Un matin… (9/X)

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Il dansa, et dansa, et dansa à en avoir le tournis, et les poumons qui brûlaient. Sans cesser de hurler de rire.

Il se sentait… libre ! Détaché de toute entrave ! Léger comme jamais il n’aurait osé fantasmer l’être un jour.

Un instant !

« Libre » ?

Non, pas tout à fait.

« Libéré », plutôt. Oui, oui, c’était ça : il se sentait libéré. Libéré d’un poids écrasant… qu’il n’avait pourtant jamais su lui peser sur les épaules et qui sitôt le quittant venait de s’évanouir dans l’air.

Il dansa, fit des cabrioles, se taquina lui-même, prit mille poses – tragiques, langoureuses ou grotesques. Se lança dans une infinie récapitulation de toutes les danses qui lui repassaient par la tête, les bras et les pieds, depuis les valses et gaillardes jusqu’aux solennelles pavanes de la cour du Roy en passant par la danse de Zorba ou celle des canards.

Enchainant sur la révélation du fait que les rêves ne sont pas que d’agréables ou parfois angoissants moments qui nous guetteraient tels autant de loups ou de farfadets dans les forêts de nos enfances, tapis derrière la moindre souche ou le moindre tronc moussu effondré dans des monceaux de feuilles mortes, il se sentait déborder d’énergie et de rythmes tous plus transportant les uns que les autres.

Chaque fois qu’il lui semblait que ça y était, qu’il allait enfin s’arrêter aussitôt achevé ce pastiche de la mort du Cygne qui le fit tellement s’esclaffer qu’après son réveil il en eut mal aux côtes pendant trois jours, non, au tout dernier instant, un roulement de caisse claire s’égrenait, ou un vigoureux accord de guitare sèche retentissait et – vlan – le voilà qui se redressait en un éclair de toute sa hauteur, bedon bien rentré, un bras pointé vers le ciel, et que, toréador au sommet de son art, il entreprenait le mortel pas de deux face au taureau furibond. Olé !

Tout ce temps – puisque la sarabande lui sembla durer des jours et des nuits –, à la fois il se laissait emporter par la crue et à la fois se demandait… « Mais qu’est-ce que j’ai ?! Qu’est-ce qui me prend, nom d’une boule de poils ?! Pourquoi une réaction aussi démesurée ? J’ai toute ma vie rêvé et rêvé et rêvé encore, à satiété, je me rends compte qu’il y avait en réalité bien plus dans mes rêves que je n’en avais jamais pris conscience, et c’est bien, je suis fort aise de le comprendre, mais… de là à faire la farandole, la sylphide et la volta à n’en plus finir… ? »

Quand tout à coup…

… au moment précis où il allait prendre la décision de cesser de taper du pied et de jouer à la toupie…

… le monde tout à l’horizontale dans lequel il se trouvait – immense savane de toutes parts – bascula en un éclair…

… et il se retrouva suspendu en l’air devant une haute paroi !

À peine le temps d’un hoquet de terreur…

… et il descendait, descendait, descendait à toute allure, son éclat de rire, son coup de hanche d’il y avait un bref instant coupés net.

Il filait vers le bas comme si les câbles de l’ascenseur avaient lâché sans prévenir. Il filait vers un sol dont il ignorait tout.

Il ne saurait jamais combien de temps il avait dansé et rit. Et jamais non plus combien de temps dura sa chute.

Mais boum – elle finit par s’achever.

Et Jean-Sébastien Pomeroy se retrouva debout dans une immense salle en rotonde – sous une haute coupole de pierres de taille. Éclairée par les centaines de flammes tremblotantes lancées par des flambeaux fichés au mur à hauteur de tête.

Entre ces flambeaux, au pied du mur circulaire, qui saura dire combien d’ouvertures arquées s’ouvraient, embouchures d’autant de couloirs s’enfonçant dans la nuit.

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