entre eux TOUS !, par opposition au règne d’élites qui se considèrent elles-mêmes comme étant PAR NATURE différentes des autres parties de la population. Donc, la démocratie, ce n’est pas, EN SOI, le fait d’avoir ou non un parlement, puisqu’il a existé des régimes qui n’avaient rien à voir avec la démocratie et qui en avaient, des parlements.
Si on croit à l’égalité des citoyens entre eux, en dignité et en droits, la « post-modernité » c’est donc, ça aussi, de la schnoutte à l’état pur. Il ne peut pas y avoir « autre chose » après la démocratie. Il y a démocratie ou bien alors il n’y a pas démocratie. S’il n’y en a pas, on se fout de savoir si c’est parce qu’elle n’y est plus ou si c’est parce qu’elle n’y est pas encore : elle n’y est pas et c’est tout. Parler d’au-delà de la démocratie, c’est en fait la même chose que de parler d’avant la démocratie : c’est parler d’une époque où il n’y a pas de démocratie. Point.
Je vous donne un exemple. Parmi les gens qui se sont le plus farouchement battus contre les idées issues de la Révolution française, laquelle révolution marque justement le cœur de la modernité, il y avait un monsieur qui s’appelait Joseph de Maistre. Joseph de Maistre, c’est le prototype même de ce qu’on appelle un Réactionnaire : la démocratie, même juste le mot, il haïssait ça à en avoir des cauchemars et sans doute des brûlements d’estomac, c’est pas compliqué : il tombait en transes, quand il entendait le mot.
Juste pour vous donner un exemple, pour que vous n’alliez pas vous imaginer que je vous monte un bateau : le dictionnaire des auteurs le décrit contre ayant été rien de moins que l’Initiateur ─ le fondateur ─ de la pensée contre-révolutionnaire. C’est des idées que de Maistre formule que, plus tard, viendra le projet de déclarer le Pape infaillible, et de permettre au clergé de se mêler activement de politique pour empêcher que se répandent des horreurs comme… la notion de droits de l’Homme. Les droits de l’Homme, c’est-à-dire le principe selon lequel tous les hommes naissent égaux en dignité et en droit, c’est à l’attaquer, à le nier, que de Maistre a passé la presque totalité de son existence. Il disait : « Il faut absolument tuer l’esprit du XVIIIe siècle ».
Donc, quand on parle des ennemis de la modernité, comme la modernité c’est l’héritage de la Révolution française et tout particulièrement le principe des Droits de l’Homme, l’ennemi-en-chef, si je puis dire, le premier qui a organisé les arguments pour lancer l’attaque, c’est Joseph de Maistre.
Eh bien un des plus fervents admirateurs de Joseph de Maistre et des ses pensées, au Québec, était un curé. Pas n’importe quel curé : un curé qui a eu une importance absolument capitale dans la définition culturelle du Québec, jusqu’à nos jours, INCLUSIVEMENT. Il y a des gens, aujourd’hui, qui essaient de nous faire accroire que c’est pas vrai, qu’il n’en a plus, d’importance, le curé en question, mais il suffit de lire même seulement trois ou quatre d’entre ses très nombreux livres pour s’apercevoir à quel point il reste capital de le connaître si on veut se comprendre. Non seulement il est essentiel de le lire lui, mais il est tout aussi capital de lire aussi les livres que lui il lisait, et les livres que ses auteurs préférés lisaient, et ainsi de suite. C’est comme ça, qu’on finit pas comprendre de quoi quelqu’un parle quand il est train de nous parler. Eh bien un des signes de son importance, de son pouvoir, encore aujourd’hui, à ce curé qui adorait littéralement les idées de Joseph de Maistre, c’est qu’à peu près tous les gens qui, à son époque ou depuis, se sont opposés à lui, ont été à peu près complètement effacés des livres d’histoire. Leurs noms, vous ne les avez vraisemblablement même jamais entendus et le risque est extrêmement faible que vous les entendiez jamais. Sa victoire, au curé en question, a été absolue. Il n’existe à peu près pas de livres, ni de monuments, dédiés à la mémoire de ses ennemis, alors que lui, eh bien… il s’appelait… Lionel Groulx. Le collège s’appelle comment, ici ? Venez donc m’expliquer qu’il n’est plus important ! Le drapeau bleu, c’était lui; venez donc m’expliquer qu’il n’est plus important. Les idées qu’il défendait ont abouti à la Loi 101; venez donc m’expliquer qu’il n’est plus important. Joseph de Maistre, Groulx le citait aussi souvent que l’occasion s’en présentait. Et quand l’occasion ne se présentait pas, il s’en inventait une.
Tout ça pour vous dire que d’entendre vingt fois par jour le mot « Post-modernité », dans une société dont les fondements politiques ont été presque entièrement définis par un homme qui haïssait tout ce qui compose la modernité, et qui a passé sa vie à la combattre, cette modernité, vous pouvez bien en penser ce que vous voudrez, moi, ça me fait vomir.
Assez de politique ? Vous voulez qu’on parle de culture ? Parlons-en.
Les idées défendues par le cher chanoine Groulx s’inscrivaient dans une pensée politique qui se définit par la haine qu’elle porte, entre mille, à deux choses en particulier : la libre-pensée et la culture. C’était il y a cent ans. Le Québec se caractérisait par la pauvreté de son système d’éducation et la rareté de ses bibliothèques. Alors les adversaires des idées du chanoine décidèrent, pour encourager la culture en dépit des curés, de créer à Montréal une grande bibliothèque municipale. Elle existe encore, sur la rue Sherbrooke, avec ses grandes colonnes grises. Elle est le symbole de ceux qui ont lutté pour que le Québec devienne autre chose que ce qu’il est devenu ─ et qui ont perdu la bataille : ils se sont fait écrapoutir à plate-couture. Par exemple, pour se venger de la construction de la bibliothèque centrale de Montréal, les curés créèrent une autre bibliothèque, pour pouvoir continuer de contrôler ce que les gens lisaient. Ça a donné la bibliothèque Saint-Sulpice, sur la rue Saint-Denis, juste en bas de la côte, à côté du bar Saint-Sulpice. Eh bien, cent ans plus tard, il y a deux ou trois ans, les héritiers politiques du chanoine et de ses maîtres annoncent qu’on va bâtir une grande bibliothèque nationale. Et qu’on va, pour l’occasion… fermer la bibliothèque de la rue Sherbrooke. Mais conserver celle de la rue Saint-Denis. Cent ans plus tard, les patrons du chanoine gagnent toujours. Et, ce qu’il y de pire encore : personne ne dit un traître mot. Pourquoi ? Parce qu’à peu près personne n’est au courant. Les héritiers du chanoine et de ses idées, ce sont eux aussi qui écrivent les livres d’histoire. Tous, presque sans exception. Au moment même où on va enfin fermer ─ et qui sait, peut-être même démolir ─ cet horrible symbole de la modernité qu’était la bibliothèque centrale de Montréal, le Québec est toujours une des provinces canadiennes qui investit le moins dans les bibliothèques publiques. On coupe dans l’éducation. Et sur les soixante-deux gouvernements de provinces ou d’États d’Amérique du Nord, il se classe au soixantième et unième rang pour ce qui est des dépenses per capita en éducation supérieure.
Vous êtes bien certains que vous avez vraiment envie que je vous dise ce que je pense de ce que cette province va avoir l’air dans cent ans ?
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Troisième point, tel que promis : la culture.
Ça va être court. Le culture, c’est le rapport au monde. Le rapport CONSCIENT, le rapport NOMMÉ, au monde. Ça veut dire qu’une société où ce qu’on SENT est plus important que ce qu’on PENSE, ce n’est pas une société qui a une culture, c’est une société qui a des états d’âme. Ça n’a pas de rapport. Les émotions ne sont qu’une seule des catégories de choses que le monde nous inspire. L’émotion sans la connaissance, et l’émotion sans la pensée, ça s’appelle du délire. Or la connaissance, ça s’acquiert, mais il faut des écoles. Et dans ces écoles, il faut une langue, une langue claire et précise. Et pour qu’il y ait des écoles, il faut que la société soit animée par une désir de dignité. Pas de dignité collective. De dignité individuelle, sur laquelle repose la démocratie.
Sans démocratie, pas d’éducation digne de ce nom. Donc, pas de culture.
Sans pensée, pas de langue, rien que des émotions.
Sans éducation, sans pensée, sans langage, pas de démocratie.
Durant les cent dernières années, en dépit d’apparences trompeuses, non seulement le Québec n’a pas avancé, en termes de modernité ─ sauf en ce qui a trait aux questions technologiques ─, il a même reculé. Il n’y a même plus personne pour créer aujourd’hui des bibliothèques qui feraient ce que faisaient celles qu’on ferme et qu’on avait créées dans ce temps-là.
Il n’y a plus personne pour s’opposer à ce que font aujourd’hui les descendants idéologiques du chanoine Groulx.
Alors, de quoi auront l’air la culture et la littérature québécoises du XXIe siècle ?
C’est tout simple : elles seront ce que nous en ferons.
Ou bien nous continuerons à nous taper dans le dos, les yeux pleins de larmes, à nous dire entre nous combien on est bon, à quel point tout ce qui nous arrive de mauvais est de la faute des autres, et à nous chanter « Gens du pays » en se regardant dans le blanc des yeux.
Ou bien nous nous calmerons les ouïes, du côté des émotions, pour cinq minutes, et nous nous demanderons en adultes ce que nous sommes en train de faire. Et ce que ça veut dire. Et ce que ça implique.
Dans un premier temps, je vous préviens : le choc risque d’être profond en pas-pour-rire.
Et la colère. J’en parle en connaissance de cause.
Ou bien nous le ferons. Un par un. Une par une. Ou bien nous ne le ferons pas.
C’est tout.