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Ce qui vient revient à dire… deux choses qui paraitront contradictoires aux esprits hâtifs en fait de jugements catégoriques, mais qui ne le seront pourtant en rien aux yeux des êtres ayant tant soit peu tâté de la vastitude des possibles que la vie nous offre.
Jean-Sébastien Pomeroy était un amoureux-né.
Et pourtant Jean-Sébastien Pomeroy avait, sa vie entière, été un solitaire radical. Entendez par là que Jean-Sébastien Pomeroy n’avait jamais connu l’amour physique.
Et que pourtant.
Il n’en ignorait rien.
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Le plus clair de la vie de Jean-Sébastien Pomeroy s’était déroulé sous le coup d’un pari.
Encore dans la jeune vingtaine, il s’était éveillé un matin – sans se rendre compte qu’en vérité cette question avait germé et s’était développée en lui au cours d’un rêve – habité par une interrogation qui ne devait plus jamais le quitter : puisque, en somme, la vie consiste à amasser des souvenirs, qu’est-ce qui différencie donc celles de ces souvenances qui ont trait aux événements advenus à la lumière du jour de celles des moments qui ont peuplé nos rêves ?
Autrement dit : « Au moment de se coucher dans la tombe, en quoi, nom d’un petit bonzaï, une vie qui aurait été intégralement rêvée serait-elle moins riche et moins comblée que celle passée à user ses chaussures à courir les routes et ses genoux à escalader les montagnes ? »
C’était dans l’éclairage envoutant émanant de cette méditation que s’était élaboré en lui un plan de vie. Oh, il ne l’avait bien sûr pas baptisé de la sorte. Non. Pas au départ, en tout cas. Il l’avait « essayé » et c’est tout.
Sauf que. Cet essai s’était éternisé.
La plupart des gens dorment pour pouvoir se réveiller en forme. Jean-Sébastien Pomeroy, lui, ouvrait les yeux le matin pour conquérir dans le monde le droit au calme pour sa prochaine nuit.
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Or, devait bientôt se poser à lui la question du vivre ensemble. Ou, plus prosaïquement, la question du couple.
Et elle ne fut pas simple à cerner.
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La jeune fille de ses vœux se prénommait Paule.
Mais voilà que Jean-Sébastien Pomeroy se rendit compte très rapidement de ce que pas un seul moment passé en sa compagnie n’arrivait à la cheville – si l’on veut bien permettre cette image – des attentes qu’il avait nourries.
Il était certain que la richesse, la tendresse, l’intelligence, la chaleur, le velouté que lui inspirait l’idée de Paule n’était pas un fantasme. Qu’assurément vivait en elle la capacité de procurer aux autres – ou à un autre, en tout cas – de telles délices. Mais en regard des grands vents tièdes et enveloppant qui soufflaient dans la vie du garçon aussitôt que Paule avait quitté son champ de vision, il ne put s’empêcher d’en venir rapidement à la conclusion – erronée peut-être, mais ce fut la sienne et il n’en démordit jamais – que la véritable Paule n’était pas celle à qui il pouvait serrer la main, dont il pouvait effleurer la joue du bout des lèvres, ou avec laquelle il pouvait rire de bon cœur des heures durant. Non, la véritable Paule n’avait rien à voir avec tout ça. La véritable Paule était une présence en lui inspirée par l’Autre mais qui n’était pas elle – une colonne, un pilier au cœur de son existence. Elle était le Nord. Elle était le fondement. Elle était la route et la destination.
Il se mit à prêter une oreille nettement plus attentive aux nombreuses discussions « d’affaires de couples » qui fréquemment se donnaient libre cours au boulot ou lors de petites soirées entre employés du magasin, et son étonnement se mua bientôt en quasi panique : il n’était en ces occasions question que d’« aménagements », que de « laisser de la corde à l’autre », que de négociations. Il n’était jamais question que de moyens.
Et jamais de but.
Or, pour Djihesse, n’importait que le but.
Il était catastrophé.
Il décida, donc, de ne même pas tenter la vie de couple.
Pas même pour une demi-heure.
Si Nord il y avait, ce point cardinal ne pouvait certainement pas être le fruit d’interminables délibérations.
C’était un rêve ?
Soit.
“Eh bien… rêvons-le !”
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