Incipit : Premiers mots d’un manuscrit, d’un texte; début d’une œuvre musicale. L’expression vient de la locution que l’on trouve au début des manuscrits latins du Moyen Âge : incipit liber, « ici commence le livre ».
*
L’origine de cette série de billets initialement publiés sur mon mur Facebook est brièvement racontée dans le premier.
Les voici, dans l’ordre chronologique de leur mise en ligne.
(23 mars 2020)
24 janvier 2020
C’est peut-être l’une des images les plus fortes de la littérature du XXe siècle – avec le gars qui se réveille un matin transformé en insecte – chez Kafka – et celui qui, coincé par une quarantaine sanitaire, attend, en espérant survivre jusqu’à ce moment-là, la réouverture des portes de sa ville ravagée par la peste – chez Camus.
Dans Fahrenheit 451, Ray Bradbury imagine un monde où les pompiers mettent le feu. Aux livres. C’est leur nouveau mandat : les autorités considèrent que les bouquins, avec toutes les chimères qu’ils véhiculent et promeuvent, nuisent au moral de la population et qu’il est de leur devoir de faire un grand ménage. Ils ont le pouvoir de se lancer… alors ils y vont.
Mais Bradbury ne s’est pas arrêté là. Non content d’avoir eu l’idée de cette société qui s’enfonce dans la mort choisie comme dans un vague cauchemar mou, il a imaginé ce que les humains pourraient bien lui répondre, à cette société : les Hommes-Livres. Cachés dans une forêt, des femmes et des hommes apprennent par cœur, pour en préserver l’existence, toutes les œuvres sur lesquelles ils et elles peuvent mettre la main.
Apprendre « par cœur »… quelle magnifique image, qui dit bien ce qu’elle a à dire : apprendre par le cœur.
C’est en repensant à ça, ce matin, qu’il m’est venu l’idée d’une série de billets que j’ai envie de publier ici : la première phrase – l’incipit – d’œuvres qui m’ont marqué.
*
À tout seigneur tout honneur :
« C’était un plaisir tout particulier de voir les choses rongées par les flammes, de les voir se calciner et changer. »
Ray Bradbury, Fahrenheit 451
*
Une magnifique journée à vous.
24 janvier 2020
« Bien des année plus tard, face au peloton d’exécution, le colonel Aureliano Buendia devait se rappeler ce lointain après-midi au cours duquel son père l’emmena faire connaissance avec la glace. »
Gabriel Garcia Marquez, Cent ans de solitude
*
Si vous êtes bien sages et mangez tous vos légumes – oui ! même le brocoli et les petits pois ! –, un jour mononk Snoopy vous racontera comment, un soir des années 90, à Caracas, il se retrouva soudain avec dans les mains le tout premier exemplaire du roman, autographié par l’auteur, que venait de lui tendre une des deux personnes à qui il est dédié.
*
Supplément du 26 janvier 2020
Parlant de Cent ans de solitude…
Comme promis, et puisque vous avez été bien sages, que vous n’avez presque pas laissé de brocoli dans vos assiettes – et qu’il ne reste donc plus à régler que le cas litigieux des maudites carottes… – voici l’anecdote annoncée.
Je l’avais racontée en mai 1993 dans un article que m’avait commandé Le Devoir dans le cadre d’une série qu’il publiait sous le thème de… du « Coup de foudre », il me semble.
Le voici. (Vous le trouverez en suivant ce lien)
25 janvier 2020
« Allons, Flipote, allons, que d’eux je me délivre. »
Molière, Le Tartuffe
*
Quand on écrit une pièce, il y a plusieurs façons de lancer l’action.
Par exemple, pour faire un parallèle avec un trajet d’avion, on peut commencer à l’enregistrement des bagages, passer la sécurité, aller poireauter dans la salle d’attente, procéder à l’embarquement, boucler sa ceinture… puis attendre le décollage. Ou bien on peut carrément commencer en pleine tempête et y aller tout de suite avec la voix du capitaine qui annonce, en parlant un peu trop fort et d’une voix qui tremblote : « Mesdames, messieurs, nous venons d’entrer dans une zone d’intenses turbulences, veuillez IMMÉDIATEMENT regagner vos places, attacher vos ceintures et redresser les dossiers de vos fauteuils ! »
Dans la deuxième catégorie, je pense bien que Tartuffe est sans doute un des exemples les plus époustouflants.
Imaginez : le rideau se lève, et tout de suite, une dame âgée, fâchée noire, traverse la scène au pas de charge, sa bonne sur les talons, en gueulant : « Arrive, Martha, chus pus capab’ d’ leur voir la face ! »
Derrières elles deux, vient toute la famille, atterrée, qui essaie de la retenir : « Mais voyons, belle-maman, calmez-vous… »
Elle, s’arrête pile, fait demi-tour, et leur rive chacun leur clou en trois phrases, l’un après l’autre : « Toi, tu parles trop ! », « Toi, tu es un sot », « Toi, tu es une hypocrite ! », « Toi, tu ne sais pas te conduire ! » et « Toi, tu n’as pas de morale ! ».
Au bout de même pas cinq minutes, vous savez qui est qui dans cette famille-là… il ne reste plus qu’à faire entrer le Méchant et sa Proie.
Formidable !
*
Les photos sont de la production mise en scène par Roger Planchon, au TNP, en octobre 1976.
26 janvier 2020
« Ils allaient, ils allaient toujours, et lorsque cessait le chant funèbre, on croyait entendre, continuant sur leur lancée, chanter leurs jambes, les chevaux et le souffle du vent. »
Boris Pasternak, Le docteur Jivago
*
À lire. Une merveille.
Et en supplément, si vous ne l’avez pas encore vu, je ne saurais trop vous conseiller le film magnifique que David Lean a tiré du roman.
*
Images : la couverture de mon exemplaire en livre de poche, un portrait de Pasternak, une photo tirée du film et une autre citation du même roman qui orne un des murs de mon bureau en compagnie d’une phrase d’un autre de mes auteurs préférés.
27 janvier 2020
« À madame Saville, Angleterre ─ Saint-Pétersbourg, 11 déc. 17… ─ Tu seras heureuse d’apprendre qu’aucun désastre n’a marqué le début de l’entreprise au sujet de laquelle tu nourrissais de si funestes pressentiments. »
Mary Wollstonecraft Shelley, Frankenstein ou Le Prométhée moderne
*
Oubliez les clichés de monstres dyslexiques de deux mètres de haut qui ne connaissent tellement pas leur force qu’ils vous arrachent le bras en vous serrant la main, les clous enfoncés dans le cou et le dessus de la tête plate.
« Frankenstein », l’histoire de l’être sans nom, est une fable. Une fable remarquable sur la révolte humaine qui se trouve au cœur de toute l’entreprise romantique : « Comment Dieu a-t-il pu créer l’Humain puis l’abandonner à son sort, conscient de sa solitude et de son inéluctable mort à venir ? »
*
Vous saviez que le Prométhée de la légende antique ─ celui qui a donné aux Hommes le feu, et donc la lumière et les couleurs, en châtiment de quoi il a été condamné par les dieux à une effroyable torture éternelle ─ a servi de modèle au Lucifer chrétien ?
Eh oui.
28 janvier 2020
« Le rideau se releva; Régine s’inclina et sourit; sous les lumières du grand lustre, des taches roses papillotaient au-dessus des robes multicolores et des vestons sombres; dans chaque face, il y avait des yeux, et au fond de tous ces yeux, Régine s’inclinait et souriait; le grondement des cataractes, le roulement des avalanches remplissaient le vieux théâtre; une force impétueuse l’arrachait à la terre, la précipitait vers le ciel. »
Simone de Beauvoir, Tous les hommes sont mortels
*
Vous repenserez longtemps et souvent à une souris solitaire qui erre sur une planète déserte.
29 janvier 2020
« Par la prière de nos saints pères, ô Seigneur Jésus-Christ, fils de Dieu, aie pitié de moi, ton esclave, le pécheur Athanase, fils de Nikita.
Moi pécheur, j’ai écrit mon voyage au delà des trois mers : la première est la mer de Derbend, la doria de Khvalis ; la deuxième est la mer indienne, la doria de l’Hindoustân ; la troisième est la mer Noire, la doria d’Istanbul. »
Athanase Nikitine, Le Voyage au-delà des trois mers
*
Document historique — En 1466, un marchand russe se met en route depuis le nord-est de Moscou vers les abords de la mer Caspienne mais, en chemin, est dépouillé par des bandits puis pourchassé par des pirates. Ses mésaventures le mènent alors jusqu’en Inde, avant de le ramener dans son pays natal. Son récit raconte les chocs, les fascinations et les angoisses de son périple.
L’une de ses craintes féroces : ne parvenant plus à garder le compte des jours, et donc à savoir la date, n’est-il pas en train de négliger ses prières et de commettre de graves péchés ?
Pages envoûtantes.
*
Les images : le livre, bien entendu ; un portrait de l’auteur ; et un monument à son effigie dans sa ville natale, à Tver, en République de Russie.
30 janvier 2020
« Tout m’avale. Quand j’ai les yeux fermés, c’est par mon ventre que je suis avalée, c’est dans mon ventre que j’étouffe. Quand j’ai les yeux ouverts, c’est parce que je vois que je suis avalée, c’est dans le ventre de ce que je vois que je suffoque. »
Réjean Ducharme, L’avalée des avalés
*
J’ai enseigné pour la première fois en Jeu à l’École nationale de Théâtre au tout début des années 1980. À une classe de… deuxième année, me semble-t-il. Une classe dont faisaient partie, entre plusieurs autres, Gildor Roy, Roger Larue, Marie-Andrée Corneille et Jean Maheux. Michelle Rossignol m’avait demandé de travailler des scènes de romans québécois.
Par pans entiers, je me souviens de notre travail comme si c’était hier. Mais il y a un extrait, en particulier qui ne m’est jamais ressorti de la tête et du cœur. C’était Marie-Andrée qui le travaillait. Un passage de « L’avalée », dont je vous en mets le texte en illustration : « Il y a des milliards et de milliards de nombres… »
31 janvier 2020
« Il y a des crimes de passion et des crimes de logique. Le Code pénal les distingue, assez commodément, par la préméditation. Nous sommes au temps de la préméditation et du crime parfait. Nos criminels ne sont plus ces enfants désarmés qui invoquaient l’excuse de l’amour. Ils sont adultes, au contraire, et leur alibi est irréfutable : c’est la philosophie qui peut servir à tout, même à changer les meurtriers en juges. »
Albert Camus, L’homme révolté
*
Sans doute le livre le plus important de ma vie, tout simplement.
2 février 2020
« Rochefort, ce dimanche 27 novembre 1785 ─ Je ne puis penser sans terreur au moment de notre séparation, ma femme, il me semblait que tout était fini, que tout était perdu et que je tombais dans un abîme où je roulerais toujours sans trouver ni d’issue ni de fond. »
Stanislas de Boufflers, Lettres d’Afrique à madame de Sabran
*
En 1785, lui nommé gouverneur du Sénégal et elle restée en France, Boufflers et sa femme ont promis de s’écrire tous les jours, au moins quelques lignes. Il nous reste ses lettres à lui.
Étonnantes à plus d’un titre : point de vue d’un administrateur colonial, détails de la vie quotidienne… et, imperceptible et pourtant incontournable, en toile de fond, la Révolution qui approche.
Je repense souvent à ces pages en les rebaptisant : « L’amour à la fin d’un règne ».
3 février 2020
« Ems, ce 5 juin 1839 ─ Hier j’ai commencé mon voyage en Russie : le grand-duc héréditaire est arrivé à Ems, précédé de dix ou douze voitures et suivi d’un cour nombreuse. »
Astolphe de Custine, Lettres de Russie
*
Custine est à la Russie ce que Tocqueville est aux USA, ou ce que… Durham est aux deux Canadas des années 1830. Il se promène, il observe, il pose des questions, il prend des notes. Et il critique.
*
Vous avez vu le magnifique film L’arche russe (2002) de Sokourov ? Eh bien le fantôme revenu à la vie qui erre dans le palais et que la police secrète tient à l’œil… c’est lui, Custine.
Si vous ne le connaissez pas, le film – chanceux ! vous allez pouvoir le découvrir ! – voici la bande-annonce. Custine, c’est l’élégant dépeigné que l’on aperçoit dès le début, de dos (superbement interprété par Sergueï Dreyden (ou Dontsov), soit dit en passant) :
4 février 2020
« Un bâtiment gris et trapu de trente-quatre étages seulement. Au-dessus de l’entrée principale, les mots : CENTRE D’INCUBATION ET DE CONDITIONNEMENT DE LONDRES-CENTRAL, et, dans un écusson, la devise de l’État mondial : COMMUNAUTÉ, IDENTITÉ, STABILITÉ. »
Aldous Huxley, Le meilleur des mondes
*
Que dire d’autre ?
5 février 2020
« Nous continuons de parler du « lever » et du « coucher » du soleil. Comme si le modèle copernicien du système solaire n’avait pas – définitivement – remplacé le système de Ptolémée. Notre vocabulaire, notre grammaire, sont habités de métaphores vides de sens, de figures de langage usées. Celles-ci se perpétuent avec ténacité dans la charpente, dans les recoins de notre parler de tous les jours. Elles s’y agitent, telles de vieilles guenilles, ou tels des spectres qui hanteraient le grenier. »
George Steiner, Réelles présences
*
Son départ me bouleverse comme celui d’un très proche. (Par coïncidence, il était mort la veille ou deux jour plus tôt, alors que cet Incipit était déjà prêt.)
Parce qu’il en était un.
Davantage que ça, même.
Il était en moi.
Il était de ceux qui m’ont fait.
6 février 2020
« La fenêtre était ouverte. Sur le fond bleu du ciel, le bouquet de tulipes dans la lumière de l’été la faisait songer à Matisse qu’une mort prématurée venait d’emporter à quatre-vingts ans, et même les pétales jaunes tombés autour du vase semblaient avoir obéi au pinceau du maître. Lady L. trouvait que la nature commençait à s’essouffler. »
Romain Gary, Lady L.
*
Je dois me retenir à huit mains pour ne pas vous transcrire ici le roman au complet.
Lisez-le !
Tendre et ironique, doux et acide, amoureux et profondément révolté.
Du grand Gary.
*
Ah, et puis non, je ne résiste pas !
*
Lady L., donc.
Une dame âgée de la très haute aristocratie britannique entreprend de raconter ses origines à un confident – lequel, dès lors, risque l’infarctus au moins deux fois par page.
Extrait :
Le Poète-Lauréat se raidit légèrement: il ne savait jamais quel trait acéré elle allait lui lancer. Il en avait toujours été ainsi, et comme il lui tenait compagnie presque constamment depuis près de quarante ans, son visage avait fini par arborer en permanence une expression de nerveuse appréhension. La vérité était que Percy aimait souffrir: tous les mauvais poètes sont ainsi. Ils adorent les blessures, à condition qu’elles ne soient pas trop profondes, et dans le cas de Percy, le fait qu’elles lui soient infligées par une très grande dame lui procurait par surcroît un délicieux sentiment de réussite sociale. Quant au reste, il ne concevait l’amour que platonique et irréalisable et si elle s’était jamais offerte à lui, il se serait immédiatement enfui en Suisse. Et pourtant Lady L. était loin de trouver cela ridicule. Un homme capable de vous aimer pendant quarante ans est à l’abri du ridicule. Le pauvre était simplement attaché à la vertu et à la pureté avec l’obstination farouche des natures vraiment distinguées que la réalité épouvante, pour qui l’amour se passe seulement entre les âmes, et qui n’ont jamais pu se faire à l’idée qu’il fallait y mêler encore les mains et Dieu sait quoi.
(p. 30)
7 février 2020
« Je n’arrive toujours pas à comprendre cet accident. »
Elia Kazan, L’arrangement.
*
Qu’est-ce qu’on entend par « réussir sa vie » ?
*
PS : Je rédige mes billets de la série « Incipit » et choisis les images qui leur sont associées, un peu à l’avance. Celui-ci était prêt depuis dix jours. Il ne doit donc rien au décès de Kirk Douglas… mais quelle coïncidence, quand même. J’en profite pour lui rendre hommage en même temps qu’à Kazan et à son roman.
(D’ailleurs, parlant de coïncidence… le décès de l’acteur de « Spartacus » le jour-même où l’empereur Donald se fait innocenter par ses sbires, ce n’est pas mal non plus.)
8 février 2020
« O Liberté ! que de crimes on commet en ton nom ! Le cri lancé par Mme Roland, face à guillotine, le 8 novembre 1793, résonne jusqu’à nos jours. »
Michel Winock, Les voix de la liberté
« Au début de décembre 1897, Maurice Barrès, installé depuis l’année précédente dans son petit hôtel du boulevard Maillot, reçoit la visite de Léon Blum. »
Michel Winock, Le siècle des intellectuels
*
Ces deux livres-ci appartiennent à la catégorie que je qualifie souvent – et c’est un compliment de taille – de « cartes de bibliothèques ». C’est-à-dire qu’il y a au moins deux manières le les lire.
On peut décider de les parcourir comme des sommes : on suit alors – et Winock est un excellent conteur – les combats d’idées et de positions de générations entières de penseurs et d’animateurs politiques des XIXe et XXe siècles.
On bien on peut voir en eux des portes ouvertes : une source d’inspiration pour ainsi dire inépuisable pour des lectures plus en détails. Chacun des deux vous propose indirectement au moins dix ou quinze ans de lectures passionnantes.
*
À peu près tous les noms de la pensée sociale et politique française des deux siècles écoulés depuis la Révolution sont évoqués et placés en contexte.
Au XIXe : Chateaubriand, Benjamin Constant, Guizot, Hugo, Tocqueville, Balzac, Eugène Sue, George Sand, Proudhon, Michelet, Auguste Comte, Flaubert, Veuillot, Renan, Pierre Larousse (celui du dictionnaire), Badinguet, Taine, Louise Michel, Zola.
Le XXe, lui, Winock le découpe en trois grandes époques : celle de Barrès, celle de Gide et celle de (l’insupportable) Sartre. Ici encore, des références, des rencontres de corridors presque à n’en plus finir, toutes passionnantes.
Qu’est-ce qui se dit, exactement, dans La trahison des clercs ? C’est un bouquin qui a marqué l’histoire de la politique, mais que disait-il ? Qui l’a écrit ? Pourquoi ? Quelles réactions sa publication a-t-elle entraînées ?
Que cherchait Barrès, père-fondateur du nationalisme moderne – dont l’influence est encore perceptible chaque jour (et plusieurs fois par jour) dans notre société. Pour qui le voulait-il ? Quelles étaient ses sources d’inspiration ? Quelles réactions, quels appuis, quelles oppositions, a-t-il suscitées en son temps ? De la part de qui ?
Nous vivons dans un monde en grande partie construit de mots. Ces deux livres-là nous ouvrent la porte de l’histoire de plusieurs de plus importants.
*
D’ailleurs, après 20 ans, il serait grand temps que les relise, tous les deux…
9 février 2020
« Une sonnerie retentit. Les candidats, qui attendaient depuis une demi-heure en échangeant des propos plaisants, un peu forcés, pour calmer leur nervosité, firent silence. Malgré leur maîtrise habituelle, tous avaient éprouvé la même émotion, les mêmes battements de cœur. La lourde porte de l’Institut fut poussée par un appariteur en habit. Derrière lui, ils suivirent un couloir obscur, puis pénétrèrent dans le grand amphithéâtre, où devaient se dérouler les épreuves. Ils étaient treize, l’âge variant entre trente-cinq et cinquante ans. »
Pierre Boulle – Les Jeux de l’esprit
*
Imaginez que les Prix Nobel de sciences prennent le pouvoir sur Terre. La Raison, enfin aux commandes ! Tout n’irait-il pas alors pour le mieux dans le meilleur des mondes ?
Sans doute. Mais ensuite, une fois qu’ils auraient fait, et bien fait, le grand ménage… qu’est-ce qui se passerait ?
Si vous n’avez pas encore lu Les Jeux de l’esprit, j’ai bien peur que vous n’ayez encore qu’une très pâle idée du sens du mot « pessimiste ».
*
Pierre Boulle est un auteur passionnant… et étourdissant. Ingénieur de formation – Résistant, longtemps prisonnier du régime de Pétain, au Vietnam alors français –, nous lui devons aussi, entre autres :
Le pont de la rivière Kwaï, magnifiquement adapté au cinéma par David Lean;
La planète des singes, eh oui, dont je vous recommande fortement la lecture si vous ne connaissez de l’œuvre que les platitudes qu’on en a tirées, mettant en vedette Charlton Heston. Vous vous souviendrez du punch final un sacré bout de temps – personnellement, quand le l’ai lu la première fois à 15 ou 16 ans, le livre m’est littéralement parti des mains;
Et le formidable Jardin de Kanashima, sur la course à la Lune, et dont je ne vous dis rien, pas un mot, sauf… lisez-le !
10 février 2020
« Préambule – Nous sommes des gens pressés. Nos ancêtres se contentaient de faire l’histoire : de vivre, de penser, de choisir, de subir, d’espérer. »
Pierre Lepape, Le pays de la littérature – des Serments de Strasbourg à l’enterrement de Sartre
*
Chez nous, nous aimons beaucoup, passionnément, à la folie, parler de la langue. Mais qu’est-ce que nous savons d’elle ? Je ne veux pas dire « Que savons-nous – ou pas – de la grammaire et de la syntaxe du français ? », je veux dire « Que connaissons-nous de son histoire ? »
Pourquoi parle-t-on français en France ?
Comment la chose s’est-elle décidée ?
Quand ?
Par qui l’a-t-elle été ?
Comment son usage s’est-il ensuite développé ? En fonction de quelles priorités, politiques et autres ?
On y parlait alors déjà français depuis un sacré bout de temps, mais quand donc cette langue-là est-elle devenue « officielle » dans l’Hexagone ?
*
C’est à un grand survol de ces sujets et de bien d’autres découlant d’eux, que Pierre Lepape nous convie. Et le résultat est passionnant.
En synthèse – c’est en tout cas ce qui, à 13 ans de distance, m’est resté de ma lecture :
L’histoire de la langue française est celle d’un affrontement entre deux groupes : celui de gens qui croyaient que le langage est un outil qu’il est essentiel de contrôler quand on veut faire tenir le monde à leur place, et celui de ceux pour qui elle devait être un levier d’affranchissement, et d’enrichissement des individus – un moyen pour eux de mieux goûter la vie, le monde, la joie et la douleur.
Vous ressortirez du parcours de ces pages-là avec quantité d’images qui vous suivront longtemps.
*
Que visait donc Pierre Larousse, avec son dictionnaire ?
Pourquoi a-t-on eu l’idée de créer l’Académie française ? À quoi sert-elle ? D’ailleurs… à qui la devons-nous, cette idée ? Et en quoi l’Académie d’aujourd’hui ressemble-t-elle ou pas à celle des tout débuts ?
Qu’est-ce qui a fait l’originalité et la force d’un Jean de La Fontaine, dans l’univers de dentelles et de courbettes où il vivait ?
*
Bonne lecture !
Mais soyez prévenus : ce bouquin-ci, c’en est encore un qui vous en fera dévorer au moins trente autres !
11 février 2020
Mer Jours
« Mer jours
et de harpes sans oiseaux
pour de secrètes marées disparues
dans l’anfractuosité des silences »
Gaston Miron, L’homme rapaillé
*
Je vous mets une photo d’un des nombreux cadres « littéraires » qui ornent les murs de mon petit appart. La dernière fois que je les comptés, il y en avait plus de cent.
Ici : dans l’encadré du haut, un passage de La peste de Camus; dans celui du bas, quelques lignes de « La marche à l’amour », l’un de poèmes qui composent L’homme rapaillé. Je les lis tous les jours ou peu s’en faut.
13 février 2020
« Il conviendrait sans doute que je raconte ici une histoire de mon invention. Je n’en ai pas le goût : ou plutôt je me sens démuni face à tous les récits qui se présentent à mon esprit, comme s’ils étaient condamnés d’avance à ne porter en eux qu’un flot vide. »
Frédérick Tristan, Les égarés
*
Ce sont les premiers mots… d’un récit inoubliable.
« Inoubliable » n’est pas ici une exagération poétique : je l’ai lu en ’84 et repense encore régulièrement à lui.
Mais je ne tenterai même pas de vous expliquer pourquoi, ce serait trop vous en révéler.
*
Le récit, en une seule courte phrase :
Un Anglais, prix Nobel de littérature de l’entre-deux-guerres, raconte sa vie.
C’est tout. (Ah ah ah !)
*
Un autre passage :
Cette soirée me parut interminable. J’étais fatigué du voyage mais combien plus encore de toutes les sornettes que j’entendais. Il me semblait être tombé dans un monde éclaté où des myriades de fragments couraient en tous sens, comme si une armée de fourmis s’était saisie des pièces d’un puzzle et s’était mise à grouiller de telle façon que nul, jamais plus, ne parviendrait à recomposer l’image primitive définitivement dispersée. Que nous étions loin de cette assemblée invisible qu’évoquait le conseiller Pizzi ou Jacob Boehme ! La pensée me vint que nous étions à l’heure de la destruction du temple. Où avais-je lu cela ? « A présent, les justes sont morts, les prophètes se sont endormis, et nous aussi nous avons quitté notre terre. Sion nous a été ravie : nous n’avons plus que le Tout-Puissant et sa Loi. » Mais que pouvait bien penser le Tout-Puissant de cette folie si indifférente à Sa Loi ? Je me souvenais de son nom en hébreu, tel que je l’avais lu dans les lettres de Lord Ambergis : El Shaddaï ! Et le bienfaiteur de Jonathan d’écrire : « El Shaddaï, qui signifie celui qui dit : assez, cela suffit ! » Et moi qui ne connaissais rien à ces choses, au milieu de ces gens si importants, si riches, si stupides, peut-être si malheureux, je commençais à trembler.
(p 163)
15 février 2020
« gilles dort dans son fauteuil
on voit qu’il rêve
que c’est un cauchemar
il foetusse
pousse un cri
celui qui jaillit
lorsqu’on rêve qu’on meurt »
Michel Garneau, Les Guerriers
*
Sans l’ombre d’un doute une de mes pièces préférées, toutes catégories confondues, associée à nombre de mes souvenirs de théâtre parmi les plus précieux.
*
Deux gars de publicité s’enferment dans un loft pour quelques jours, avec tout ce qu’il leur faut : documentation, bien entendu, bouffe… mais aussi les meilleurs alcools qui soient, de la coke en masse et une pile de films de cul.
Leur tâche : trouver au plus sacrant LE slogan de recrutement pour l’armée canadienne qui sera encore meilleur que le célèbre « Si la vie vous intéresse » d’antan.
Le Gestionnaire gère, tandis que l’Artistique souffre le martyre… mais fait la job qu’on lui demande, quand bien même elle le fait vomir.
Un texte brillant. Des dialogues à se rouler à terre.
*
J’ai eu la chance de le travailler à plusieurs reprises.
En 97, à L’Espace Go, avec René Gagnon et Jean-François Pichette. Je vous mets trois photos : les maquettes des splendides costumes imaginés par Ginette Noiseux (encore des cadres sur mes murs…), les deux acteurs dans la scéno de Stéphane Roy et les éclairages saisissants de Guy Simard.
Si ça vous dit, vous pouvez même en regarder deux bouts.
Ici :
Et ici :
Un peu plus tard, j’ai eu le plaisir de diriger l’auteur lui-même dans une version « racontée » qu’il était allé donner en Europe.
Et l’an dernier, à l’Uqam, nous en avons travaillé un petit bout pour la Journée mondiale du Théâtre. Sur la dernière photo, vous pouvez voir les formidables Samuel Paul-Hus (à g) et Alexis Tremblay.
20 février 2020
« J’imagine l’entreprise qui s’ouvre ici comme une suite à l’histoire que j’ai écrite de la Première Guerre mondiale (*). Ensemble, si toutefois je viens à bout de cette deuxième partie, ils constitueront un récit de la nouvelle Guerre de Trente Ans. »
« I must regard these volumes as a continuation of the story of the First World War (*) which I set out in The World Crisis, The Eastern Front and The Aftermath. Together, if the present work is completed, they will cover an account of another Thirty Years War. »
Winston S. Churchill, The Second World War, Tome I : The Gathering Storm, p xiii
*
C’est avec ces mots que commence la saga en 6 tomes et 4 320 pages – sans les index – qui évoque la Deuxième Guerre mondiale.
Si vous voulez bien me permettre une comparaison aussi boiteuse et aussi niaise : imaginez tous les dessous du Seigneur des Anneaux racontés dans le détail par Gandalf, et vous commencerez peut-être à vous faire une pâle idée de l’énormité et la complexité de la tâche de rédiger un titanesque compte-rendu semblable.
Tout y passe : des plus grands plans aux détails les plus minimes – mais de beaucoup de poids tout de même. Des premières ébauches du projet de ce qui deviendra l’Organisation des Nations-Unies, à la nécessité de faire une entorse aux règles du rationnement du papier afin que les soldats, durant leurs longs transports en bateaux, disposent de jeux de cartes pour les aider à passer le temps. De l’insupportable De Gaule à la décision de transférer aux USA, en sûreté, les recherches sur ce qui deviendra la bombe atomique.
*
Mais c’est un passage en particulier qui m’a fait repenser à cet ouvrage récemment, un passage crucial qui m’est revenu à l’esprit en préparant un autre Incipit que je vous présenterai bientôt.
À un moment, Churchill s’arrête sur le « Cas Hitler », sur toutes les supputations qui entourent le personnage et ses motivations. Et il dit quelque chose qui va à peu près dans ce sens (de mémoire – je n’ai pas le temps, là tout de suite, de fouiller plus avant pour retrouver le texte exact) :
C’est une erreur de mettre le déclenchement de la Deuxième Guerre sur le compte de ce seul homme. Il faut bien comprendre que si ça n’avait pas été lui qui s’était trouvé aux commandes, c’en aurait été un autre. Parce que le grand état-major allemand n’avait jamais accepté la défaite de 18, et qu’en conséquence, dès la fin de la Première Guerre, l’Allemagne avait commencé à préparer la suite des choses. Est-ce qu’on sait, par exemple, que les usines construites depuis dans ce pays – y compris les manufactures de jouets ! – devaient toutes pouvoir être transformées sur demande en usines d’armes ?!
Cela ne revient pas à dire que la personnalité du Führer a été sans importance. Ce que cela fait ressortir… c’est qu’il n’a pas tout imaginé à lui seul, et que sa place était prête dès avant son arrivée.
*
Repensez à ça, de temps à autre, quand tout le monde s’ébaubit des dernières frasques du Président Jaune Orange, comme si c’était lui qui dirigeait l’orchestre…
*
(*) En français : « L’Histoire de la Grande Guerre » – en trois tomes.
22 février 2020
« Cuba coule en flammes au milieu du lac Léman pendant que je descends au fond des choses. »
Hubert Aquin, Prochain épisode
*
Rien d’autre à en dire que : Lisez-le !
*
Une anecdote, toutefois. Liée à l’ensemble de l’œuvre d’Aquin :
À l’automne 1985, je me retrouve à New York pour une rencontre internationale d’artistes, le Dialogo de Todas Americas – le Dialogue de Toutes les Amériques.
Nous sommes quelques dizaines, que l’on pourrait qualifier de « progressistes », tout simplement : des gens qui ont essentiellement en commun de penser que l’on peut agir entre Humains en suivant d’autres principes que ceux qui font tout graviter autour du cash et de lui seul, et avec d’autres moyens qu’à coups de bombardiers.
Depuis cette époque, le monde a viré tellement loin à droite(*) que j’ose à peine tenter d’imaginer comment nous serions qualifiés aujourd’hui par les pousse-crayons de service.
Lors du Dialogo, je croise nombre d’individus formidables, certains venus d’ici mais que je n’avais pas encore eu la chance de rencontrer, comme la remarquable Alanis Obomsawin, et d’autres de toutes provenances, d’Ariel Dorfman à Susan Sontag, en passant par John Irving.
Un jour qu’une partie du groupe se déplace en petit autobus dans la Grosse Pomme, pour aller d’un événement à un autre, quelques places plus loin devant moi, un jeune homme se retourne tout à coup, pose directement le yeux sur moi, se lève, s’approche et me demande s’il peut s’assoir à mon côté pour me poser une question.
Je réponds oui, bien entendu. Je l’ai déjà remarqué deux ou trois fois, les jours précédents, qui me décochait des regards que je ne parvenais pas à déchiffrer.
Il s’assied donc. Se présente. Il ne fait pas partie du Dialogo à proprement parler, il est plutôt là à titre d’observateur. Il est membre d’un groupe révolutionnaire salvadorien.
Nous parlons un moment de la situation chez lui. Puis je sens qu’il va en venir à sa question.
Elle est toute simple.
Il me demande : On m’a dit que vous êtes de Montréal. C’est vrai ?
Je dis oui.
Il regarde par la fenêtre un moment. Puis ramène les yeux sur moi, l’air ébloui.
Il finit par dire : « Montréal ! Vous vous rendez compte ?! La ville d’Hubert Aquin ! Un des plus grands ! »
*
Parfois, je me dis que je devais avoir un peu cet air-là, moi aussi, un soir, quelques années plus tard, à Caracas, quand j’ai dit à une intime de Garcia Marquez : « Quand vous le verrez… dites-lui merci. »
***
(*) Pour vous donner une toute petite idée de la formidable trajectoire du discours public dominant chez nous que j’ai pu observer dans ma vie :
La première fois que j’ai entendu René Lévesque prononcer un discours – et il était convaincant en sapristi ! –, c’était à l’automne ’72, à l’auditorium – tout neuf à l’époque – du Cégep de Maisonneuve, où j’étudiais à 17 ans.
Ce jour-là, un des « arguments de vente » capitaux de son discours était que le nouveau parti qu’il dirigeait avait ses entrées… à l’Internationale socialiste (un siège d’observateur) ! Oui monsieur, oui madame !
Et LA société à laquelle il faisait sans cesse référence quand il évoquait l’avenir qu’il souhaitait pour le Québec, c’était… la Suède sociale-démocrate ! Autrement dit : tout ce que vous voudrez sauf ce qui nous attendait : un Québec qui une douzaine d’années plus tard à peine participerait, AVEC L’APPUI MASSIF DU PQ — à élire Brian Mulroney et à faire passer l’Accord de Libre-Échange.
*
Question :
Quand vous dites « le Québec », vous parlez de celui auquel rêvait ce matin-là l’honorable Ti-Poil, ou de celui qui trouve que François Legault (ancien ministre du PQ) et ses ministres à lui, et Martineau, et Denise Bombardier, et Facal, alouette, sont « blood à l’os » ?!
*
En attendant…
« Cuba coule en flammes au milieu du lac Léman pendant que je descends au fond des choses. »
Pensez à ça…
23 février 2020
« Lorsque je partis en excursion, un beau soleil illuminait Munich, et l’air était rempli de cette joie particulière au début de l’été. »
Bram Stoker, Dracula
*
Vous l’avez déjà lu ?
Oubliez les histoires d’hommes pâles comme des draps, aux canines tellement longues qu’ils se prennent les pieds dedans. L’horreur se déploie doucement, par petites touches, d’atmosphères en fantasmes.
Je l’ai lu pour la première fois… à 17 ou 18 ans, je pense bien.
Et je n’avais jamais eu aussi peur de ma vie. Je n’avais jamais regardé aussi souvent sous mon lit.
26 février 2020
« Depuis la dernière victoire de l’Union nationale, celle de 1956, on ne compte plus les écrits, les discours, les conférences et les enquêtes qui ont eu pour thème cette colossale éclaboussure. Au départ, on aurait dit que la corruption électorale se révélait pour la première fois aux yeux de ceux qui, venants d’un peu tous les milieux, criaient leur dégoût. Subitement, on venait d’apprendre quelque chose. »
Georges-Émile Lapalme, Pour une politique – Le programme de la Révolution tranquille
*
Un document qui donne le tournis : toutes ces idées, réfléchies, préparées, qui ont fait surgir des pans entiers de ce qu’aujourd’hui nous tenons pour acquis.
Et puis les éléments du projet qui n’ont jamais été réalisés, qui n’ont, dans certains cas, même pas été tentés… comme le point 1 du programme… eh oui…
*
Vous savez ce qui était censé être au cœur de le Révolution tranquille, mais qu’on a immédiatement jeté aux vidanges ?
Non ?
Eh bien préparez-vous pour une (grosse) surprise.
28 février 2020
« Ce lit est vide comme une drôle de tombe, j’y suis pourtant veillant, pestant, je pense que le monde est petit et que je suis petit moi-même, tout aussitôt, tandis que mon genou gauche remonte, que je suis grand et qu’il est beau, je m’émerveille de retrouver, ce soir encore, la musique de mes seize ans, feutrée, grinçante, je me revois soudain si las de tant de minuscules jaillissements, d’un seul coup je suis enseveli sous mille brassées de fleurs noires, confiné à mon envie de m’assoupir pour de bon, il est de nombreux mondes, quelle blague de se croire vivant sur une sphère unique quand il en est mille et une peut-être et que la dernière visitée, couic, comme Shéhérazade, un bon coup de hache, dégagez, mon cœur stoïque battra longtemps, je suis le siège d’étonnement naïf quand j’imagine, ainsi replié sur moi-même de plus en plus comme un colimaçon, ce qui est, que je ne connais guère, lu seulement, que j’entrevois dans les limbes brouillés de ma cervelle : un mort au Vietnam, jaune ou blanc, un bonze imbibé de la glorieuse essence Texaco, le râle d’un soldat du Christ (je pense à ces splendeurs de chairs roses), le maquisard viet-cong toujours ressuscité d’entre les fins roseaux, je revois les Juifs, souvenir plus inquiet d’un passé fabuleux qui me hante, je suis l’un de ceux que Rossif a décrit dans Le Temps du Ghetto, tout est si calme, ici, si tendre, nos érables qui s’étendent, nos femmes, nos pins ensommeillés, nos eaux, nos maïs à tête d’argent, nos buildings, nos trente degrés sous zéro Fahrenheit, nos adolescents, on devient vite fasciste et me comprendra qui connait la douceur de ce nid sis entre le Pacifique et l’Atlantique, disons vrai en cet instant perplexe où le repos me guette, n’ai-je point fait un rêve brutal de croix gammée, je revois Jérémie au visage maquillé entre le boxeur et l’archange, tout m’investit et tout se refuse, je n’aime plus cette plante, encore un peu je dors, continuons, je soupire, je m’allonge pour constater par mes pieds que le fond de mon lit est froid… »
Jean Basile, Le grand khan
*
Et oui… ça, c’est la première phrase…
*
Le Grand Khan est paru en 1967, et constitue le deuxième volet d’une trilogie inaugurée par La Jument des Mongols (1964) et complétée par Le Voyage d’Irkoutsk (1970).
Montréal à sa grande époque jazz… c’est-à-dire avant que le Festival ne vienne foutre la merde.
*
Basile a été co-fondateur de la revue Mainmise, et journaliste / directeur des pages culturelles au Devoir.
Il avait – c’est le moins qu’on puisse dire – la plume acérée à ses heures.
L’une de ses critiques les plus mémorables est entrée dans la légende– tout jeune acteur, je pense, fait des cauchemars à l’idée de se faire épingler comme ça.
À propos d’une production du Dom Juan de Molière à la NCT (au temps où cette compagnie avait ses quartiers au Gésu) :
« Quand à Gilles Pelletier… au premier acte il fait n’importe quoi.
Et au dernier il ne fait plus rien. »
29 février 2020
« 1 – Dans lequel l’Auteur prend position – Dans les moments d’intense passion, l’esprit tend à être submergé par une vision tendre de l’être que l’on étreint. Nous sommes peu enclins, à ces instants-là, à analyser ses défauts, réels ou hypothétiques. Et nous y sommes encore moins portés si la chose advient dans le noir. En ce qui a trait aux éventuelles conséquences de l’acte en cours, seul le plus étonnants des amants se tracassera à un pareil moment de supputer si la mise au monde d’un enfant constituerait, ou pas, un apport au monde approprié et valable. »
John Ralston Saul, Les bâtards de Voltaire (*)
« La fin du vingtième siècle a été le théâtre d’une ruée vers l’or scientifique d’incroyables dimensions : un plongeon, tête première, dans la commercialisation des produits du génie génétique. Cette entreprise est allée de l’avant à une telle allure – et sans presque qu’on la commente – que son importance et ses implications sont à toutes utiles incomprises. »
Michael Crichton – Le parc jurassique (*)
*
Voici deux livres à vue de nez totalement différents – un essai de critique politique, un roman de science-fiction – mais qui possèdent pourtant un point commun primordial. Tous les deux, à la fin des années 80 et au tout début des 90, ont décrit avec fougue et disséqué avec une terrifiante précision l’irresponsabilité chronique des grands décideurs occidentaux et des élites qui sont à leur service.
Saul décrit par le menu le règne de la « fausse raison » : la prolifération des constructions intellectuelles absurdes de ceux et celles qui prétendent « gérer » la réalité. Le résultat est ce que le Washington Post a qualifié au moment de la parution de « grenade déguisée en livre ».
Crichton, de son côté, imagine une mise en application extrême, un passage à l’œuvre exemplaire de cette folie. Vous avez vu le film ? Eh bien oubliez-le (ou presque) : le roman va dix fois plus loin.
*
Deux livres qui demeurent essentiels pour comprendre qu’elle était, quelle est, la culture – la représentation du monde – des puissants de notre époque, et de leurs chefs de chantiers.
Comme le dit dans le roman le chaoticien Ian Malcolm (superbement interprété par Jeff Goldblum dans le film de Splielberg) :
– Vous n’avez pas l’air étonné.
Grant (le paléontologue – interprété, lui, par Sam Neill) secoua la tête :
– C’est un sujet qui été discuté, dans le milieu. Beaucoup de gens savaient que ça allait bien finir par arriver. Mais pas si tôt.
– La synthèse de l’histoire de notre espèce en quatre mots, dit Malcolm en riant. Tout le monde sait que ça s’en vient… « mais pas si tôt ». (*)
*
(*) Traduction de rdd.
6 mars 2020
« Nous avions déjà visité Milan et Gênes. Nous étions à Pise depuis deux jours lorsque je décidai de partir pour Florence. Jacqueline était d’accord. Elle était d’ailleurs toujours d’accord. »
Marguerite Duras, Le marin de Gibraltar
*
Une splendeur. Une clé.
Toute l’œuvre de Duras est déjà là, avant même « le style Duras ».
18 mars 2020
« Par ces temps du millénaire de nombreux prodiges apparurent en mémoire du Christ. Comme si les troubles dans le ciel ne devaient plus témoigner de la gloire de Dieu mais avertir les hommes qu’un malheur allait s’abattre sur eux, d’inhabituels désordres perturbèrent l’ordre du monde. »
Alain Absire, L’égal de Dieu
*
Penché sur ses parchemins, presque aveugle, ligne après ligne un très vieux moine repense à sa jeunesse et confesse la trahison qui a marqué sa vie.
*
Le seul roman, je pense bien, qui m’ait jamais fait ressentir que oui, l’Europe d’il y a mille ans était en grande partie couverte de vastes forêts aussi sauvages que celles qu’il y avait ici il y a encore peu de temps.
Il y a, dans l’écriture d’Absire, en particulier vers le début, quand il décrit l’avancée en forêt, justement, quelque chose de magique : il m’avait réellement fait ressentir l’immensité des distances, à l’époque. J’en conserve des images magnifiques – et je dois avouer que malgré l’envie qui me prend parfois de relire le roman, j’ai toujours fini par m’en empêcher, de peur que le re-parcours ne soit moins fort que la découverte l’avait été.
*
(Petite note : ce billet de ma série « Incipit » a été préparé à la mi-février, avec plusieurs autres. Bien avant l’arrivée ici de la pandémie, donc. Je le précise pour (si possible) éviter qu’on s’imagine que selon moi le virus serait une punition du Ciel…)
21 mars 2020
« J’ai possédé une ferme en Afrique au pied du Ngong. La ligne de l’équateur passait dans les montagnes à vingt-cinq milles au Nord ; nous étions à deux mille mètres d’altitude. Au milieu de la journée nous avions l’impression d’être tout près du soleil, alors que les après-midis et les soirées étaient frais et les nuits froides. »
Karen Blixen, La ferme africaine
*
En plus des nombreuses et fortes images qui me sont restées du superbe film de 1985, tiré du récit par Sidney Pollack, avec Meryl Streep et Robert Redford, deux magnifiques souvenirs personnels, associés l’un au film et l’autre à la personne même de la baronne Blixen.
*
J’ai eu un ami très… euh… unique en son genre. Que nous surnommions « Gazou » — sobriquet qui lui avait été accolé à l’adolescence et lui était resté. Tout un personnage — que dis-je, un roman, à lui tout seul.
Gazou avait un don inné pour le snobisme – ce qui pouvait s’avérer parfois et même souvent un rien lassant –, mais je l’aimais d’amitié pour une toute autre raison. Il était la mélancolie incarnée.
L’un de ses accès les plus fréquents pouvait survenir à tout moment. Vous étiez en train de discuter avec lui de… du sujet que vous voudrez… de cuisine ou de politique, d’économie ou d’histoires de fesses… et tout à coup il fermait les yeux, coupait tout contact avec le monde environnant, se repliait quelque part en lui, très loin, où nul n’avait accès, et au bout d’un moment vous entendiez, sur le souffle…
« I had a farm in Africa…», et on aurait juré qu’il évoquait là un continent englouti.
Je n’ai jamais su vraiment tout ce que pour lui pouvait évoquer cette phrase, la première du film en v.o.. Elle est demeurée, pour moi, le cœur même de « l’énigme Gazou ». Vous veniez de le perdre. Et ne le retrouveriez que quand il le jugerait bon. À ce moment, il émergeait de sa rêverie, et la discussion reprenait comme si de rien n’avait été. Si vous aviez le malheur de l’interroger, ce à quoi je me suis risqué quelques fois, il vous caressait doucement des yeux, d’un regard polaire qui voulait dire : « Et moi, je me mêle de tes rêves ? »
*
Martin, lui, était comédien. Un extraordinaire, comédien. Prodigieux.
Au plan personnel, je le surnommais « le Fils de l’Empire », mais en anglais : « True Son of the Empire » — ce qui avait le don de le faire grincher des dents. Il n’en reste pas moins que l’entendre parler de l’histoire de sa famille pouvait facilement vous donner l’impression d’être assis en compagnie d’un personnage d’Agatha Christie ou de Kipling : un grand-père dans l’armée des Indes, l’autre ayant servi à… Hong Kong, je crois. Lui-même était né au Kenya, avant l’indépendance. Son père était un éminent entomologiste – quelques petites bêtes, de par le vaste monde, portent son nom, je crois bien.
Le soir où nous nous étions connus, dans les années 70, je lui avais demandé pourquoi sa famille avait quitté l’Afrique, et il m’avait répondu, tout simplement, flegmatique comme une banquise… « Wrong colour » : après l’indépendance, qui ne s’était pas réalisée sans violences, les Blancs avaient nettement cessé d’être les bienvenus.
Toujours est-il qu’un soir, à un détour de la conversation, je lui apprends que je viens de découvrir Blixen – à travers ses magnifiques contes, qui m’ont ravi. J’avais du me dire que parler d’elle allait rappeler à Martin son pays natal. Et ce fut le cas. Mais pas du tout dans le sens que j’avais imaginé. Il eut une réaction toute simple : il laissa tomber, bien à plat, comme une toute petite crêpe, un « Oh… » dont ni l’un ni l’autre de ses grands-pères n’aurait eu rougir – c’est un des grands secrets de la culture britannique : comment exprimer dix tonnes d’ennui profond en une seule courte syllabe.
Je l’interrogeai doucement. Et finit par lui arracher que Blixen avait habité plus ou moins dans le même coin que ses parents. Mais il prit soin de me préciser qu’eux et elle ne se côtoyaient pas du tout : « Ce n’était pas le même monde. » Et le mépris que je ressentis dans son ton à l’égard de la Haute société coloniale, à laquelle devait appartenir Blixen, aurait eu de quoi figer sur place un mammouth.
Il laissa passer un temps. Puis ajouta, le regard dans le vague :
– Tu sais comment elle est morte ?
– Non.
(…)
– De malnutrition.
– Quoi ?!
– Eh oui. Imagine-toi donc qu’elle ne se nourrissait que de champagne et de poulet. (*)
Les mots « idiote d’aristocrate » ne furent jamais prononcés. Et pourtant, en repensant à cette scène, je n’entends qu’eux.
*
Il n’empêche qu’idiote d’aristocrate ou pas, elle était une remarquable écrivaine.
Vous pouvez écouter ses Contes gothiques lus par Jeanne Moreau, ici ou là :
*
(*) Un ami me dit que selon l’un de ses biographes, sa diète était plutôt limitée au champagne et aux huîtres. Ah, bon…
15 avril 2020
« Le consul de l’Hégémonie, sur le balcon de son vaisseau spatial couleur d’ébène, jouait le Prélude en do dièse mineur de Rachmaninov sur un Steinway âgé mais en bon état, tandis que de grands sauriens verts s’ébattaient bruyamment dans les marécages en contrebas. »
Dan Simmons, Hypérion I
.
Le Cycle d’Hypérion, suivi du cycle d’Endymion – un de mes « musts », toutes catégories confondues.
J’adore la science-fiction. Ou plutôt : j’adore la très très bonne science-fiction – qui n’est pas si courante.
Par là-dessus, je raffole des grands cycles, les univers complets, autonomes. Ah ! plonger intensivement, des semaines durant, dans une univers organique, complexe, qu’un ou une auteur a parcouru en lui ou en elle, et dont il nous rend compte ! « Dune » ! « Amber » !
Et bien évidemment « Hypérion », qui constitue véritablement un sommet.
.
Imaginez…
Une agent littéraire qui a son bureau au sommet d’une tour de… je ne sais plus… 2 000 étages, peut-être ? Et qui, un bon jour, se retrouve dans l’incapacité de le quitter. Pourquoi donc ? Ah ça, je ne vous le dirai pas — lisez-le ! Mais elle n’est pas seule dans son cas : d’autres, par exemple, se retrouvent coincés dans leur salle de bain, sur une petite lune qui se trouve à des années lumière de leur chambre à coucher.
Hypérion, c’est un voyage prodigieux qui débouche sur une splendide réflexion.
Permettez-moi de vous souhaiter un magnifique voyage.
.
19 avril 2020
“Mon cher Marc,
Je suis descendu ce matin chez mon médecin Hermogène, qui vient de rentrer à la Villa après un assez long voyage en Asie. L’examen devait se faire à jeun : nous avions pris rendez-vous pour les premières heures de la matinée. Je me suis couché sur un lit après m’être dépouillé de mon manteau et de ma tunique. Je t’épargne des détails qui te seraient aussi désagréables qu’à moi-même, et la description du corps d’un homme qui avance en âge et s’apprête à mourir d’une hydropisie du cœur. »
Marguerite Yourcenar, Mémoires d’Hadrien
.
Je pense que ni l’auteure ni l’œuvre n’ont besoin de présentation. Mais je ne pouvais bien évidemment pas ne pas inclure les « Mémoires » dans ma liste.
Pas plus que je ne peux résister à citer dans la foulée son excipit – sa toute dernière phrase – aussi magnifique que le roman dans son ensemble :
“Tâchons d’entrer dans la mort les yeux ouverts…”
*
Une anecdote – inoubliable pour moi – liée à ce roman.
En décembre 1985, au moment de la création au Théâtre de Quat’Sous de Being at home with Claude — peut-être la pièce jouait-elle toujours, ou bien venait-elle tout juste de quitter l’affiche –, je sors un soir prendre une bière à l’Equus, petit bar gay de quartier, sur Saint-Denis près de Duluth. J’y suis un habitué : c’est tout près de chez moi, et l’atmosphère y est formidable. Il me semble que ce doit être un vendredi ou un samedi, parce qu’il y a beaucoup de monde.
Vers le fond de la salle se trouve une haute table peu profonde, presqu’une tablette, qui sert de « bar debout » : juste assez grande pour que trois personnes peut-être puissent s’y accouder de chaque côté, et déposer leur verre ou leur bouteille. Je suis derrière elle, ce qui signifie qu’entre les deux hommes qui lui sont adossés de l’autre côté, j’ai une vue sur l’ensemble de l’endroit.
Ces deux hommes, juste devant moi et me tournant le dos, donc, je les ai vus me regarder approcher. Au moment de mon passage, l’un s’est penché vers son camarade pour lui murmurer quelque chose – mon nom.
Dix minutes plus tard, peut-être, celui qui m’a identifié au profit de son ami lui dit – juste un peu trop fort, du ton qu’on adopte pour dire à X une chose qu’on espère qu’Y entendra aussi, quelque chose comme :
— Je n’avais jamais imaginé que je tomberais un jour sur une œuvre qui parle aussi bien d’amour que les Mémoires d’Hadrien.
.
Ce n’est pas la teneur du compliment lui-même, qui m’a ému et qui a fait que je me souviens encore si clairement du moment 35 ans plus tard.
Non, ce n’est pas le compliment – parce qu’il m’a semblé sur le coup, et me semble toujours d’ailleurs, nettement exagéré.
C’est la délicatesse, la finesse de la manière de me l’adresser, qui m’a épaté et remué.
.
Belle et bonne journée à vous.
.
7 août 2020
L’hiver dernier – avant que Godzilla (note de nov. 2020 : “Godzilla = Covid”) débarque – j’avais commencé une série de billets intitulée INCIPIT :
La première phrase d’une œuvre écrite qui a compté pour moi, accompagnée de la couverture du livre, d’une photo de l’auteur.e, et d’une ou deux autres associées à l’œuvre.
Il m’en restait deux de prêts à mettre en ligne.
Voici le premier.
« D’accord : je suis pensionnaire d’une maison de santé. Mon infirmier m’observe, me tient à l’œil ; car il y a dans la porte un judas, et l’œil de mon infirmier est de ce brun qui ne peut me radiographier car j’ai, moi, les yeux bleus. »
Günter Grass, Le tambour
.
Pour le roman, pour le film remarquable qui en a été tiré.
Et pour cette phrase qui s’est fichée ne moi (approx. – de mémoire) :
« Mais ils ne savaient pas que le Père Noël était un employé du gazzzz. »
Devinez un peu de quel Père Noël il parle.
Bon vendredi à vous !
.
.
25 novembre 2020
.
.
« 3 janvier 1938. Tu es un ogre, me disait parfois Rachel. Un Ogre ? C’est-à-dire un monstre féérique, émergeant de la nuit des temps ? Je crois, oui, à ma nature féérique, je veux dire à cette connivence secrète qui mêle en profondeur mon aventure personnelle au cours des choses, et lui permet de l’incliner dans son sens. »
Michel Tournier, Le Roi des Aulnes
.
.
26 mai 2022

Je n’ai pas encore très bien compris comment cela s’est fait, – en moi et en nous. D’ailleurs, je ne cherche pas. Il est de certains miracles très naturels. Je veux dire : très faciles à accepter. Je les accepte de grand cœur et celui-ci fut de ceux-là.
Vercors, Le Silence de la Mer
.
.
.
.
.
Je termine la lecture d’une traite de ton « Incipit » (je me permets le ton familier comme avec ma sœur ou mon frère). Je n’en ai pas eu assez, j’en aurais pris encore plus : c’est mon seul reproche. La moitié de tes livres préférés, et de tes films, je les ai lus ou vus; les autres m’ont tout autant touché par ta manière de les amener, et de les aimer. J’ai pensé spontanément y aller de quelques suggestions, mais non! Ça ne se fait pas vraiment : chacun a son intimité de lecteur, chacun a arpenté à son rythme et à sa manière son chemin littéraire vers l’imaginaire et le réel.
Je veux te dire merci, mais si plusieurs l’ont probablement déjà fait. Et, pour terminer, je ne peux résister à la tentation de citer Dylan : “He not busy being born is busy dying”. Lire, c’est se garder les yeux ouverts sur la vie.
Pierre Paul Charlebois
Grand merci pour tes commentaires ! Touché ! — Tu sais tu pourrais y aller de tes suggestions : ma liste de lectures “en retard”, “très en retard” et “trop en retard” est déjà longue comme la route la 20… mais c’est pas une raison. LOL
La route 138, le chemin du Roy, est presque trois fois plus longue que la 20. Ce qui nous rend la 20 longue, c’est qu’elle est plate, surtout si on n’est pas un fan du “Madrid”… J’ai transmis le lien pour Incipit à de nombreux ami.e.s. Tout ce monde me dit que c’est un projet/idée géniale, et qui fait du bien en ce moment dont on pourra dire éventuellement que “C’était un temps déraisonnable. On avait mis les morts à table. On faisait des châteaux de sable. On prenait les loups pour des chiens” (Aragon). Hâte donc de lire la prochaine entrée.